Produire des fraises précoces sans passer les plants au froid grâce à l'éclairage
L’itinéraire « sans froid » permet une production très précoce de Gariguette mais impose une maîtrise technique de l’éclairage et de la plante avec encore des paramètres à optimiser.
L’itinéraire « sans froid » permet une production très précoce de Gariguette mais impose une maîtrise technique de l’éclairage et de la plante avec encore des paramètres à optimiser.
Produire des fraises très précoces, Gariguette notamment, sans passage au froid des plants avant plantation est possible avec un nouvel itinéraire expérimenté par Invenio et le Caté (voir encadré). La réussite de la démarche passe par l’éclairage des plants dès leur plantation. « Dans ce nouvel itinéraire, l’éclairage est là pour empêcher le plant d’entrer en dormance alors que jusqu’à maintenant, le rôle de l’éclairage était d’aider à finir de lever la dormance du plant quand le froid reçu était insuffisant », explique Marie-Noële Demené à Invenio où des essais ont été lancés en 2013.
Un développement initié, maintenu et soutenu
La plantation des tray-plants se fait dès la sortie de pépinière. « Il ne faut pas que les plants aient pris du froid pour éviter leur entrée en dormance », mentionne Alain Guillou, qui expérimente cette technique depuis deux ans au Caté. Différentes origines de plants y ont été évaluées. « Les meilleurs résultats ont été obtenus avec des plants élevés sous abri dans des conditions de températures élevées », commente-il. L’éclairage des plants doit débuter dès leur plantation et est réalisé en continu jusqu’à fin décembre. Le développement du plant doit être initié, maintenu et soutenu dès les premiers jours après la plantation. L’objectif est d’accompagner le plant jusqu’au rallongement des jours. « On sait qu’on place le plant dans des conditions difficiles des jours décroissants, une photopériode courte et un rayonnement faible. Pourtant, il faut chercher à favoriser la sortie des hampes qui mobilise beaucoup d’énergie du plant tout en soutenant le développement foliaire », explique la spécialiste. Selon elle, la production de fraises en culture précoce doit s’envisager en intégrant trois constats qui se complètent : « pas de production sans surface foliaire, pas de surface foliaire sans croissance du plant, pas de croissance sans lumière adaptée ». Ce dernier point apparaît comme un élément déterminant. Aussi, les résultats obtenus à Invenio dans les itinéraires précoces les années précédentes ont conduit la station d’expérimentation à comparer en 2017 l’effet d’un éclairage photopériodique avec des ampoules Led et avec des ampoules fluocompactes et écohalogènes. Celles-ci ont des spectres lumineux très différents. « La led avec son spectre dans le bleu, dans le rouge et dans le rouge lointain a favorisé le développement de la végétation et la croissance du plant. En comparaison, la fluocompacte très pauvre dans ces longueurs d’onde n’a pas pu empêcher le plant d’entrer en dormance. Le signal lumineux était là mais la qualité du signal n’était pas adaptée. Le remplacement des fluocompactes par des écohalogènes avec un spectre plus riche a permis un léger redémarrage des plants mais de façon clairement insuffisante pour assurer une production », commente Marie-Noële Demené (voir graphique). Dans cet essai, la production a commencé début février avec un rendement pour le premier jet de 2,5 kg/m² sous Led contre 1,2 kg/m² sous écohalogène. Les durées d’éclairage étaient équivalentes sur le début de la culture. Par la suite, l’éclairage sous Led a été ralenti puis arrêté avant celui sous écohalogène, compte tenu du bon développement des plants. « A cette période de l’année, il y a très peu d’inertie de l’éclairage, un arrêt de celui-ci provoque en même temps un arrêt de l’augmentation de la végétation. Une reprise de l’éclairage avec les Led a également un effet quasi immédiat de relance du plant », note la spécialiste.
Au Caté, l’éclairage des plants est également réalisé à partir d’ampoules Led photopériodiques. L’apport lumineux qui débute avant que le jour s’assombrisse (16h/17h) et se prolonge jusqu’à 4h, et permet ainsi de maintenir le développement de la végétation et d’assurer une floraison précoce début décembre. « Pendant toute cette période, il est assez facile de conduire les plantes. Les difficultés techniques débutent avec la fructification qui se réalise en jour court. Pour assurer le développement du fruit, l’éclairage ne doit plus être que photopériodique (durée) mais également photosynthétique (intensité). Dans ce cas, l’ajout d’une bande de Led peut améliorer le grossissement des fruits », explique Alain Guillou. Un essai avec ou sans Led a donc été réalisé cette année au Caté. « Les premières observations montrent qu’il est possible d’améliorer les calibres et le nombre total de fruits récoltés et de réduire leur déformation », précise-t-il. Fin février 2020, la culture de plants sans froid de Gariguette avait produit 1,5 kg/m2 avec 85 % en catégorie Extra et des fruits à 8,5 °Brix de moyenne. La récolte arrêtée fin mars totalisait 2,9 kg/m2 en moyenne avec la possibilité d’une remontée en mai, soit un mois avant celle d’un itinéraire classique de production.
Le système reste à optimiser
« La conduite de la fertirrigation est également très complexe », mentionne le spécialiste. Les apports d’eau sont faibles, ce qui peut engendrer une élévation de la conductivité de la solution fertilisante. Les risques de fruits déformés sont également élevés. Les données économiques relevées en 2020 au Caté montrent que sur une période d’éclairage du 18 octobre au 5 février, soit 1 400 heures d’éclairage, la consommation électrique est très faible : 2,2 kWh/m2 soit 0,22 euro avec un investissement (ampoule) de l’ordre de 1,50 euro/m2. « Si l’efficacité des Led dans ce type d’itinéraire a été largement démontrée, le système reste à optimiser. L’objectif est de réduire le nombre d’ampoules, sans perte d’efficacité sur le végétal, pour diminuer l’investissement de départ qui reste encore très élevé », relève Marie-Noële Demené dans Invenio Infos.
L’éclairage de plant sans prise de froid est un itinéraire très technique qui nécessite de disposer de matériels adaptés et performants (ampoule et/ou Led). Le gain de précocité sur la première récolte puis sur la remontée ne doit être réservé qu’à une partie de la production à l’échelle d’une exploitation ou d’un groupement de producteurs afin d’étaler la période de production et répartir les volumes mis en marché. Cette stratégie de production a déjà été adoptée par certains producteurs d’Aquitaine.
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Eviter le passage au frigo
L’utilisation des plants sans froid de Gariguette permet d’éviter le passage au frigo. Cet itinéraire technique permet d’avoir une initiation continue des hampes qui génèrent plus facilement une courbe de production plus étalée et plus lissée. En évitant la prise de froid (environ un mois), la plantation est réalisée courant octobre pour une entrée en production à partir de fin janvier. En revanche, la technique impose l’utilisation de l’éclairage pour éviter l’entrée en dormance du plant et le développement d’une surface foliaire suffisante pour assurer la production des fruits (voir article). Après la première récolte, la remontée se fait également de manière plus précoce. Cet itinéraire permet de combiner la précocité et l’étalement, deux facteurs recherchés par les producteurs de fraise.
Graphique : Comparaison du développement du plant sous ampoules Led et écohalogènes (essais Invenio)