Que sait-on sur le dépérissement du noyer ?
Le dépérissement du noyer est un problème croissant dans les zones de production françaises. Des travaux sont en cours pour mieux caractériser ce phénomène qui menace la pérennité de la filière.
Les producteurs de noix sont confrontés à une problématique croissante de dépérissement ces dernières années : « Ce phénomène correspond à une dégradation de la santé du végétal qui se traduit par un ensemble de symptômes entraînant une perte de vigueur, une mortalité accrue et une baisse de rendement », indiquent les auteurs d’un article d’Infos-CTIFL paru en novembre 2022. L’intensification du dépérissement menace la production et la pérennité des vergers de noyers. Les causes des dépérissements sont souvent multiples et peuvent être aussi bien d’origine biotique qu’abiotique.
Face à ce constat et aux préoccupations de la filière noix, plusieurs travaux ont été amorcés par la Senura (Isère), la station de Creysse (Lot), le laboratoire Lubem-UBO (Bretagne) et le CTIFL, afin de mieux comprendre le phénomène de dépérissement. En 2021, deux enquêtes nationales – une auprès de producteurs de noix, l’autre auprès de techniciens – ont ainsi été réalisées, afin de faire un état des lieux sur la typologie des symptômes du dépérissement observés et les facteurs explicatifs suspectés. 130 producteurs ont répondu à l’enquête sur internet, dont 75 dans le bassin Sud-est et 55 dans le Sud-Ouest. L’ensemble des noyeraies correspondantes représentent plus de 3 000 ha, soit environ 14 % de la surface nationale.
Des visions différentes du dépérissement
Il ressort de cette enquête que le dépérissement est associé par les producteurs à des symptômes de mortalité de rameaux, de branches séchantes, de mort prématurée, de chancre suintant vertical, voire de problèmes de débourrement ou de peau de crapaud. Le niveau d’inquiétude des producteurs est fortement lié à la perte de rendement et la répartition spatiale des symptômes. Les fluctuations climatiques et les problèmes de sols sont les premières causes suspectées par les producteurs qui ont observé ces symptômes.
Le principal enseignement de l’enquête est qu’il existe de nombreuses visions différentes du dépérissement qui reste un phénomène difficile à définir. Certains cas de mort de noyers (associés au dépérissement) sont dus à des causes identifiables : âge avancé de l’arbre, plantation en sol non adapté, événements climatiques brutaux, maladies racinaires connues (Phytophthora spp, pourridié…). L'enquête n'a pas permis d'établir de corrélation entre les pratiques culturales et les symptômes. Mais elle a donné une première image du dépérissement dans les noyeraies françaises et révèle un besoin de quantifier et caractériser l’impact du dépérissement sur le terrain.
En parallèle, des prélèvements en parcelles dépérissantes ont été analysés en laboratoire afin d’identifier la ou des causes de symptômes caractéristiques du dépérissement. L'analyse de ces prélèvements n'a pas permis d’identifier de bioagresseurs, mais ont détecté des pathogènes de faiblesse et connus sur noyer, dont des champignons appartenant à la famille des Botryosphaeriaceae (voir encadré).
Des outils de détection par analyse moléculaire
Le projet Caribou (2021-2022) vise à mieux comprendre la répartition de ces Botryosphaeriaceae, associés à la recrudescence de dépérissement de rameaux à l’échelle nationale. Les partenaires du projet ont travaillé sur l’identification et la caractérisation des espèces de cette famille, présentes sur douze parcelles préalablement sélectionnées en 2020 dans les deux bassins de production. Le projet a également permis la mise au point d’outils de détection spécifiques des Botryosphaeriaceae par analyse moléculaire, transférables aux laboratoires.
« L’étude de plus de 300 échantillons symptomatiques prélevés à l’échelle nationale a confirmé la présence d’une communauté fongique comprenant des espèces endophytes, mais également pathogènes pouvant être présents à l’état latent, dont les espèces Botryosphaeria dothidea et Neofusicoccum parvum appartenant à la famille des Botryosphaeriaceae », présentent les auteurs de l’article d’Infos-CTIFL sur le projet Caribou. L’ensemble des espèces pathogènes identifiées soulève la question du rôle de ces communautés fongiques dans l’expression des dépérissements : il reste à comprendre quels sont les facteurs environnementaux qui favorisent le développement de ces pathogènes latents.
Des champignons à fort impact sur la production
Depuis les années 2000, l’intérêt pour les Botryosphaeriaceae est grandissant. Cette famille diversifiée de champignons filamenteux est connue pour son fort impact sur la production de noix aux États-Unis : ils sont le plus souvent définis comme des organismes parasites, endophytes ou saprophytes. Les champignons en état de latence se développent au niveau du système vasculaire lorsque la plante est soumise à un stress abiotique. Ils provoquent des taches marron, des lésions foliaires, des retards de développement des bourgeons et la pourriture des fruits. Les symptômes les plus importants sont observables sur le bois et les rameaux au travers de décolorations, nécroses, chancres ou dépérissements et, à terme, entraînent la mort de la plante.