Flambée des prix et risque de pénurie pour les engrais azotés
En sympathie avec les prix du gaz, les cours des engrais azotés pulvérisent les records. Pire, l’offre est limitée. Pour espérer être livré avant le 15 février, les agriculteurs doivent rapidement effectuer leurs commandes.
En sympathie avec les prix du gaz, les cours des engrais azotés pulvérisent les records. Pire, l’offre est limitée. Pour espérer être livré avant le 15 février, les agriculteurs doivent rapidement effectuer leurs commandes.
Le prix des engrais azotés flambe. Une tonne de solution azotée (Fop Rouen) cotait 390 €/t au 24 septembre 2021, contre 167 € en début d’année. Une hausse de 133 %, qui continue de se creuser : chaque jour, les prix augmentent sous l’effet de la forte hausse des prix du gaz. Cette hausse concerne toutes les formes d’engrais minéral : solution azotée, urée et ammonitrate.
Pourquoi cette hausse ? « Le prix du gaz, matière première de l’ammoniac, a augmenté de plus de 300 % depuis le début de l’année », explique Isaure Perrot, analyste consultante spécialisée sur le marché des engrais chez Agritel. Mais il n’y a pas que cela : tous les fondamentaux du marché des engrais sont au rouge. L’offre est limitée et la demande est élevée, dopée par la croissance post-Covid et les prix élevés des denrées agricoles.
« Le prix du gaz est tellement élevé qu’il n’est presque plus intéressant pour les industriels de produire de l’ammoniac », détaille Isaure Perrot. Les principaux producteurs d’engrais européens, dont Yara et Borealis, viennent d’annoncer des réductions de production. « Certaines usines tournent au ralenti, d’autres sont à l’arrêt. » D’autres facteurs augmentent également le prix des engrais importés, comme la hausse du coût du fret, la parité euro/dollar et les difficultés logistiques. Or la France importe 93 % de sa consommation d’engrais.
« Il faut ajouter à cela le contexte biélorusse compliqué, complète Clément Le Fournis, directeur général d’Agriconomie, leader de la vente d’appros en ligne. La Biélorussie livre chaque année 400 000 tonnes de solution azotée sur le marché français, soit 20 % de notre consommation, et cette année il n’y en aura pas en raison du blocus en cours. » Résultat : l’agriculture française devrait manquer d’engrais azotés.
« Désormais, il ne s’agit plus d’une question de prix mais de disponibilité », confirme Isaure Perrot. Certains opérateurs ne proposent déjà plus de cotations. « On obtient des volumes au compte-goutte, confirme Clément Le Fournis. Quand on commercialise 300 tonnes de solution azotée sur notre site, ils sont partis en moins de deux heures. Il faut être alerte ».
« Un agriculteur qui n’a pas commandé aujourd’hui pour la prochaine campagne doit se dépêcher, recommande Isaure Perrot. Vu le contexte, il est prudent d’être couvert à 70 % de ses besoins – c’est un minimum - pour espérer avoir les disponibilités nécessaires. »
Une recommandation d’autant plus utile que le taux de couverture des agriculteurs est plus faible que la normale. « Les niveaux de prix en début de campagne pouvaient paraître moins intéressants et ont limité les achats de couverture », justifie Isaure Perrot. « Nous devrions avoir livré 50 % des volumes chez nos clients et là on est plutôt à 25-30 % », appuie Clément Le Fournis. Résultat : pour livrer avant les premiers apports, au 15 février, les opérateurs vont devoir augmenter le rythme et le nombre de camions, alors même que la filière manque de capacités de transports.
Pour les agriculteurs, l’enjeu est d’éviter des baisses de potentiels de rendement. Chacun doit rapidement recalculer ses coûts de production et se couvrir en assurant le prix de vente de ses productions. Le scénario du pire serait d’acheter de l’azote au prix fort puis de voir les prix du blé décrocher. « L’azote est le premier vecteur de charges de production. Il faut revoir les objectifs de rendements et recalculer ses coûts de production », recommande Clément Le Fournis.
La situation justifie aussi d’appliquer à la lettre les règles de fertilisation et d’agronomie. « Dans de nombreuses situations, on peut mieux valoriser l’azote apporté, rappelle Laurent Varvoux, expert en amélioration de la fertilité du sol pour la coopérative Terrena. L’azote est un facteur de productivité important mais son efficience baisse depuis des années. Or, dans tous les sols acides, le chaulage est le premier levier pour améliorer l’efficience de l’azote, comme les apports de PK, avec un retour sur investissement significatif malgré la hausse des prix. »
Autre option à étudier, s’il est encore temps : revoir son assolement pour semer davantage de cultures moins exigeantes en azote que les céréales… Car une chose est sûre : aucune inversion des cours n’est attendue pour les mois à venir.