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Maraîchage : quelle accessibilité pour les travailleurs handicapés ?

L’agriculture recherche de la main-d’œuvre. Les personnes atteintes de handicap peinent à trouver de l’emploi. Ce paradoxe n’est pas neuf. Et même si les maraîchers figurent parmi les corps de métiers les plus engagés dans l’insertion, l’emploi d’une personne handicapée peut encore « rebuter ».

Le constat est sans appel : chaque année, en France, près de 12 000 emplois ne sont pas pourvus dans la branche agricole. Pourtant, les offres sont loin d’être précaires : la moitié d’entre elles concerne des postes en CDI. Ces postes vacants représentent un frein pour les exploitations qui peinent ainsi à se développer. Une situation à laquelle les exploitations maraîchères n’échappent pas.

Face à ce constat, des structures agricoles apportent des solutions telles que les services de remplacement ou les groupements d’employeurs… Mais une alternative, moins explorée, existe : recruter un salarié en situation de handicap. « En 2021, le taux de chômage des personnes handicapées s’élevait à 14 %. D’un côté, il y a des postes à pourvoir et de l’autre des personnes qui cherchent un emploi stable. Des passerelles peuvent se créer », affirme Christophe Roth, président de l’Agefiph, organisme qui œuvre à développer l’emploi des personnes handicapées via son site internet. La structure, qui aide et accompagne les personnes en situation de handicap, invite donc les dirigeants d’exploitations à élargir leurs horizons lors des recrutements.

Développer des compétences adéquates

Face à cette possibilité, des a priori existent. Pourtant, moteur ou mental, visible ou invisible, et selon son degré, le handicap recouvre des situations variées qui ne demandent que rarement de lourdes adaptations pour l’exploitation. De fait, dans 80 % des cas, les personnes reconnues comme travailleurs en situation de handicap ne requièrent aucun aménagement de poste de travail. Il s’agit avant tout de développer les compétences adéquates. Les activités de maraîchage ne font pas exception. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les structures d’insertion qui se positionnent dans ce domaine.

C’est le cas des établissements et service d’aide par le travail (Esat). À Martin-Église (Seine-Maritime), par exemple, Les Ateliers d’Etran, ont développé une section maraîchage. Ainsi, du lundi au vendredi, trois à cinq travailleurs en situation de handicap (sur les 132 que compte la structure), accompagnés par un moniteur d’atelier, se rendent sur un terrain d’un peu plus d’un hectare, pour cultiver des légumes. « Aujourd’hui, nous vendons nos légumes à la cuisine centrale de l’Esat, à des Biocoop et aux particuliers », détaille Joël Lemarcis, directeur adjoint de l’APEI de Dieppe. Salariés, ces travailleurs sont plongés dans les conditions du réel. « Qu’il vente, qu’il neige ou qu’il pleuve, ils se rendent sur notre terrain de maraîchage. Ils plantent et récoltent à genoux. Ils ont très vite compris que c’est une activité très physique », assure Joël Lemarcis. Ainsi, productivité et qualité du travail sont de mise.

Des marges faibles pour les Esat

« L’objectif d’un établissement et service d’aide par le travail, c’est d’amener les personnes en situation de handicap à travailler dans le milieu ordinaire, témoigne le directeur adjoint de l’établissement. Nos travailleurs doivent être employables. » Cependant, pour les Esat, l’atelier maraîchage a ses limites. À Martin-Église, même si le but n’est pas de gagner de l’argent, mais de développer des compétences, la structure ne dégage aucun bénéfice sur les ventes de légumes. « Nous nous laissons entre deux et cinq ans pour tirer profit de notre activité », confie Joël Lemarcis.

C’est d’ailleurs ce qui a poussé une autre structure, située dans la moitié sud de la France, à vouloir stopper cette activité, malgré quatre hectares de plein champ et 5 000 m2 de serres. « Le maraîchage est une activité qui dégage des marges extrêmement faibles, ce qui peut poser problème pour l’équilibre financier de l’Esat », confie le chef d’établissement. Il pointe du doigt diverses difficultés de son établissement : un sol difficile, une compétence technique limitée, des relations sociales pas toujours faciles à gérer… Pour lui, mieux vaut ainsi envisager « la mise à disposition de personnels à des maraîchers voisins plutôt que de travailler en ateliers internes. »

Pas seulement des structures spécialisées

L’exploitation maraîchère, elle, n’aura pas ce type de difficultés. Si le travailleur handicapé ne peut réaliser que quelques opérations simples comme biner ou récolter, il libère du temps au chef de culture ou à l’exploitant pour des tâches techniquement plus complexes ou la gestion économique de la structure… « Et le travail sera parfaitement réalisé », insiste Joël Lemarcis. Atout supplémentaire, cette activité manuelle et de plein air attire les personnes en situation de handicap. « Elles se sentent utiles. Elles plantent pour nourrir les populations. Elles ont ainsi un rôle social et valorisé », explique Maryline Gougeon, neuropsychologue.

Maraîchage et handicap sont donc compatibles, et pas seulement dans le cadre de structures spécialisées. Damien Paillier, hémiplégique de la main droite depuis sa naissance, s’est installé il y a quatre ans sur sa propre exploitation, à Jouhet (Vienne). Sur un terrain de plus de 3 hectares, il dispose de 2 000 m2 de serres. Seul à la tête de son exploitation bio, l’homme réalise près de 27 000 plants par an pour 85 variétés de légumes. « Je n’ai que ma main gauche. Je suis peut-être plus long pour réaliser certaines tâches, mais mon travail est tout aussi bien fait qu’un autre maraîcher. J’ai juste trouvé des stratagèmes pour faire le métier que j’aime », témoigne Damien Paillier.

« D’un côté, il y a des postes à pourvoir et, de l’autre, des personnes qui cherchent un emploi stable » Christophe Roth, président de l’Agefiph.

Le matériel, un vecteur d’intégration

Aujourd’hui, trouver du matériel adapté est presque devenu un jeu d’enfant. De nombreuses entreprises, comme La Fabriculture ou Terrateck, conçoivent des outils sur mesure. Ainsi, une personne reconnue comme travailleur handicapé, qui ne peut pas porter de charges et doit éviter les mouvements de bras au-dessus de l’horizontale, utilisera une brouette électrique et un chariot à hauteur constante. Le point noir reste évidemment le prix. Du côté de chez Terrateck, une brouette électrique, en kit simple et d’un mètre de largeur, vaut 2 000 euros.

Quant au chariot à hauteur constante, il faut compter 1 500 euros chez Manutan. Adapter un poste peut donc vite devenir coûteux. Cependant, des aides existent. En effet, entre autres, l’Agefiph, a mis en place une « aide technique en compensation du handicap ». Elle est accordée pour financer les moyens techniques qui favorisent l’autonomie professionnelle du travailleur handicapé. Il peut s’agir d’instruments, d’équipements ou systèmes techniques adaptés. C’est à la personne handicapée d’en faire la demande à sa délégation régionale Agefiph. Son montant maximum est de 5 250 €. Mais d’autres financements existent : ils sont à retrouver sur www.monparcourshandicap.gouv.fr.

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