Bretagne - Tomate
Retour sur les brusques mouvements de marché
La campagne 2010 des tomates rondes et grappes n’a pas profité aux spécialistes des “petits segments”. Des opérateurs craignent une certaine standardisation offre-production, en raison du développement des “poids fixes-prix fixes” des MDD.

En un an, le marché de la tomate s’est retourné, marquant la fébrilité des acheteurs et des producteurs. La campagne 2009 avait vu les cours des tomates grappes et rondes s’effondrer, alors que les petits segments (petites tomates vendues en barquettes et variétés anciennes) se valorisaient à des niveaux rarement atteints jusqu’alors. En 2010, c’est exactement l’inverse. La valeur des tomates de diversification reflue sans s’effondrer, tandis que les tomates rondes et les grappes voient leurs prix s’envoler.
L’an passé, on a assisté à la réduction de l’offre en grappes et rondes au profit des petits segments. Les performances des ventes de grappes et de rondes résultent de plusieurs facteurs : l’absence des tomates espagnoles et marocaines en début de campagne ; la clémence de la météo ; la quasi-absence sur le marché français de tomates hollandaises et belges qui avaient tiré le marché vers le bas en 2009…
Cette amélioration de conjoncture sur les rondes et grappes ne doit pas faire oublier que, sur les cinq dernières années, ce sont les produits de segmentation qui tirent le mieux leur épingle du jeu. En Bretagne, première région de production française avec le tiers d’une production de 542 000 t (source Agreste), les opérateurs n’ont pas modifié leurs équilibres de production. Prince de Bretagne a vu sa production progresser de 1 % à 82 500 t entre les deux campagnes, en maintenant son offre entre grappes (70 %), rondes (20 %) et produits de segmentation (10 %).
Le second opérateur en volume, Savéol – qui met en marché les tomates de 130 exploitations (200 ha) – reste le grand spécialiste des produits de segmentation, avec 55 % de sa production annuelle (70 000 t). Son chiffre d’affaires a fortement progressé en 2010 (+ 11,5 % à 150 M€, dont 90 % en tomate) grâce à son offre de grappes, c’est-à-dire tout le reste de sa production de tomates. Cette hausse a compensé le recul de valeur sur les produits de segmentation.
Stabilité dans l’offre
En 2010, la coopérative Solarenn (23 exploitations, 44 ha) a, à peu de chose près, reconduit son offre de 21 000 t de tomates, dont 60 % de grappes, 22 % de rondes et le reste en produits de segmentation. Tom West a confirmé en 2010 son offre de 2009 avec une production de 6 500 t, réparties à 50-50 entre petits segments et grappes, et issues de sept exploitations (20 ha).
Sur 2011, les opérateurs bretons sont prudents devant le marché. Chez Prince de Bretagne, la prévision de campagne s’établit à 80 000 t avec le même nombre d’exploitations (130) et de surfaces (200 ha). La marque va procéder à de légers ajustements à l’intérieur de sa gamme. « Il y aura un rééquilibrage avec un peu plus de segmentation avec les références existantes et un peu moins de rondes pendant la saison d’été », explique Marie Dérédec, chef de produit tomate.
Tous les segments de diversification de Prince de Bretagne vont un peu progresser. A l’exception d’un seul, le segment des cerises jaunes qui va être réduit pour diminuer l’exposition de la marque sur un marché désormais d’entrée de gamme, fort bataillé avec des tomates d’importation d’Espagne, du Maroc, parfois d’Israël en début de campagne. Au rayon des nouveautés 2011, citons d’abord l’évolution des emballages avec la généralisation du visuel représentant la garde de l’épée de Prince de Bretagne. La structure marketing parle de « design plus moderne (avec) mise en avant du logo au centre du pack pour une grande attractivité de la marque ». Sans oublier le code couleur noir « pour affirmer le positionnement haut-de-gamme et mettre en valeur le produit ».
Au rayon des nouveautés chez Prince de Bretagne, à noter un gros travail effectué sur les tomates anciennes : deux colis bois d’un assortiment de tomates anciennes de 3,5 et 1,5 kg élus “Saveur de l’année 2011” ; des “Saveurs d’Antan” une barquette de 1 kg (6-8 fruits) en plastique sur fond de paille ; un colis bois ne contenant que des tomates ananas ; un colis bois d’assortiment de trois variétés de tomates “Green Zebra”.
De plus en plus de barquettes “prix fixe-poids fixe” ?
Savéol conservera les mêmes orientations qu’en 2010, même si la surface de production augmentera d’environ 5 % à 210 ha avec l’entrée en production de nouvelles exploitations. Savéol table sur une production de 72 000 à 73 000 t contre 70 000 t en 2010. « Nous avons une vingtaine de références dans cinq univers de consommation (Séduction, Plaisir, Saveurs Anciennes, Forme et Vitalité, Panier du Jour) », explique Catherine Legal, directrice marketing. Les nouveautés concernent une barquette familiale apéritive de 400 g en cœur-de-pigeon, une barquette “Méli-Mélo” de 350 g comprenant quatre variétés de tomates cerises rondes et oblongues, une barquette “Apéro Party” de 1,5 kg de tomates cerises ou cœur-de-pigeon filmé, et un petit colis de trois variétés de saveurs anciennes (six fruits de couleur rouge, noir et jaune).
Troisième opérateur en volume, Solarenn veut renforcer (+ 20 %) son offre en petits segments : « Nous partons de loin puisque les tomates cerises, tomates cocktails et cœur de bœuf de notre gamme ne représentent que 18 % de notre production. ». Sur ce créneau, la coopérative va innover en annonçant le lancement d’une barquette de 500 g de tomates cerises rondes et allongées emballées d’un film flowpack, sans couvercle. Avantages : un coût moindre et une surface plus grande sur laquelle communiquer. « Si le produit marche bien, nous étendrons le flowpack aux barquettes de 250 g sur les mêmes variétés », précise-t-on chez Solarenn.
Quatrième producteur breton, Tom West, connue pour le positionnement haut-de-gamme de ses produits, lance une variété baptisée “Sweet Carpaccio” (cf. fld magazine de février 2011). Tom West innove en matière de communication en plaçant un flash-code – qu’il présentait à Berlin – sur les étiquettes de ses gammes qualitatives. Pour Christian Jouno, 2011 pourrait se révéler une année de transition sur un marché où la GMS demande de plus en plus de barquettes à “prix fixe et poids fixe” pour ses produits MDD. « Cette tendance s’est renforcée en 2010, elle se confirme en 2011, poursuit-il. Le risque, c’est que les producteurs choisissent des variétés productives au détriment de leur aspect gustatif. On va vers un nivellement de la qualité. En outre, les produits d’importation quittent les rayons de plus en plus tardivement et les produits français disposent de moins en moins de place. » C’est pourquoi Tom West va renforcer ses positions auprès de grossistes qualitatifs qui approvisionnent de plus petits magasins et développer ses ventes à l’exportation pour passer de 10-15 % à 20 % de son chiffre d’affaires.