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Roussillon
Spécialiser la production et diversifier les débouchés

Afin d’atténuer les risques techniques et surtout économiques, Jean-Michel Fenès, maraîcher à Perpignan (66), a spécialisé son exploitation en production de salades. Une orientation qui l’a engagé envers et contre tout.

En 1993, lorsqu’il s’installe sur l’exploitation maraîchère familiale de 2,5 ha de salade sous couvert et plein champ, Jean-Michel Fenès a immédiatement décidé d’augmenter sa surface d’exploitation. « L’objectif visait à produire plus et plus longtemps en vue de développer notre portefeuille clients et garantir un approvisionnement régulier tout au long de l’année pour fidéliser notre clientèle », indique-t-il.

Augmenter les surfaces couvertes

Autre objectif : la préservation du potentiel agronomique des sols et la réduction des risques phytosanitaires liés à l’intensification des cultures. « Face à la disparition de matières actives mais aussi et surtout à une attente sociétale de plus en plus exigeante en terme de respect de l’environnement, nous devons réduire l’usage de produits phytosanitaires. Dans le cadre d’une spécialisation des cultures, cela passe nécessairement par l’assolement et donc l’augmentation des surfaces », poursuit-il.

Vingt ans après son installation, l’exploitation compte sept hectares de serres, dix hectares de plein champ et produit quelque trois millions et demi de pieds de salades par an de batavias, laitues, feuilles de chênes blonde et rouge. Dans le cadre de la rotation des cultures, le concombre a également été introduit en été sur 2,5 ha ainsi que le céleri branche dans des volumes moindres. Depuis deux ans, la culture d’été de salades plein champ est pratiquée, en vue de répondre à des demandes de clients locaux. In fine, sur les 1,8 million d’euros de chiffre d’affaires réalisé en moyenne annuellement, la salade représente près de 70 %, le concombre un peu plus de 20 % et le céleri branche près de 10 %.

Et si c’était à refaire ?

Afin de rééquilibrer son assolement et limiter davantage les risques économiques, Jean-Michel Fenès pourrait augmenter les superficies dédiées au concombre. Une orientation difficilement envisageable aujourd’hui car elle perturberait l’organisation de son exploitation. « En été, la culture de concombre est surtout là pour garantir du travail à mes salariés permanents », justifie-t-il tout en rappelant sa responsabilité d’employeur vis-à-vis de son personnel. La spécialisation de son entreprise et l’augmentation des surfaces couvertes permettent à Jean-Michel Fenès de sécuriser sa production pour limiter les risques. La contrepartie, ce sont les investissements importants et réguliers qu’il a dû réaliser et qui représentent encore aujourd’hui plus de 100 000 euros de remboursement d’annuités par an. Dans un contexte de marché très difficile qui, au terme de la saison hivernale 2015-2016, a entraîné des pertes de l’ordre 250 000 euros sur son exploitation, Jean-Michel Fenès en vient parfois à s’interroger sur son choix initial. Et si c’était à refaire ? Mais le doute n’a pas sa place car il faut avancer. Dans cet objectif, il s’emploie à diversifier ses débouchés commerciaux et continue à se remettre perpétuellement en question.

Le pari de l’hydroponie

Conscient de l’évolution sociétale, Jean-Michel Fenès sait que l’avenir de sa structure dépend aussi de sa capacité à innover. « Pour s’inscrire dans la durée, nous n’avons pas d’autres choix que de sortir des sentiers battus », dit-il. C’est ce qui l’a conduit à s’intéresser à un nouveau mode de culture à l’origine d’un projet en cours de réalisation. « Nous allons installer une expérimentation de production de salade hydroponique sur 1 000 m2. Tout en nous permettant de réduire sensiblement l’utilisation de produits phytosanitaires, la rapidité du cycle végétatif donne la possibilité d’augmenter le nombre de rotations et donc la rentabilité de la culture », détaille-t-il. En investissant personnellement près de 80 000 euros dans cette expérimentation, Jean-Michel Fenès fait un pari pour le futur. Dans un deuxième temps, il devrait se pencher sur la culture de tri-salade. « Trois variétés de salade en un seul pied conditionné dans un flowpack, c’est ce que veut aujourd’hui le consommateur. Alors, nous allons nous y intéresser », poursuit-il. En revanche, lorsqu’on lui parle du sachet de trois sucrines à moins de un euro plébiscité par les consommateurs, il est catégorique. « Compte tenu du coût de la main-d’oeuvre en France, c’est mission impossible ! », affirme-t-il.

Plus de débouchés pour limiter les risques

Outre la spécialisation de son exploitation, Jean-Michel Fenès a aussi fait le choix de commercialiser lui-même la totalité de sa production. Afin de limiter les risques économiques, il a diversifié ses débouchés commerciaux. Compte tenu de la proximité géographique de l’entreprise roussillonnaise Florette Food Service, ex-Crudi, 15 % des volumes de batavia y est contractualisé. « Malgré la baisse régulière des volumes et le coût important des certifications, la contractualisation avec l’industrie garantit un prix stable quand le prix du marché du frais se situe trop souvent en dessous de nos coûts de production », reconnaît Jean-Michel Fenès. Pour le reste, 25 % des volumes est destiné au circuit grossiste et 60 % commercialisé via la grande distribution sous la marque "Les jardins de Château Roussillon", une marque créée en lien avec d’autres maraîchers indépendants. « Bien que cela soit très compliqué, nous avons réussi à être référencés à l’échelle nationale chez Intermarché grâce à la fraîcheur et l’homogénéité qualitative de nos produits mais aussi à notre capacité à garantir un approvisionnement régulier avec des volumes importants », explique-t-il. Malgré une parfaite maîtrise technique et sa spécialisation, l’entreprise est en proie à la volatilité des cours du marché du frais qui, certaines années, peut déstabiliser l’équilibre économique et faire douter le maraîcher.

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