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Conjoncture
Un fruit en crise conjoncturelle à répétition

Au fil des années, le melon est malmené par le marché malgré les dispositifs mis en place, dont la notion de crise conjoncturelle et l’accord de modération des marges.

Une saison melon sans crise conjoncturelle est-elle possible ? Depuis la mise en place du dispositif de crise conjoncturelle en 2010, ce fruit de l’été en a subi au moins une chaque année. Celles de 2015 ont été particulièrement longues, 40 jours au total (cf. graphique). Elles ont dépassé celles de 2011 avec 38 jours comptabilisés. Ces mesures qui déclenchent systématiquement un accord de modération des marges de la part des distributeurs paraissent très compliquées. Ont-elles véritablement un impact ?

Selon la définition du code rural, « la situation de crise conjoncturelle en fruits et légumes est constituée lorsque le prix de cession des produits par les producteurs (…)  est anormalement bas par rapport à la moyenne des prix observés lors des périodes correspondantes des cinq dernières campagnes, à l’exclusion des deux périodes au cours desquelles les prix ont été respectivement le plus bas et le plus élevé ». En clair, pour le melon, il suffit de deux jours de prix anormalement bas (cinq jours pour le concombre ou le chou-fleur) pour déclencher une crise conjoncturelle. Le prix anormalement bas est défini comme celui qui correspond à 15 % plus bas (20 % pour la fraise) que la moyenne des cinq dernières années hormis le prix le plus haut et le prix le plus bas. On parle alors de situation de crise. Ces prix anormalement bas sont déterminés grâce aux relevés effectués par les enquêteurs du Réseau national du marché (RNM) dans les trois bassins de production. Cent cinquante magasins en France (contre plus de 750 en Allemagne !) sont enquêtés par semaine. D’après les spécialistes, les chiffres donnés sont statistiquement significatifs mais avec justesse !

Impact différent selon les crises

Prix expédition, prix de détail, volumes, calibres, origines de la production constituent les 120 critères de l’indicateur global calculé par l’enquêteur. Avant la communication du prix anormalement bas, le RNM alerte déjà les marchés si le prix relevé est 10 % plus bas que la moyenne des cinq dernières années. On parle alors de seuil de publication. Ainsi, en 2015, deux crises conjoncturelles ont eu lieu. La première a été déclenchée le 16 juin. « Normalement, analyse Laurent Guiavarch, enquêteur au RNM en Centre-Ouest, les prix sont élevés à cette époque car seul le Sud-Est est en récolte. » Or en 2015, l’Espagne a continué d’approvisionner l’Hexagone.

Selon le bilan de conjoncture du RNM, deux facteurs se sont télescopés : la hausse des surfaces sur la région de Murcia et un décalage de la saison espagnole. « Dans le sud de l’Espagne, (...) les conditions météorologiques décalent d’environ trois semaines les cueillettes avec un pic de récolte du 6 au 20 juin. Le cumul des arrivages espagnols et de la production du Sud-Est déstabilise le commerce malgré le basculement mi-juin des centrales d’achat vers un approvisionnement en produits français. » Après six jours de crise conjoncturelle, le 23 juin 2015, l’écart de l’indicateur par rapport à la moyenne hebdomadaire de référence établie sur cinq campagnes est de moins 47 %.

Vingt jours plus tard, nouvelle crise. Le 27 juillet par exemple, onze jours après le début de crise, les prix affichaient un écart de moins 25 % par rapport à la moyenne hebdomadaire de référence établie sur cinq campagnes. Une situation qui pourrait paraître moins dramatique que le 23 juin. « En plein cœur de la campagne française, les volumes produits sont énormes, relève l’enquêteur angevin. Les trois bassins sont en production. Il est plus difficile alors de revenir à des conditions normales de marché. » Ainsi, entre les 15 et 20 juin 2015 (semaine 25), 10 200 t (source AIM) de melons français étaient proposées à la vente auxquelles se sont ajoutées 10 800 t en provenance du Maroc et de l’Espagne, soit 21 000 t !

Le fruit star de l’été est fort dépendant des conditions climatiques. Il est possible par exemple que trois semaines de plantation dans le Sud-Ouest arrivent en même temps à la récolte. La productivité est aussi mieux sécurisée qu’avant, notamment grâce l’irrigation. Par ailleurs, le melon se conserve de mieux en mieux et de plus en plus longtemps. Avec de gros volumes, les crises ont tendance à se prolonger. Ainsi le melon semblerait devenir de plus en plus une culture risquée au vu des investissements nécessaires. Il faut compter 10 000 €/ha à 12 000 €/ha au départ. A cela s’ajoutent en moyenne 9 000 €/ha d’intrants.

La baisse des prix, une fatalité ?

La crise conjoncturelle enclenche systématiquement l’accord de modération des marges. Il stipule que le distributeur s’engage, lorsqu’un produit est entré en crise conjoncturelle, à réduire sa marge brute pratiquée sur ce produit afin que cette dernière soit inférieure ou égale à la moyenne sur trois ans des taux de marge brute du rayon de fruits et légumes. Cette démarche est forcément compliquée puisqu’elle fait intervenir le taux de marge brute de tout le rayon fruits et légumes ! Cet accord a-t-il un impact ? Prenons la situation de 2013. La crise dure entre les semaines 34 et 40. Dès l’annonce de la crise, les prix au détail chutent. En calibre 12, ils passent de 1,933 € à 1,06 €/pièce, soit près de 45 % de baisse entre les semaines 33 et 34. Le dispositif a donc fonctionné.

Autre situation. En 2015, la seconde crise qui s’étale du 10 juillet au 11 août n’engendre pas une baisse aussi importante. Les prix détail, toujours en calibre 12, évoluent de 1,738 à 1,59 €/pièce, soit une baisse seulement de 8 % entre les semaines 29 et 30. En revanche, trois semaines plus tard, les prix de détail continuent encore à chuter quand les prix expéditions se redressent (cf. graphiques).

Avec ces crises à répétition, ce mode de calcul a ses limites. Etant basé sur une moyenne de cinq ans, il intègre forcément ces prix bas et la marge de manœuvre devient étroite. Il suffit d’observer à quel niveau les crises se sont déclenchées : à 1,933 €/pièce en 2013 et à 1,738 €/pièce en 2015. Autre limite : la méthode ne dit pas comment sortir rapidement des crises alors que la tendance est à leur allongement.

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