Maraîchage périurbain : cinq thématiques d'expérimentation
Très diversifiés, les essais présentés à l’antenne CTIFL de Brindas sont à l’image du maraîchage périurbain avec des enjeux de production spécifiques à ce type d’exploitation. [Article de Marie-Cécile Seigle-Buyat]
Très diversifiés, les essais présentés à l’antenne CTIFL de Brindas sont à l’image du maraîchage périurbain avec des enjeux de production spécifiques à ce type d’exploitation. [Article de Marie-Cécile Seigle-Buyat]
Début juillet, l’antenne CTIFL de Brindas (Rhône) a organisé les visites d’essais. Une occasion de revenir sur certains conduits de longue date avec des résultats actualisés, mais également sur des nouveaux, notamment en framboise. Adaptation aux changements climatiques, développement d’un maraîchage durable sur le plan technique et de lutte contre les maladies bactériennes, les ravageurs… sont autant de thématiques qui sont abordées sur le site expérimental rhodanien.
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Comment obtenir les bénéfices d’un abri chauffé
Lancé en 2023, l’essai Esprit vise à trouver les leviers pour « moderniser les abris froids pour répondre à la demande de massification de la production de légumes de manière durable en zone périurbaine en s’affranchissant des conditions climatiques ». En clair, faire évoluer les systèmes de production sous abris froids pour allonger le calendrier de cultures sans avoir à chauffer le tunnel. Les essais sont conduits sur tomates dans deux abris froids différents : une multichapelle simple paroi et une multichapelle double paroi et plastique diffusant équipée de ThermiTubes [des hydro-accumulateurs de chaleur].
Sur tomate Cindel non greffée, cultivée en sol de manière conventionnelle avec un palissage classique sur ficelle verticale et irriguée au goutte à goutte, plusieurs paramètres ont été mesurés. Les techniciens du CTIFL ont notamment relevé la précocité, la charge en fruits et le rendement, la croissance et le diamètre des tiges, la qualité des fruits et bien évidemment la température de l’air et du sol, l’hygrométrie et le rayonnement solaire. Les résultats sont en cours d’examen.
La phagothérapie pour lutter contre les bactéries
Offrir une solution innovante et durable aux maladies bactériennes des plantes, tel est l’objectif de l’essai PHAG-2 S lancé en 2023. Le CTIFL a ainsi mis en place, en partenariat avec notamment l’université Claude Bernard à Lyon, une étude scientifique et sociétale de la phagothérapie ou l’utilisation des phages, virus spécifiques des bactéries, pour lutter contre les bactéries phytopathogènes. Elle est conduite sur culture de laitue en plein champ à Brindas et sur noyer en Dordogne. Si cette solution de biocontrôle présente de nombreux avantages (naturels et non-toxiques pour les cellules eucaryotes, faciles et peu coûteux à préparer, utilisables à différentes étapes de la production agricoles), les phages n’en demeurent pas moins photosensibles.
« L’un des enjeux pour le développement de cette solution sera bien de lutter contre cette faiblesse », explique Émilie Leray, la responsable de l’unité rhodanienne. S’il est encore trop tôt pour dresser un premier bilan, des enjeux se profilent d’ores et déjà : celui de la production de phages à grande échelle et adaptable à l’ensemble des territoires et l’enjeu réglementaire. « L’utilisation des phages n’est pour le moment pas autorisée en France en culture légumière », souligne la responsable. La phagothérapie est toutefois utilisée en culture de tomates, poivrons, pommes de terre et pomme en dehors de l’Union européenne.
Attention au coup de soleil du poivron
Les changements climatiques entraînent des évolutions de paradigmes dans les cultures de légumes. Le poivron, jusqu’alors cultivé sous abri dans l’est de la France, pourrait, en théorie, trouver sa place en plein champ aujourd’hui. Pour autant, d’autres difficultés se présentent comme sa sensibilité aux phénomènes de brûlure. Ces derniers impactent la qualité du poivron (décoloration et détérioration anticipée) le rendant non commercialisables. Les coups de soleil impactent également les rendements. Alors, pour tenter de contrer ces phénomènes, le CTIFL a mis en place en 2023, dans le cadre du projet Adict, un système d’associations culturales (melons et haricots) afin d’assurer un ombrage aux poivrons.
La solution n’a pas été concluante, le rendement de poivron étant plus faible quand il est associé à une culture secondaire. Le centre d’expérimentation a donc, pour la saison 2024, changé son fusil d’épaule. « Cette année, nous avons essayé, sur Alby et Maestral, deux modalités de densité sur la ligne de plantation (50 et 30 cm) et des palissages horizontal ou vertical afin de créer de l’ombre sans autre culture », explique Émilie Leray. Les résultats seront présentés en janvier prochain.
Le maraîchage sur petite surface à la loupe
Le maraîchage sur petite surface est de plus en plus prisé par les nouveaux installés désireux de limiter au minimum leurs investissements de départ. Face à ce phénomène, la Serail reprise par le CTIFL a lancé en 2019, le projet MIPS (maraîchage intensif sur petites surfaces) pour cinq ans sur une production diversifiée implantée sur une surface équivalente à 7 000 m2. Objectifs : obtenir des données technico-économiques et améliorer les techniques et la productivité sur ce système. Pour la saison 2023 (mai 2023 - avril 2024), le système « petite surface » dégage un revenu disponible qui s’élève à 20 882 euros. Les temps de travaux totaux sur l’année se sont élevés à 4 183 heures, soit en moyenne 83 heures par semaine. L’emploi d’un ETP sur l’année est alors nécessaire. Tous les résultats de l’étude sont à découvrir sur www.mips-aura.fr
Protéger les framboises contre les ravageurs
Inédit pour la station d’expérimentation de Brindas historiquement focalisée sur les légumes, un essai lancé cette année, pour trois ans, concerne un fruit : la framboise. Ainsi, le projet Confiture vise à étudier les leviers de lutte contre les ravageurs du framboisier. Ainsi, plusieurs paramètres sont observés sur les cultures de framboisiers longues cannes de variétés Tulameen et Lagoraï : le climat, le développement de la plante, la ferti-irrigation, l’état sanitaire et les caractéristiques de rendement. Des essais seront reconduits l’an prochain, la pression des ravageurs ayant été trop peu importante cette saison pour que l’application de produits de biocontrôle soit pertinente à conduire.