Un revenu et dix semaines de congés
Créé par deux associés issus du monde de l’automobile, le Gaec Légumes & Co* a misé sur l’organisation pour limiter le temps de travail et assurer la rentabilité de l’exploitation.
Créé par deux associés issus du monde de l’automobile, le Gaec Légumes & Co* a misé sur l’organisation pour limiter le temps de travail et assurer la rentabilité de l’exploitation.

Le coût de revient de chaque débouché et le temps à passer sont étudiés. Les maraîchers ont ainsi arrêté un marché et refusé de participer à un magasin de producteurs qui aurait occupé l'un d'entre eux un jour par semaine.


« Une seconde gagnée sur le nettoyage d’un poireau représente une journée de travail en moins sur l’année ». PATRICK DUFOUR, JEAN-MARIE LEBEAU ET MARTIN GRIENENBERGER, Légumes & Co
Quand ils se sont installés en maraîchage bio diversifié et vente directe en 2010, Patrick Dufour, 47 ans aujourd’hui, et Jean-Marie Lebeau, 45 ans, voulaient changer d’activité mais aussi s’assurer un revenu et préserver leurs vies de famille. « Nous ne sommes pas issus du milieu agricole et travaillions tous deux dans un bureau d’étude dans l’automobile, précisent-ils. Notre objectif était que l’exploitation soit rapidement rentable, avec un taux horaire par associé au moins égal au Smic ». La ferme de 4,5 ha, dont 3,5 ha en production, avec 3 000 m2 de tunnels et multi-chapelles, est créée sur des terres mises en location par un éleveur, à Combrand, dans les Deux-Sèvres. Tout est pensé en amont pour optimiser le temps de travail et limiter la pénibilité des tâches quotidiennes. « Les premières années ont toutefois été difficiles, admettent les maraîchers. Il y
avait de la demande mais trop de travail. Nous avons donc décidé de prendre un troisième associé ». En 2014, après un an de parrainage, Martin Grienenberger, 27 ans aujourd’hui, entre dans le Gaec Légumes & Co.
50 % du chiffre d’affaires en deux heures par semaine
Aujourd’hui, l’organisation est à peu près rodée mais régulièrement revue pour améliorer encore la rentabilité et réduire le temps de travail. La commercialisation est particulièrement réfléchie. La moitié du chiffre d’affaires est réalisé à la ferme le jeudi de 17 h à 19 h. « Pour économiser du temps et de l’argent, il vaut mieux faire venir les gens plutôt que de nous déplacer. Nous ne recevons le public qu’à ce moment-là. Au départ, nous avons vendu seuls. Puis nous avons proposé à d’autres producteurs bio de se joindre à nous. Et nous avons constaté que cela nous permettait d’augmenter nos ventes ». Aujourd’hui, 25 producteurs de fruits, volailles, oeufs, miel, fromage, bière, vin... vendent sur ce marché du jeudi soir qui est fréquenté chaque semaine par plus de 100 personnes. Pour le Gaec, la vente se fait en libre-service. « Nous gagnons du temps et les gens en prennent plus que s’ils étaient servis. » La ferme étant en pleine campagne, elle est signalée par des panneaux dans les communes environnantes. Le groupe fait également de la publicité à la radio. « Cela nous coûte 2 000 euros par an, répartis entre les 25 producteurs. De 2015 à 2016, la radio nous a permis d’augmenter nos ventes de 20 % ». Le Gaec vend aussi le samedi matin sur le marché de Bressuire (79), à une Amap et à quelques cantines et restaurants gastronomiques. « Nous les livrons essentiellement le jeudi soir ou le samedi en allant au marché. Ou alors, ce sont eux qui se déplacent ». Les trois associés sont également très attentifs à la présentation de leurs légumes. « Tous nos légumes sont lavés et nous veillons à l’aspect visuel, au calibre, à la diversité. Nous allons aussi régulièrement dans des supermarchés pour voir comment les légumes sont mis en valeur, étudier la présentation, l’éclairage, l’étiquetage, etc. »
Planification, mécanisation et autoconstruction
La même rigueur est appliquée au niveau de la production qui les occupe du lundi au mercredi. Toutes les cultures sont planifiées. Et tous les plants sont achetés, avec commandes à l’année et réception tous les 15 jours. « Cela nous permet d’assurer la régularité de l’offre et de planter au plus vite. » Toutes les tâches sont réfléchies pour gagner du temps. « Sur les lignes automobiles, chaque seconde compte. Ainsi, plutôt que de ramener de la terre dans le bâtiment et de devoir évacuer les déchets de poireau, nous avons choisi de les éplucher au champ. Un de nous arrache le poireau et coupe les racines, un autre l’épluche ». Les associés ont également misé sur la mécanisation, avec la présence d’un tracteur à attelage rapide, d’une herse-étrille, d’un semoir trois rangs, d’un désherbeur thermique, d’une arracheuse à pomme de terre... « Nous utilisons du matériel en Cuma mais l’essentiel est auto-construit à partir de matériel de récupération. Jean-Marie, qui a travaillé dans la maintenance automobile, consacre une grande partie de son temps l’hiver à la gestion et l’amélioration du parc matériel ». Le Gaec a ainsi construit lui-même un désherbeur thermique qui a permis de doubler la récolte de carottes et de diviser par deux le temps de désherbage.
Tout est réfléchi aussi au niveau du bâtiment de 500 m2. La marche en avant est respectée et tout a été conçu pour éviter les déplacements inutiles, entre la zone de lavage et le stockage, entre les chambres froides et le comptoir de vente... Le lavage se fait avec l’eau du réseau mais celle-ci est récupérée dans un bassin de décantation et s’en va rejoindre la réserve d’eau pluviale de 1 200 m2. Pour éviter de porter les caisses, les maraîchers ont construit des casiers roulants sur lesquels ils posent les caisses. Et toute la surface est bétonnée pour faciliter le déplacement des casiers roulants et l’utilisation de transpalettes. Cette organisation permet aux trois associés de prendre chacun dix semaines de congé par an, dont 2,5 semaines en été, soit une moyenne de temps de travail annualisé de 40-45 h par semaine. Et cela avec un revenu fixe de 1 250 euros par mois auquel s’ajoute le partage des bénéfices de l’année précédente, soit au final un revenu d’environ 1 700 euros par mois.
(*) Dans le cadre du mois de la bio organisé par le Pôle conversion bio Poitou-Charentes, le Gaec Légumes & Co a ouvert ses portes à de nombreux maraîchers et futurs maraîchers.
Une gamme large et bien réfléchie
Pour concevoir leur gamme, les associés de Légumes & Co se sont rapprochés d’une Biocoop locale qui leur a indiqué les volumes de chaque légume vendus sur l’année, ce qui leur a donné une idée des besoins de la population locale. Ils cultivent aujourd’hui 50 à 60 variétés différentes. « Mais dix légumes font 90 % du chiffre d’affaires et sont toujours prioritaires au niveau du travail », précisent-ils. La tomate représente 15 % du chiffre d’affaires, avec la variété Paola en plants greffés et une large gamme de tomates anciennes. La carotte représente 14 % du chiffre d’affaires, la pomme de terre 10 %, les courges 8 %, le poireau 6 % environ. Mais parce que la diversité est importante et pour apporter de la nouveauté, ils cultivent aussi de nombreux choux, des salades, tous les légumes ratatouille, des navets, des radis noirs, des radis red meat, du fenouil, de la patate douce, du persil tubéreux, des chayotes...
PARCOURS
2010 : installation de Jean-Marie, après un BPREA maraîchage bio, et de Patrick, tous deux titulaires d’un BTS Conception des produits industriels
2014 : installation après un BPREA maraîchage bio de Martin, titulaire d’une licence en mathématiques
2015 : 110 000 € de chiffre d’affaires
2016 : 120 000 à 125 000 € de chiffre d’affaires prévu
Une chambre chauffée pour les courges
Les courges représentent 8 % du chiffre d’affaires. L’essentiel des volumes est constitué de butternuts et de potimarrons. Mais le Gaec produit aussi de la Musquée de Provence, qui se conserve bien, des patidous, des courges pommes d’or... Pour améliorer leur conservation, pour limiter les pertes et diversifier l’offre sur la période creuse du printemps, les maraîchers ont construit une chambre de stockage de 50 m2 répartis en plusieurs cases isolées, chauffées à 15°C et ventilées. Les courges y sont stockées en caisses pour limiter les contacts entre légumes et donc la propagation d’éventuelles pourritures. Cela leur permet ainsi de se conserver jusqu’en juillet. Une autre chambre de 3 m2 a été construite pour assurer la maturation des patates douces après la récolte. Les patates y sont stockées pendant dix jours sur du sable humide à 30°C et 80-90 % d’humidité. Cette chambre sert aussi au forçage des endives.