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Tomate : vers une conduite des serres plus économe en énergie

Les expérimentations montrent qu’il est possible d’économiser 30 % d’énergie en serre de tomates en adaptant la conduite climatique et/ou grâce à de nouveaux équipements.

Depuis 2023, des essais d’abaissement des consignes de température en tomate grappe sont menés sur le centre CTIFL de Carquefou. L’objectif, face au coût désormais plus élevé de l’énergie, est de réduire de 30 % la consommation énergétique de la culture. En 2023, une conduite économe a été mise en place dès la plantation en semaine 50, avec un abaissement de 1,5 °C des consignes jour et nuit et un confinement de jour plus important (augmentation de 1 °C des températures maximales). « L’idée en confinant davantage est de profiter du rayonnement solaire en journée pour chauffer la culture et pouvoir réduire la température de nuit sans changer la température moyenne vingt-quatre heures, critère essentiel pour le développement des plantes » explique Landry Rossdeutsch, du centre CTIFL de Carquefou.

Le résultat sur trois variétés est une pénalisation du rendement précoce de 1,3 kg/m2 et de 1,9 kg/m2 en fin de culture. « Le rayonnement insuffisant en début de culture ne permet pas de maintenir la température sur vingt-quatre heures, analyse l’expérimentateur. L’entrée en production est retardée d’une semaine. » Des économies d’énergie importantes ont été réalisées, de 171 à 113 kWh/m2 (-34 %). Mais le chiffre d’affaires brut diminue de 2,95 à 3,80 €/m2. « Cette perte de chiffre d’affaires se compense pour un coût de l’énergie supérieur à 50 à 65 €/MWh, ce qui pourrait être le cas à l’avenir, calcule Landry Rossdeutsch. Il y a toutefois aussi un enjeu pour les producteurs à entrer sur le marché le plus tôt possible. »

L’intelligence artificielle pour analyser les données des capteurs

L’essai a été renouvelé en 2024 avec l’objectif de limiter l’impact sur le rendement précoce, en ayant une conduite économe plus tardive, à partir de la semaine 8, mais plus intense. L’entrée en production s’est faite à la même date que dans le témoin. L’année étant peu lumineuse, le rayonnement n’a toutefois pas permis de maintenir la température 24 heures, qui a baissé de 0,5 à 1 °C sur seize semaines, avec des moyennes hebdomadaires de nuit à 15 °C. Le développement des plantes a été limité et le risque de condensation plus élevé, principalement sur feuilles, entraînant du botrytis et de la cladosporiose qui n’ont pu être maîtrisés par le biocontrôle. Le rendement a été inférieur au témoin, entraînant une perte de chiffre d’affaires de 3,50 à 6 €/m2 selon la variété. L’économie d’énergie a été de 19,3 %.

« Les nuits étant plus douces du fait du temps couvert, la conduite témoin a nécessité moins de chauffage et l’économie est moins forte qu’en 2023. » La perte de chiffre d’affaires n’était alors compensée que pour des prix de l’énergie supérieurs à 140 à 240 €/kWh. « La mise en place tardive d’une conduite économe entraîne une forte dépendance au climat printanier, analyse Landry Rossdeutsch. Et la gestion de la déshumidification a alors un impact plus fort que la température. » Des capteurs (faux fruits…) ont été validés pour mieux comprendre les gradients verticaux en température et hygrométrie, anticiper la réponse de la plante et éviter les risques de maladies.

« L’idée est de mettre au point un outil qui utilise l’intelligence artificielle pour analyser en temps réel les données des capteurs et qui pilote la serre selon les objectifs du producteur », indique Landry Rossdeutsch. Un projet porté par Cybele Tech, associant le CTIFL, Anjou automation et Les Crudettes, sera engagé pour cela en 2025. Des essais de conduite économe en énergie seront aussi menés en 2025 en tomate cerise au centre CTIFL de Balandran, avec l’objectif de réduire d’au moins 10 % la consommation d’énergie fossile tout en maintenant la productivité et la qualité.

Système innovant de déshumidification

Une autre piste pour une serre économe est celle de nouveaux équipements. Plusieurs systèmes sont testés dans le cadre du projet Serrilience qui réunit les stations Caté, Invenio, Cvetmo, Terre d’essais et Aprel, le Cerafel, les AOPn Tomates et Concombres et Fraises de France et le bureau d’études Agrithermic. Objectif : économiser 30 % d’énergie par rapport aux moyennes nationales. En Bretagne, où la déshumidification peut nécessiter beaucoup d’énergie, le Caté teste le système innovant de déshumidification ClimaFlow System, proposé par Svensson.

Un ventilateur aspire de l’air sec et froid au-dessus de l’écran thermique, la nuit et surtout le matin à la relance, pour le distribuer en dessous. D’autres ventilateurs brassent l’air pour l’homogénéiser et éviter les points froids. Le système peut renouveler l’air de la serre jusqu’à 2,1 volumes par heure et déshumidifier sans nécessiter de chauffage et aération. « L’utilisation des doubles écrans peut ainsi être prolongée de 1 h 30 le matin », rapporte Glynis Bentoumi, du Caté. De janvier à novembre 2024, le système a permis d’augmenter de 39 % le temps d’utilisation des écrans par rapport à une conduite par chauffage et aération.

L’utilisation prolongée des écrans et une conduite différenciée ont réduit le besoin en chauffage de 20 %. « En 2023, année de prise en main du système, l’économie avait déjà été de 20 %. » La consommation électrique des ventilateurs est par ailleurs très limitée (3,1 kWh/m2). La situation sanitaire a été identique dans les deux conduites. Au final, le rendement a été inférieur de 0 à 4 % selon les variétés à celui de la conduite témoin. « Les premiers résultats sont encourageants, souligne Glynis Bentoumi. Le système est assez coûteux, mais nous espérons qu’il y aura une fiche CEE [certificats d’économie d’énergie] pour cet équipement. » Les essais se poursuivent en 2025 avec l’utilisation d’un nouvel écran thermique plus performant.

Des économies possibles en concombre

Une serre plus économe en énergie est également possible en concombre.

Des essais de conduite économe en énergie basée sur le confinement de jour jusqu’à 28 °C et la baisse de la température la nuit jusqu’à 15 °C sont aussi menés en concombre à Carquefou, avec l’objectif de réduire la consommation d’énergie de 30 %. « À la différence de la tomate, pour laquelle des températures trop élevées entraînent des problèmes de nouaison, il est possible en concombre de monter très haut en température, ce qui permet d’optimiser l’effet de serre », précise Landry Rossdeutsch. En 2023, l’économie d’énergie a été de 36 %, avec un impact limité sur la température 24 heures, mais une forte hausse de l’hygrométrie. La culture économe a été très générative. Aucun impact sanitaire n’a été constaté et le rendement a été similaire à celui de la culture témoin.

L’importance du biocontrôle

En 2024, l’économie d’énergie a été de 35 %. Mais le temps étant peu lumineux, l’effet de serre en journée a été plus limité, entraînant une baisse de la température 24 heures et une augmentation de l’hygrométrie. « Les dix premières semaines, il n’a pas été possible de maintenir la température vingt-quatre heures, ce qui a limité le développement des plantes et le potentiel de fruits. » L’entrée en production a été plus tardive et il y a eu moins de fruits. L’impact sur le rendement total en kilo par mètre carré a été limité, mais avec une limitation du rendement précoce. Grâce à l’utilisation systématique du biocontrôle en préventif, il n’y a en revanche pas eu d’impact sur le sanitaire.

Au final, la perte de 5,2 pièces par mètre carré a entraîné une baisse du chiffre d’affaires de 3,20 €/m2. « Cette perte se compense pour un prix de l’énergie supérieur à 61 €/MWh, calcule Landry Rossdeutsch. Une conduite économe peut donc être intéressante. » Le confinement a aussi permis d’économiser 19,4 % de CO2 (7,7 t/ha) et 12,6 % d’eau (41 m3). Les essais vont se poursuivre en n’utilisant plus le biocontrôle qu’en curatif. « Le biocontrôle en préventif permet de prévenir les problèmes fongiques liés à l’hygrométrie plus élevée. Mais il a un coût. Nous allons regarder s’il est possible de ne l’utiliser qu’en curatif. »

Relocalisation du chauffage

Des travaux sont aussi menés au Cvetmo dans le cadre du projet Serrilience. Un essai compare des écrans thermiques fixes perforés tous les 10 cm et des écrans perforés tous les 20 cm. Un autre essai porte sur l’installation dans la culture d’un tuyau polyéthylène contenant de l’eau entre 35 et 38 °C. « Ce réseau basse température est le seul mode de chauffage, ce qui amène à revoir les pratiques d’aération, précise Émilie Mailly, conseillère chambre d’agriculture-Cvetmo. L’idée est de profiter de cette chaleur pour éviter la condensation sur les fruits et ainsi maintenir les rendements et les calibres. »

Trois autres leviers possibles

Le Thermitube

Un levier testé dans le cadre de Serrilience est le Thermitube, gaine plastique de couleur noire installée au pied des plantes, qui stocke l’énergie solaire en journée et la restitue la nuit. À l’Aprel, un abri équipé de Thermitube est comparé à un abri non chauffé, l’objectif étant de gagner en précocité sur un itinéraire à froid. À Terre d’essais, la comparaison est faite avec une serre tardive chauffée. L’objectif est une substitution complète du chauffage. Les premiers résultats montrent un retard d’entrée en production d’une semaine et une production en recul.

Des variétés moins gourmandes en énergie

Si des variétés moins gourmandes en énergie ne sont pas un critère essentiel en contexte de cogénération, l’arrêt progressif des contrats de cogénération amène à envisager l’utilisation de variétés adaptées à des conduites basse température. S’y ajoute en tomate le basculement variétal lié au TOBRFV, qui conduit l’expérimentation à s’orienter désormais sur les variétés résistantes à ce virus. Dans les essais du CTIFL et du Caté, des variétés résistantes (Ronvine, Rhodium, Xavérius XR, Macxize XR) n’ont pas ou peu subi de perte de rendement du fait d’une conduite économe en énergie.

De nouveaux écrans thermiques

Les écrans thermiques sont très utilisés en serre chauffée. En 2021 toutefois, seuls 10 % des écrans en France étaient des doubles écrans, plus performants que les simples écrans. Une piste est donc de développer les doubles écrans. Une autre piste repose sur de nouveaux écrans très thermiques. Au Caté, un écran thermique supplémentaire, qui permet 70 % d’économie d’énergie, sera installé en 2025. Ces écrans sont actuellement peu utilisés en tomate car ils ne permettent pas une évacuation suffisante de l’humidité et sont peu lumineux. L’association avec un système de déshumidification performant pourrait permettre de les utiliser.

Décarbonation et nouvelles fiches CEE

D’autres travaux sont menés pour des serres plus économes en énergie. Un projet européen Interreg Re-Greenhouse a démarré en 2024 pour créer un outil d’aide à la décision pour le choix d’une énergie renouvelable. « Le but est de fixer des règles pour le choix d’une énergie renouvelable », indique Ariane Grisey, responsable de l’unité Environnement-Énergie au CTIFL. Un autre projet, presque terminé, est le projet Pertomco qui vise à calculer l’empreinte environnementale de la tomate et du concombre et à identifier des voies d’amélioration. De nouvelles fiches CEE (certificats d’économie d’énergie) apparaissent également. L’arrêté d’août 2024 crée une fiche pour les simples écrans thermiques.

Fiches des déshumidificateurs thermodynamiques

« De nombreux serristes envisagent de changer leur écran thermique, précise Ariane Grisey. De plus, de nouveaux écrans plus performants, mais plus coûteux, commencent à être proposés. » Les fiches des déshumidificateurs thermodynamiques et avec air extérieur devaient également être revues à la hausse par l’arrêté de décembre 2024. Et une nouvelle fiche CEE devait être créée par l’arrêté de décembre 2024 ou d’août 2025 pour les doubles parois gonflables. Enfin, des travaux seront menés en 2025 pour la création d’une fiche pour les déstratificateurs d’air, dont le ClimaFlow System.

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