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Melon : le projet Agrecomel vise à réduire de 60 % les traitements phytosanitaires

Le projet AGRECOMel vise à améliorer la performance agroécologique de systèmes de culture intégrant du melon, en réduisant d’au moins 60 % l’IFT hors produits de biocontrôle, tout en maintenant la rentabilité de la culture et la qualité des fruits.

L’insertion après la culture d’été d’un sorgho est déjà pratiquée par certains producteurs. © Grab
AGRECOMel doit démontrer l’efficience technique des systèmes innovants utilisant des leviers agroécologiques.
© RFL

Les travaux de recherches et d’expérimentation concernant la protection sanitaire du melon sont importants et des avancées significatives ont déjà été réalisées concernant la régulation biologique de certaines maladies et ravageurs, l’intérêt des infrastructures agroécologiques, les résistances variétales et les intercultures assainissantes notamment. Toutefois aucun projet testant des systèmes de culture combinant plusieurs de ces leviers dans le but de réduire très fortement l’usage de produits phytopharmaceutiques et rassemblant la totalité des expérimentateurs melon français n’avait été envisagé. C’est maintenant chose faite avec le projet AGRECOMel : Transition vers des systèmes AGRo-ECOlogiques innovants en culture du Melon.

Les produits classés CMR seront bannis

« L’objectif d’AGRECOMel est de concevoir un système de culture économe en intrants, en maximisant l’effet des leviers de protection. Ceci ne peut se faire qu’avec la participation de nombreux partenaires », explique Marie Torres. Les mesures de protection agroécologiques seront appliquées sur l’ensemble du système de culture incluant des cultures légumières et des grandes cultures. Selon les sites d’expérimentations (voir encadré), il est prévu d’évaluer la combinaison de leviers agroécologiques permettant de réduire les IFT en culture de melon. « L’objectif est d’aboutir à une baisse de l’IFT, hors produits de biocontrôle, comprise selon les sites entre 60 % et 100 %. Dans tous les systèmes, les produits classés CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques) seront totalement bannis », précise la spécialiste. AGRECOMel doit démontrer l’efficience technique des systèmes innovants utilisant des leviers agroécologiques mais également la rentabilité des entreprises de production. En effet, une des finalités du projet est de maintenir des rendements et une qualité proches de ceux fixés par le système de référence (ex : 25 t/ha de melons Catégorie I pour la culture du melon sous bâche saison dans le Sud-est) après avoir reconçu des systèmes de cultures économes en intrants. Chacun de ces systèmes comprendra cinq catégories de leviers : une composante résistance variétale, un ensemble de mesures agronomiques, l’amélioration de la biodiversité fonctionnelle, l’utilisation de solutions de biocontrôle et l’utilisation d’outils de prévision des risques (voir page 80).

Des effets additifs, voire synergiques

« La baisse d’IFT que nous envisageons dans le projet sera principalement réalisée sur culture de melon. Cependant, les efforts seront également portés sur les cultures de céréales intégrant la rotation, où des leviers “simples” permettront a minima de ne pas augmenter l’IFT, sinon de le diminuer d’au moins 30 % », explique Marie Torres. Ainsi, des partenaires « grandes culture », comme Arvalis, seront partie prenante du projet pour une amélioration globale du système. Toutefois, le premier frein à l’utilisation des méthodes alternatives est leur efficacité partielle, qui est de plus dépendante des conditions pédo-climatiques. « Leur combinaison pour obtenir des effets additifs, voire synergiques, au sein d’essais systèmes menés sur plusieurs années permettra d’acquérir de nouvelles connaissances sur les interactions entre techniques alternatives et fera la démonstration de l’efficience technique de systèmes innovants », souhaite la responsable du programme. La mise en place d’essai système permettra également de valider l’efficience économique des systèmes reposant sur l’emploi de solutions alternatives dont le coût jugé plus élevé est un frein souvent évoqué. AGRECOMel est prévu sur cinq ans et inclut cinq ensembles de tâches : coordination générale du projet, co-conception des systèmes de culture, expérimentation sur les sites d’expérimentation, analyse et évaluation des systèmes testés, communication et valorisation des résultats. Il a débuté en janvier 2019.

AGRECOMel et ses nombreux partenaires

Pour mener à bien le projet AGRECOMel, de nombreux partenaires participeront à la co-conception des systèmes (combinaison de pratiques, définition des systèmes de culture, détermination des règles de décision, discussion des résultats…) :

Expérimentateurs melon : cinq stations d’expérimentations et un institut technique menant des essais en stations ou chez des producteurs (CTIFL, Aprel, Sudexpé, Cefel, Invenio, ACPEL)

- Ingénieurs régionaux Arvalis (Institut technique du végétal)

- Ingénieurs impliqués dans les réseaux Dephy-Ferme Melon et Ecophyto-Groupes des 30 000 Melon

- Ingénieurs territoriaux et réseaux impliqués dans les réseaux Dephy-Grandes cultures

- Acteurs de la recherche et techniciens/conseillers impliqués dans le suivi des parcelles de producteurs (melon/céréales)

5 leviers pour réduire les phytos

Cinq catégories de leviers sont disponibles pour la maîtrise de certains bioagresseurs du melon (puceron, taupin, fusariose, oïdium notamment). Ils seront utilisés et testés dans le projet AGRECOMel qui vise à réduire très fortement l’usage de produits phytopharmaceutiques

1 Les résistances génétiques et le greffage

Le choix de variétés résistantes ou tolérantes aux principaux bioagresseurs est un levier particulièrement pertinent pour réduire l’usage de produits chimiques. Plusieurs gènes confèrent une résistance haute ou intermédiaire au puceron et aux virus transmis (gène VAT pour Virus Aphid Transmission). D’autres apportent des résistances à l’oïdium et à la fusariose. Ils sont inclus et combinés dans différentes variétés commerciales. La moindre sensibilité variétale, qui apporte une efficacité partielle à plusieurs bioagresseurs (cladosporiose, bactériose, mildiou…) a également été travaillée. Enfin, le greffage sur un porte-greffe résistant aux nématodes ou à la fusariose constitue également un élément décisif pour la performance de la culture.

2 Les mesures agronomiques

La mise en place d’interculture et la réflexion sur les rotations a fait ses preuves dans la gestion des bioagresseurs, notamment telluriques. Ainsi, l’enfouissement de certains végétaux dans le sol permet la libération de composés toxiques pour des pathogènes du sol. Par exemple, un couvert de vesce velue testé plusieurs années en essai montre un effet améliorant sur une parcelle dite « fusariée ». Des sorghos courts (20 jours) peuvent réduire la pression nématodes. Le travail du sol simplifié maintient également les équilibres du sol, ce qui peut limiter le développement de limaces et d’adventices. Les disponibilités en eau et en azote peuvent avoir un impact sur la sensibilité des plantes aux bioagresseurs comme les pucerons sur de nombreuses espèces végétales.

3 L’amélioration de la biodiversité fonctionnelle

La création d’un environnement propice aux ennemis naturels autour de la parcelle de melon, par la mise en place de bandes fleuries ou placette de céréales, ou le choix d’une parcelle bordée de haies, peut permettre de contrôler les infestations de pucerons précocement. Ainsi, les bandes fleuries testées dans le projet AGATH, composées de bleuet, gesse, marjolaine, pimprenelle et sainfoin, ont démontré leur efficacité pour attirer, maintenir et favoriser la colonisation précoce de la parcelle par les prédateurs (coccinelles, syrphes et chrysopes) et parasitoïdes du puceron.

4 Le biocontrôle

Les essais sur des produits de biocontrôle contre les bioagresseurs du melon se sont multipliés. Certains produits ont montré des résultats prometteurs tels que le BION 50 Wg (Acibenzolar-S-méthyl) contre la bactériose, la cladosporiose, le sclérotinia et l’oïdium (en attente d’AMM en culture de melon), le LBG 01F34 (Phosphonates de potassium) contre la cladosporiose et le mildiou, le PRESTOP (Gliocladium catenulatum souche J1446) et le CONTANS WG (Coniothyrium minitans) contre le sclérotinia, et le TRIANUM (Trichoderma harzianum) contre la fusariose (essais ACPEL 2009-2018). Ces produits pourront être inclus rapidement dans les systèmes innovants. D’autres produits n’ont en revanche pas démontré d’intérêt et seront donc a priori exclus des essais. Les lâchers de macro-organismes seront également travaillés notamment sous abri pour la gestion des pucerons. La mise en place de plante relais sera utilisée afin de renforcer l’efficacité des lâchers de parasitoïdes des pucerons. Le complexe Gomphocarpus fruticosus/Aphis nerii/Aphidius colemani a fait ses preuves en tant que plante relais grâce à un élevage facilité et une plus longue durée d’efficacité par rapport à l’éleusine classiquement utilisée.

5 Les outils de prévision des risques

L’utilisation d’outils d’aide à la décision permet de prédire les risques et donc de supprimer des traitements préventifs inutiles dans les périodes non favorables et de positionner au mieux les traitements sur le bioagresseur ciblé. Ainsi, un modèle mildiou Milmel permet, à partir des données météorologiques, de simuler les différentes phases de développement de l’agent pathogène et de calculer aux différentes étapes de la culture un indice de risque. Un modèle existe également pour évaluer le risque de bactériose. Des pièges à phéromones peuvent aussi évaluer la pression en chenilles phytophages. La mise en place de quelques « plantes sentinelle », variété sensible à un bioagresseur, peut permettre d’avoir au sein même de la parcelle un outil de détection des périodes à risques.

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