Pomme de terre : légume ou féculent, pourquoi la controverse a déchiré (encore) les Etats-Unis ?
Tous les cinq ans, l'USDA met à jour les DGA’s, les directives diététiques pour les Américains. Le reclassement de la pomme de terre en tant que céréale est envisagée. Pourquoi la filière soutenue par certains sénateurs d’Etats ruraux ont-ils défendu bec et ongles leur produit en tant que légume ? Et en France d’ailleurs, classe-t-on la pomme de terre dans les légumes ou dans les féculents ? Retour sur cette saga médiatique.
Tous les cinq ans, l'USDA met à jour les DGA’s, les directives diététiques pour les Américains. Le reclassement de la pomme de terre en tant que céréale est envisagée. Pourquoi la filière soutenue par certains sénateurs d’Etats ruraux ont-ils défendu bec et ongles leur produit en tant que légume ? Et en France d’ailleurs, classe-t-on la pomme de terre dans les légumes ou dans les féculents ? Retour sur cette saga médiatique.
La pomme de terre, légume ou féculent ? Cet éternel débat ressurgit parfois ici ou là, comme c’est le cas outre-Atlantique depuis quelques mois.
Les autorités sanitaires des Etats-Unis, le lobby de la pomme de terre et les élus du Congrès s'écharpent depuis des années sur la classification de la pomme de terre. Et l’USDA, le Département de l'Agriculture des États-Unis, avait annoncé qu'il envisageait de reclasser la pomme de terre dans la catégorie des céréales et non plus dans celle des légumes. Tous les cinq ans en effet, l'USDA met à jour les DGA’s, les Dietary Guidelines for Americans (soit les directives diététiques pour les Américains). Le processus d'évaluation pour 2025-2030 est toujours en cours.
Et en France, la pomme de terre est-elle un légume ou un féculent ?
En France, les autorités de santé publiques dans le cadre du PNSS ont tranché : la pomme de terre est un féculent. Pourtant, elle possède les caractéristiques des deux catégories : plus nourrissante que les autres légumes car riche en micronutriments, la pomme de terre, classée dans la catégorie des féculents parce que un tubercule, est peu calorique (quand elle est cuite à l’eau) comparé aux autres types de féculents. Le Dr Jean-Michel Lecerf, nutritionniste et expert nutrition/santé à l’Institut Pasteur de Lille, avait d’ailleurs dressé le portrait nutritionnel de la pomme de terre lors de l’AG du CNIPT en janvier dernier et glissé que certaines études pointaient que consommer de la pomme de terre faisait manger des légumes !
« Certaines études pointent que le fait que consommer de la pomme de terre fait manger des légumes ! » - Dr Jean-Michel Lecerf.
Prise de position de 14 sénateurs pour sauver les allocations d’aides publiques
Aux Etats-Unis, la levée de boucliers de la filière suivie par des sénateurs représentants des Etats ruraux a été immédiate et très médiatisée. Pour le National Potatoes Concil, organe de représentation de la filière (producteurs et industriels), c’est une évidence : la pomme de terre est un légume.
Le 26 mars, un groupe bipartisan de 14 sénateurs ont même écrit au secrétaire de l’USDA, Thomas Vilsack, et au secrétaire du ministère américain de la santé et des services sociaux (HHS), Xavier Becerra, afin de s'opposer à toute reclassification des pommes de terre en tant que céréale. C’est que d’un tel reclassement découle, entre autres, l'allocation d'aides publiques.
« Depuis sa création, l’USDA a correctement (sic) classé les pommes de terre dans la catégorie des légumes, écrivent les 14 sénateurs. Les caractéristiques physiques de la pomme de terre et sa classification scientifique horticole ne font l'objet d'aucun débat. Contrairement aux céréales, les pommes de terre blanches sont d'excellents fournisseurs de potassium, de calcium, de vitamine C, de vitamine B6 et de fibres. »
Aides publiques et enjeu de santé publique
L’USDA aurait a priori décidé de ne pas changer la classification. La chaîne américaine Scripps News a ainsi fait savoir qu’un porte-parole de l’USDA lui aurait déclaré que « le comité consultatif sur les directives diététiques n'envisage pas et n'a pas envisagé de modifier la classification des pommes de terre ».
Cette saga met néanmoins en lumière le rôle important que joue le gouvernement dans l'établissement de normes nationales en matière de nutrition. La reclassification d'un aliment aurait un impact sur les programmes influencés par le gouvernement, tels que les repas scolaires et les allocations SNAP*.
*SNAP : Supplemental Nutrition Assistance Program. Le Programme d'aide supplémentaire à la nutrition qui est un programme alimentaire fédéral des États-Unis fournissant une assistance aux personnes et familles à faible ou zéro revenu vivant dans le pays.
Ces débats rappellent la controverse du ketchup, lorsqu’en 1981 l’administration Reagan avait tenté (en vain) de classifier le ketchup dans la catégorie Légumes dans le cadre des repas dans les écoles américaines.
Il s’agit aussi d’un enjeu de santé publique dans un pays fortement frappé par l’obésité et loin d’atteindre la portion de 5 fruits et légumes par jour et par personne recommandée par les directives de l’USDA (et encore plus loin de l’atteindre si la pomme de terre ne compte plus pour ces 5 fruits et légumes par jour).