Production de pommes bio : une stratégie en trois temps pour éclaircir
Les moyens d’éclaircir des pommiers conduits en agriculture biologique sont limités. Et ceux existants ont des efficacités partielles. Le groupe de travail national Eclaircissage étudie sur la proposition de stratégies à base de trois outils utilisés à des stades différents.
Les moyens d’éclaircir des pommiers conduits en agriculture biologique sont limités. Et ceux existants ont des efficacités partielles. Le groupe de travail national Eclaircissage étudie sur la proposition de stratégies à base de trois outils utilisés à des stades différents.
La maîtrise de la charge des pommiers en agriculture biologique est moins aisée qu’en agriculture conventionnelle. A ce jour, aucun produit n’est homologué pour cet usage. Par conséquent, le recours à l’éclaircissage manuel est encore largement nécessaire, engendrant besoins en main-d’œuvre et augmentation des coûts de production. Le groupe national Eclaircissage du CTIFL et des stations régionales travaillent sur la définition de programmes à base d’outils mécaniques : Darwin et Eclairvale®, et de produits dessiccants afin de réduire cette intervention. « Mais un complément manuel est souvent nécessaire pour ajuster définitivement la charge en fruits aux objectifs de production », mentionne Christian Lavoisier, La Morinière, lors du webinaire « Rencontre technique éclaircissage pommier et poirier », en mars 2021.
Associer Darwin, produits dessiccants et Eclairvale®
Un essai conduit au Cefel en 2018 a comparé ces trois méthodes une à une et combinées, sur une parcelle d’Ariane. « L’utilisation de Darwin en préfloraison à 240 t/min, d’huile + soufre en dessiccants (huile à 5 l/ha et soufre à 7,5 kg/ha) au moment de la floraison et d’Eclairvale® en juin a permis d’atteindre une efficacité de 66 % », rapporte Jean-François Saint-Hilary au cours du même webinaire. La modalité Darwin puis Eclairvale® et celle Darwin puis huile + soufre ont eu une efficacité proche de 60 %. Les efficacités des modalités huile + soufre puis Eclairvale®, Eclairvale® seul ou Darwin seul étaient proches de 50 %. L’application d’huile + soufre est efficace à 20 %. Selon la variété et l’intensité d’éclaircissage requis, chacune de ces méthodes (se positionnant à des stades différents) peut être considérée.
Incontournable Darwin au stade D-D3
Avant floraison, l’outil à fil Darwin permet de réduire en moyenne le potentiel de floraison de 25 à 30 %. « Son utilisation, tout comme celle d’Eclairvale® exige des palissages robustes, des branches fruitières courtes et des haies fruitières étroites », insiste Laurent Roche. Cet outil supprime fleurs et feuilles. « Et les deux organes ont un effet sur la charge », rappelle l’expérimentateur. Mais selon le stade d’application, son impact sera différent sur les fleurs ou sur les feuilles. « Positionné aux stades D-D3, l’outil Darwin a plutôt tendance à supprimer partiellement des fleurs sur le corymbe », détaille le spécialiste.
A ce stade précoce, l’éclaircissage est plus respectueux des feuilles de rosette. La préservation de ces feuilles est favorable au calibre et au retour à fleur. « Aux stades floraison, l’outil agit majoritairement par réduction du nombre de fleurs sur les corymbes mais il va endommager plus sérieusement les feuilles de rosette et induire une réaction physiologique complémentaire », continue-t-il. Dès que la période de fécondation est commencée, il faut arrêter l’utilisation de l’outil car les pédoncules se lignifient et deviennent plus robustes.
La bouillie sulfocalcique pour améliorer le retour à fleur
Les produits dessiccants se positionnent entre le stade E2 et le stade H/I. Parmi ceux testés, la bouillie sulfocalcique (BSC) a la préférence des expérimentateurs. « Les huiles végétales ont eu sur les sept années d’essais, une meilleure efficacité que la BSC, résume Christian Lavoisier. Mais ce produit à un effet nul, voire négatif sur le retour à fleur. » Le stade d’application le plus favorable à la BSC est celui de la pleine floraison. « Sur Choupette en 2019, nous avons obtenu près de 45 % de chute avec deux applications à 24 l/ha au stade F2-F2’*, détaille l’ingénieur. Sur Gala en 2020, nous avons atteint près de 65 % de chute avec deux applications au stade F2-F2’* ou une au stade F2-F2’* et une au stade G-H. »
L’application de BSC améliore aussi le calibre des fruits selon la dose d’applications. « Trois ou cinq applications à 18 l/ha sur Choupette ont permis d’améliorer les calibres par rapport au témoin avec un taux de nouaison équivalent, continue-t-il. En revanche trois applications à 30 l/ha ont dégradé les calibres par rapport au témoin. » Le nombre d’applications nécessaires est une autre question à laquelle le groupe de travail tente de répondre.
Selon une autre expérimentation en 2011 au Cefel sur Ariane, « quatre applications à 10 l/ha de BSC sont plus efficaces que deux applications à 20 l/ha », synthétise Jean-François Saint-Hilary. L’ajout d’huile à la BSC augmente l’efficacité éclaircissante des applications. Attention cependant précise-t-il, « l’utilisation d’un mélange avec de l’huile à 10 l/ha a doublé le nombre de fruits avec une forte rugosité sur Gala par rapport aux applications de BSC seule ou de BSC avec de l’huile à 5 l/ha. »
Eclairvale® encore en test en post-floraison
L’Eclairvale® est l’outil le plus récent et des expérimentations complémentaires sont en cours. Ses effets sont le plus visibles aux stades 35 à 40 mm. Les variétés aux pédoncules courts sont plus sensibles à son action. La modulation de son action se fait par la vitesse avancement, le nombre de barres, leur diamètre et leur flexibilité. La forme et la conduite des arbres jouent un rôle primordial dans la possibilité de passage de cet outil relativement imposant.
*F2’ = Anthères déhiscentes (Fleur supposée pollinisée)
"Darwin supprime fleurs et feuilles, et les deux organes ont un effet sur la charge", Laurent Roche, CTIFL
Importance de la taille de fructification
« La taille est le premier éclaircissage », rappelle Laurent Roche, CTIFL. La taille de fructification, indépendante de la conduite des arbres, permet d’enlever 20 à 30 % des bourgeons. Elle est d’autant plus importante en agriculture biologique afin de contrecarrer le manque de croissance des pousses et de compétition entre les organes, phénomènes souvent observés avec ce mode de production. Cette opération limite le nombre de points de fructification, favorise l’éclairement et dynamise les branches fruitières. Elle a aussi pour objectif de mettre au gabarit les arbres pour les passages des outils mécaniques.
Les trois outils à envisager pour éclaircir ses pommiers en AB
Darwin
Cet outil d’éclaircissage mécanique à fil peut se passer du stade D-D3 jusqu’à la floraison. Le stade d’intervention précoce est favorable au calibre et au retour à fleur. Plus la canopée est étroite, plus la machine est efficace. L’intensité de l’éclaircissage est liée à la vitesse d’avancement du tracteur, à la vitesse de rotation du rotor et à la densité des fils. Le temps d’utilisation est de 1 à 3h par hectare.
Dessiccants
Des huiles, associées ou non à du soufre et la bouillie sulfocalcique, sont testées depuis plusieurs années en plusieurs applications au moment de la floraison. Ces substances n’ont à ce jour pas d’autorisation de mise sur le marché pour cet usage. Ils viennent dégrader les fleurs, en voie de fécondation, et diminuer l’activité photosynthétique. La bouillie sulfocalcique est le produit parmi ceux testés qui associe réduction de charge et effet positif sur le retour à fleur.
Eclairvale®
Cet outil présente un intérêt sur pommier en post-floraison du stade 20 mm à 45 mm. Il est constitué de barres souples en fibres de verre disposées sur un rotor. Le rotor tourne librement (sans moteur) par friction au sein de l’arbre. La sévérité de l’éclaircissage est obtenue par la vitesse d’avancement du tracteur et la position de la broche dans la haie fruitière. Plus l’outil est passé tard sur des fruits de gros diamètres, plus l’intensité d’éclaircissage sera forte. Son passage tardif n’est pas favorable au retour à fleur.