Tomate : contre l'acariose bronzée, un auxiliaire a été identifié
Pour lutter contre l’acariose bronzée de la tomate, un acarien prédateur endémique d’Europe a été identifié comme potentiel agent de lutte biologique. Des plantes-relais ont été utilisées pour élever et transférer cet auxiliaire sur la culture.
Pour lutter contre l’acariose bronzée de la tomate, un acarien prédateur endémique d’Europe a été identifié comme potentiel agent de lutte biologique. Des plantes-relais ont été utilisées pour élever et transférer cet auxiliaire sur la culture.
Près de 95 % des surfaces de cultures de tomate sous abris sont protégées grâce à la lutte biologique. Cette méthode de lutte est désormais bien ancrée dans les pratiques, et une large panoplie de solutions est disponible. Cependant certains ravageurs passent à travers les mailles du filet de l’offre d’auxiliaires proposés. C’est le cas de l’acarien ravageur Aculops lycopersici responsable de l’acariose bronzée. Cet acarien phytophage est en recrudescence dans les serres de tomate, et les méthodes de protection actuelles, reposant essentiellement sur l’utilisation d’acaricides et de soufre, ne sont pas satisfaisantes.
De plus, les acariens prédateurs commercialisés actuellement ne sont pas capables de s’installer sur la tomate du fait de la présence à la surface des feuilles et des tiges de trichomes glandulaires (poils collants et toxiques). Les autres auxiliaires entomophages comme Macrolophus pygmaeus n’ont pas d’impact sur ce ravageur. Des travaux récents du CTIFL(1) ont permis d’identifier un nouvel acarien qui présente une activité prédatrice intéressante en conditions de laboratoire. Sur la période 2016-2018, le projet Acarosol, financé dans le cadre de l’appel à projet Ecophyto PSPE2, a permis d’identifier ce nouvel acarien prédateur endémiques d’Europe Typhlodromus (Anthoseius) recki capable de consommer et de se développer au dépens d’A. lycopersici.
Des premiers tests positifs en culture
Les premiers essais avaient démontré une réduction de 63,5 % des dégâts de l’acariose bronzée sur la culture de tomate. Deux expérimentations ont été réalisées sous serre au CTIFL, en 2020 et 2021, et les résultats obtenus permettent de confirmer l’intérêt de T. recki pour le contrôle d’A. lycopersici. Sur les deux années, la présence de T. recki a été observée sur les plants de tomate tout au long de l’essai. Les dégâts en culture ont été fortement atténués. La réduction des dégâts, mesurés par la longueur de tige de tomate présentant un symptôme de bronzage, varie de 89 % à 99 % en comparaison du témoin sans prédateur. La réduction de la population d’A. lycopersici atteint jusqu’à 98 % en fin d’essai et on observe une plus faible proportion de classes d’attaque élevées en présence d’acariens prédateurs. De plus, cet auxiliaire est un prédateur généraliste, capable de se nourrir de différentes proies et de pollen, permettant d’envisager une stratégie de lutte biologique préventive. Actuellement, il n’existe pas de système d’élevage de masse et de lâchers en serre. Les recherches s’orientent donc sur l’utilisation des plantes-relais pour transférer cet auxiliaire sur la culture de tomate. Deux espèces ont été sélectionnées comme support pour introduire T. recki : Mentha suaveolens (menthe odorante) et Phlomis fruticosa (Sauge de Jérusalem), car l’acarien prédateur y est naturellement présent.
Jouer sur les modalités
Des branches des plantes-relais ont été utilisées pour réaliser la colonisation de la serre par T. recki. L’apport de 30 individus par plante semble être une densité suffisante pour un bon contrôle. L’apport d’acariens prédateurs sur tous les plants fonctionne également mieux que l’apport un plant sur deux. Les deux plantes de service testées peuvent être utilisées pour transférer T. recki car aucun effet des plantes-relais n’a été observé sur la qualité du transfert. On observe également une augmentation des effectifs de l’acarien prédateur au cours du temps sur les plants de tomate ce qui suggère une bonne installation sur la culture et la capacité à se reproduire malgré les trichomes, contrairement aux autres acariens prédateurs étudiés jusque-là. Le nourrissage à l’aide de pollen de Typha favorise son installation et constitue une source de nourriture alternative en absence de proies.
Approfondir la recherche
La suite envisagée pour cette étude est d’introduire directement les plantes de service en pot dans la serre. Comme cela a été montré pour d’autres auxiliaires, une installation préventive sur les plantes-relais, avec un nourrissage régulier constitue un système d’élevage en miniature permettant l’accroissement des populations d’auxiliaires avant l’introduction en serre. En effet, les acariens prédateurs introduits depuis la plante de service se sont transférés sur les plants de tomate et ont colonisé des plantes situées à 4,5 mètres du point d’introduction. De plus, à la fin de l’essai, la population de T. recki s’était multipliée par dix sur la menthe et par quatre sur le phlomis. L’objectif maintenant est de déterminer la dose d’apport d’acariens prédateurs sur la plante de service, la durée de cette phase d’installation sur la plante de service avant l’introduction en serre et la densité de plantes-relais à apporter en serre.
Benjamin Gard, Amélie Bardel, Flavien Gendrier, Benjamin Kaltenbach, Marie-Stéphane Tixier
En pratique
Le risque d’introduction d’autres ravageurs de la tomate est un élément à prendre en compte dans le choix de la plante-relais. Par exemple, la présence d’acariens tétranyques a pu être observée sur menthe ainsi que la présence de cochenilles sur phlomis. Afin d’évaluer correctement ce risque, des études sont conduites par le partenaire CBGP/Institut Agro Montpellier en laboratoire, pour déterminer la capacité des ravageurs de la tomate, comme Tuta absoluta, les aleurodes ou encore Nesidiocoris tenuis à s’installer sur ces plantes de service.
Des plantes au service
D’autres plantes ont démontré leur intérêt pour la lutte biologique dans des études passées en culture de tomate sous abris. C’est le cas du Soucis, qui sert de plante-relais pour la conservation de Macrolophus pygmaeus, un auxiliaire utilisé contre aleurode et Tuta absoluta. Le Sorgho a un effet sur le sol (bio-fumigation) et est utilisé comme plante-piège contre les nématodes Meloidogyne. L’Éleusine sert de plante-banque en abritant des pucerons inoffensifs pour les cultures maraîchères, et qui permet d’attirer et de pérenniser la présence d’hyménoptères parasitoïdes à proximité de la culture à protéger.