Charges d´exploitation
Assolement en commun dans la Somme ... Allier performances et sécurité
Charges d´exploitation
Sept agriculteurs partagent terres, matériel et travail. Assolement en commun avec un rendement moyen pour tous sont la règle depuis dix ans.
A Courtemanche près de Montdidier dans la Somme, il y avait une Cuma.
A Courtemanche près de Montdidier dans la Somme, il y avait une Cuma.
Un jour, il a fallu renouveler la moissonneuse-batteuse. De nouveaux agriculteurs étaient candidats pour partager cette machine. Ce fût le déclic. Ne pourrait-on pas aller plus loin ? Avec plus de matériel en commun et, pourquoi pas, travailler ensemble.
Ils sont sept exploitants dans le projet. Émile Foirest exploite 61 hectares à Courtemanche même. Michel Fouloy est son voisin. Sur ses 85 hectares, 42 sont à 19 kilomètres du village. Jean Delavallée aussi est de Courtemanche. Une partie de ses 38 hectares est consacrée à son troupeau de laitier (quota de 250 000 litres). Les frères Jean-Pierre et Daniel Dehaspe, en Gaec, avec 114 hectares et un quota laitier de 245 000 litres, sont du village voisin. L´exploitation de Jean-Michel Serres (60 hectares) se situe à cinq kilomètres environ à Fontaine-sous-Montdidier.
Ils produisent des céréales à paille, du maïs, du colza, du pois, des betteraves et des pommes de terre. Tous ont autour de la cinquantaine et certains se connaissent depuis l´école.
Un an d´audit avant de démarrer
Avant de se lancer, les futurs membres du groupe s´adressent au centre de gestion du département, l´Ocea. Un travail d´audit démarre : attentes et craintes de chacun, les raisons qui poussent à vouloir aller plus loin ensemble, besoins en main d´oeuvre et en matériel des différentes exploitations, évolution du parc matériel... Un long travail de préparation avant de prendre des décisions qui vont engager pour plusieurs années. « L´idée de l´assolement en commun, de travailler indifféremment toutes les parcelles des exploitations, de partager jusqu´aux rendements, cette idée, c´est nous qui l´avons eue et non le conseiller », tiennent à préciser les exploitants.
En 1992, a lieu la première récolte totalement en commun ... juste avant la réforme de la Pac.
Aujourd´hui tout le matériel est en commun sauf les équipements spécifiques aux élevages laitiers. Toutes les cultures (325 hectares au total) sont conduites comme s´il s´agissait d´une seule exploitation. Seules les surfaces toujours en herbe sont exclues.
Chacun prend sa part aux travaux, plus pour certains, moins pour les « éleveurs » qui doivent consacrer du temps à leurs troupeaux. Jean-Michel Serres, qui a des responsabilités professionnelles, participe moins sauf pour la moisson. « Cela ne pose pas de problèmes, déclarent en choeur ses associés. C´était prévu dès le départ. Et nous arrivons à faire face au travail en temps et en heure ».
Au fil des années, chacun s´est spécialisé dans un secteur, Michel Foulloy les céréales, Émile Foirest les betteraves, Jean Delavallée, l´entretien du matériel... Chaque matériel a deux conducteurs, ce qui permet de se remplacer ou de travailler en journée continue si c´est nécessaire.
Et les résultats sont là. La spécialisation permet à chacun d´être « pointu » dans son domaine. Le groupe dispose d´un parc matériel techniquement à la pointe et utilisé à l´optimum. Ainsi les deux tracteurs de 140 chevaux font chacun 800 heures par an (dont 300 h d´épandage de lisier et de fumier pour l´un). Les marges par culture sont, d´après les chiffres du centre de gestion, au dessus de la moyenne des 20 % les meilleurs ! Quant aux charges de mécanisation, elles sont largement en dessous de la moyenne, même si les comparaisons sont délicates.
L´organisation collective est source de sécurité
Au-delà de la performance économique, les associés manifestement prennent du plaisir à travailler ensemble, à faire bien et à l´heure les différents travaux, à pouvoir se perfectionner dans leurs secteurs. Mais le principal avantage, pour tous, réside dans la sécurité apportée par le système. Sécurité pour le travail fait, même si l´un doit s´absenter pour accident ou maladie. Six semaines d´absence, cela est arrivé... Sécurité aussi grâce à la spécialisation de chacun et la maîtrise technique que cela apporte. Dans une cuma parfois, l´un se trouve désavantagé car son blé a été récolté en premier ou au contraire en retard. Ici pas de problème, puisque le rendement est commun à tous !
Cela suppose de la confiance entre les partenaires. « Nous sommes solidaires », déclarent-ils en choeur. Si un traitement est raté, si une culture souffre suite à une intempérie, tous le monde en pâtit.
Cette confiance, du point de vue technique, s´est construite au fil des années au fur et à mesure du travail en commun et des compétences acquises par les uns et les autres.
Aujourd´hui, alors que les exploitations de grandes cultures voient leurs résultats diminuer, les exploitants de Courtemanche et des environs se réjouissent d´avoir fait le choix de l´assolement commun il y a maintenant dix ans.
Déclaration Pac : 6 déclarations plus une
C´est Jean Delavallée qui a en charge le dossier « déclaration Pac ». Ici, dans la Somme, la direction départementale de l´agriculture admet l´assolement en commun. Pratiquement cela se traduit par une déclaration commune pour tous les hectares concernés et une déclaration individuelle par exploitation. Sur celle-ci ne sont portées que les surfaces en telle ou telle production, sans indication du parcellaire correspondant.
« Nous signons tous la déclaration collective. Nous sommes solidaires en cas d´erreur », précisent les membres du groupe.
La déclaration Pac demande du temps, y compris chaque année quelques heures d´arpentage pour vérifier la taille des parcelles surtout les parties en jachère.
Mise en garde : L´assolement en commun n´a pas de forme juridique
Cette forme d´association n´est pas reconnue par les directions départementales de l´agriculture sauf dans la Somme, ce qui complique les déclarations Pac. Pratiquement, le groupe a comme support une Cuma et un GIE. Les organisations professionnelles des grandes cultures militent pour la reconnaissance de cette nouvelle forme d´agriculture en commun.