Produits alimentaires et communication : pourquoi faut-il cibler les Millennials et comment leur parler ?
La filière de la pomme de terre pour le frais s’est posée la question lors son assemblée générale du CNIPT le 7 janvier. Il faut dire que la Génération Y représente la part la plus importante des actifs, et qu’ils sont aussi moteurs des nouvelles tendances. Objectif pour la filière pomme de terre fraîche : endiguer la lente érosion de la consommation.
La filière de la pomme de terre pour le frais s’est posée la question lors son assemblée générale du CNIPT le 7 janvier. Il faut dire que la Génération Y représente la part la plus importante des actifs, et qu’ils sont aussi moteurs des nouvelles tendances. Objectif pour la filière pomme de terre fraîche : endiguer la lente érosion de la consommation.
Le CNIPT, l’interprofession de la pomme de terre pour le frais, a tenu son assemblée générale annuelle le 7 janvier à Paris. L’occasion pour la filière de « bâtir sur [ses] succès et de prendre du recul pour élaborer de nouvelles pistes », selon les mots de son président Joanny Dussurgey.
Parmi les points de vigilance de la filière : une lente érosion de la consommation de la pomme de terre en frais en France. Si la consommation totale de pomme de terre sur le marché intérieur stagne toujours autour des 50 kilos par habitant, on observe une inversion des courbes entre la consommation en frais et celle en transformé.
« Aujourd’hui, malgré une consommation moins importante qu’il y a 50 ans, la pomme de terre reste un produit incontournable dans l’alimentation des Français ! Ils en consomment environ 50 kg chaque année, dont environ 20 à 25 kg en frais (achats, production des jardins, restauration). La consommation de pommes de terre transformées est surtout répandue dans la restauration, tandis que les consommateurs privilégient la pomme de terre fraîche à domicile », rappelle d’ailleurs le CNIPT sur son site Internet.
Quelles sont les différentes campagnes de communication de la pomme de terre française et leurs cibles ?
Le CNIPT est donc engagé depuis des années dans de multiples et diverses campagnes de communication.
Pendant 4 ans, la campagne de communication « Il y a de la pomme de terre dans l’air ! » a joué sur le côté convivial et de partage de la pomme de terre, en TV et digital. Puis, après une année de transition « La pomme de terre, elle a tout pour plaire » en radio et digital, le CNIPT a renouvelé en 2024 sa communication plus en phase avec les nouveaux enjeux de la filière et les changements de comportement des consommateurs post-Covid, avec « La pomme de terre, c’est la base ». Ciblant les 25-49 ans et les familles, cette campagne veut pallier le constat que les Français ne pensent pas à la pomme de terre quand ils réfléchissent à leur prochain menu.
En parallèle, le CNIPT cible les 35-49 ans avec la nouvelle campagne Potatoes Forever cofinancée par l’UE afin de les informer des bonnes pratiques de la filière. Les Millennials eux, sont concernés par la campagne européenne « Prepare to be surprised ! ».
Pourquoi faut-il toucher les Millennials dans sa communication ?
Mais ces Millennials, justement, comment les toucher ? Ceux qu’on surnomme aussi la génération Insta-Food sont aussi « la génération la plus nombreuse ayant jamais vécue », et constituent aussi « plus de la moitié de la population active de la plupart des pays développés en 2024 », selon l’anthropologue et chercheur Richard Delerins. Dans dix ans, ils représenteront les trois quarts des actifs. « Ce sont eux le moteur économique de la consommation. Ils sont les consommateurs d'aujourd'hui et surtout de demain », affirme Richard Delerins.
Il est donc d’importance de continuer à cibler cette génération dans les campagnes marketing et de communication, affirment Richard Delerins, l’influenceuse Vicky Bismuth (qui a notamment contribué à la campagne « Potatoes Forever ») et le planneur stratégique Guillaume Théaudière à l’agence média Monolith (architecte notamment de la campagne « La pomme de terre, c’est la base »), les 3 panelistes invités à s’exprimer sur le sujet de la génération Insta-Food et ses liens avec la pomme de terre lors de lors de l’AG du CNIPT.
« Les Millenials sont les réels consomm’acteurs de la vie de tous les jours, le moteur de l’économie. Donc oui, il faut continuer en faire une cible », insiste Vicky Bismuth. « D’autant plus que c’est eux qui sont les acteurs des changements qui sont à l’œuvre en ce moment », précise Guillaume Théaudière. « Et qui en plus influencent les générations précédentes et suivantes », termine Vicky Bismuth. Car cette génération est aussi la première à avoir plus de valeurs horizontales que verticales (venant des générations précédentes) : « Ils sont plus les enfants de leur temps que les enfants de leurs parents », insiste Richard Delerins.
Qui sont les Millennials ?
Les Millennials, ou Milléniaux, Millenials ou encore génération Y, désigne généralement les personnes devenues adultes au tournant du 21e siècle. Les délimitations chronologiques de la génération Y peuvent varier selon les définitions. Pour l’anthropologue et chercheur Richard Delerins, le terme des Millennials désigne la génération née après 1982 et avant 2001, celle qui a aujourd’hui entre 24 et 42 ans.
Comment consomme cette génération Insta-Food ?
Et côté food, comment se caractérisent les Millennials ? Pour la Génération Y, la food est la nouvelle pop culture : elle est partout, au-delà de l’alimentation : dans la beauté, dans la santé, elle est un mode d’expression de soi. Cette génération ultra-connectée (lire ci-dessous), qui a inventé le selfie, prend en photo ce qu’elle mange. D’où le terme génération Insta-Food.
La food est la nouvelle pop culture
C’est aussi une génération :
- qui a repensé la commensalité (on mange désormais seul, même au restaurant) et cherche donc l’individuation c’est-à-dire des produits individualisés et des marques répondant aux valeurs de l’individu ;
- qui a besoin de rapidité, de simplicité et va donc privilégier la cuisine d’assemblage ;
- qui recherche l’esthétisation des recettes ;
- qui est inspirée par ce qui se passe à l’étranger plus que par ce que mangeaient les générations précédentes (diffusion des poke bowls, des bubble tea).
« Les Etats-Unis ont réussi à faire une décommodation et individuation de la pomme de terre. Résultat : elle est vendue 3$ l'unité »
Pour mettre la pomme de terre au cœur des considérations des Millennials, Richard Delerins propose à la filière de s’inspirer des Etats-Unis, qui a réussi à faire une « décommodation et individuation » de la pomme de terre. Celui qui est aussi enseignant-chercheur à l’Université de Californie explique : « Aux Etats-Unis sur les campus, je vois depuis des années des pommes de terre vendues à l’unité et emballée comme micro-ondable, et il y a même des marques. A 2,50$ voire même 3$, la pomme de terre, c’est très rentable aux Etats-Unis. En France, pays de tradition culinaire par le feu, il faut dépasser ça -les plats comme les gratins ne sont pas adaptés à une seule personne et pressée. Allons vers une cuisine d’assemblage. »
Comment rendre la pomme de terre virale sur les réseaux sociaux ?
Vicky Bismuth confirme. Ayant demandé début janvier à sa communauté (17 600 followers sur Instagram) ce qui fait passer à l’action de cuisiner une recette vue sur Instagram, les internautes affirment : une recette simple, visuelle et attractive.
Maîtriser Instagram
Pour rendre virale la pomme de terre sur les réseaux, elle propose à la filière quelques idées :
- des collaborations avec des influenceurs et des chefs pour élargir l’audience ;
- des concours pour stimuler la créativité des consommateurs ;
- explorer les cuisines du monde ;
- recettes esthétiques sachant que « la pomme de terre a un potentiel de déclinaison infinie » ;
- des astuces culinaires (modes de cuisson, choix des variétés, conservation, atouts nutritionnels) car Instagram pousse les vidéos éducatives ;
- des vidéos courtes et dynamiques pour capter rapidement l’attention (lire à ce sujet ci-dessous) ;
- un storytelling qui touche la nostalgie pour s’en rappeler.
Guillaume Théaudière rappelle que les marques qui fonctionnent aujourd’hui en termes de communication sont celles qui sont « transparentes, présentes sur les réseaux et avec un discours frais et qui ont réussi à créer une identité forte pour créer un territoire visuel et sonore distinctif et durable ».
Associer la pomme de terre avec le air fryer
Enfin, Vicky Bismuth propose d’associer la pomme de terre au air fryer, ce mini four faisant office de friteuse sans huile et dont le succès médiatique de ces derniers mois va se confirmant.
« Frites, smashed potatoes, pommes de terre farcies… Le air fryer est un réel atout pour la pomme de terre car il permet une cuisson légère, saine et diététique, des préparations rapides, et avec un impact économique et écologique moindre (sa consommation énergétique est plus faible que celle d’un four traditionnel). » Selon un sondage OpinonWay, 66 % des 18-34 connaissent le air fryer et 38 % l’utilisent régulièrement.
A relire : « Est-ce que la pomme de terre fait grossir » et autres idées reçues sur ce tubercule
Penser aux formats audio
Enfin, Guillaume Théaudière explique qu’on voit chez les Millenials un regain d’intérêt pour le casque. Il conseille donc le recours à l’audio-digital : podcasts et publicités audio.
La Génération Y observe un regain d’intérêt pour le casque audio
Des pistes de réflexion jugées intéressantes par la directrice générale du CNIPT Florence Rossillion pour anticiper les défis liés à l’évolution des attentes des consommateurs Millennials mais aussi celles de la GenZ qui commencent aussi à façonner les tendances, sans oublier celles de la génération X qui reste encore la génération avec le pouvoir d’achat le élevé.
A relire : Le 30 mai est désormais Journée internationale de la pomme de terre
Pour aller plus loin : la Génération Y, entre smartphone, réseaux sociaux et fatigue informationnelle
Les Millennials c’est aussi et surtout la génération smartphone : Internet est l’outil de tous les jours, qui permet de s’informer, de voyager, d’acheter, de gérer ses finances.
Ils sont aussi une génération avec une forte demande d’authenticité. Cette cible 2.0 s’est emparé de cette capacité d’avoir une voix et de l’exprimer, dans un contexte où l’attention est fragmentée et sur-sollicitée (selon une étude californienne de Gloria Mark, le temps d’attention est passée de 150 secondes en 2004 à 47 secondes en 2020 !).
Durée de l’attention en baisse et multiplication des sources d’attention : les Millennials souffrent d’une fatigue informationnelle.
Les influenceurs deviennent la principale source d’information
« Tout cela se traduit par une perte de confiance dans les médias traditionnels. Les influenceurs remplacent les journalistes comme voix d’autorité et deviennent la principale source d’information. Les influenceurs sont les vecteurs pour faire passer les messages que les marques n’arrivent pas à faire passer. Car il faut parler le même langage que cette génération : il faut “avoir la réf” », explique Guillaume Théaudière.
Les influenceurs sont les vecteurs pour faire passer les messages que les marques n’arrivent pas à faire passer.
De la grande diversité et du poids des réseaux sociaux aujourd’hui
Les campagnes de communication demandent aujourd’hui plus d’efforts car il faut multiplier les présences : là où il y a 20 ans, on communiquait principalement et seulement en TV, aujourd’hui il faut être présents sur tous les réseaux sociaux -quitte à recycler le même contenu en l’adaptant aux spécificités de chaque réseau. Car les usages y sont différents (« Instagram est un réseau d’évasion, TikTok observe une consommation très passive, comme on peut le faire avec la TV », selon Guillaume Théaudière), l’âge des utilisateurs aussi (Facebook pour les plus âgés, TikTok pour les jeunes, Instagram pour les Millenials, résume Vicky Bismuth).
Guillaume Théaudière estime : « Facebook reste encore aujourd’hui le réseau social le plus puissant [nombre d’utilisateurs] mais avec moins d’engagement et de passion. Instagram est le deuxième. Suit TikTok, le petit nouveau qui a progressé très fort ; sur les 15-24 il rivalise voire même dépasse Instagram. Le réseau X (ex Twitter) a encore de l’influence dans l’influence. Enfin, YouTube est encore extrêmement consommée, avec une audience qui rivalise avec celle de la télé. »
A relire : La pomme de terre serait-elle la solution aux défis que l’agriculture mondiale doit relever ?