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Légumes : le piégeage connecté émerge

Apparus il y a à peine plus de trois ans, les pièges connectés commencent peu à peu à se diffuser. Leur potentiel pour une surveillance plus fine des ravageurs est très intéressant, mais leur fiabilité doit être améliorée.

Un suivi en temps réel de populations d’insectes volants sans se déplacer dans les parcelles. C’est la promesse que font les pièges connectés, des outils qui commencent à se développer depuis quelques années. L’intérêt : être très réactif dans la prise de décision en cas de présence trop importante du ravageur ou en fonction des dynamiques de populations. Un atout certain lors des périodes de surcharge de travail sur les exploitations, pendant lesquelles le suivi du piégeage n’est pas forcément la priorité. Une autre potentialité de ce type de matériel est de les intégrer dans les réseaux de piégeage de la surveillance biologique du territoire, à l’origine des Bulletins de santé du végétal (BSV). Cela pourrait améliorer le suivi des parcelles par une augmentation de la fréquence des observations. Les pièges connectés commercialisés fonctionnent globalement sur le même principe : les insectes mâles de l’espèce visée sont attirés dans le piège par une phéromone sélective. Les ravageurs piégés sont dénombrés par un système de comptage à l’entrée du piège et/ou par un capteur optique combiné à un logiciel d’analyse d’image. Les données sont ensuite transférées, par ondes radio longue distance ou par le réseau GSM (réseau mobile), à une interface numérique et consultables sur smartphone ou ordinateur. A défaut, les données restent à l’état d’images et doivent être interprétées. En cas de dépassement d’une valeur d’insectes piégés préalablement définie, signe d’une forte présence du ravageur, une alerte est généralement envoyée par SMS ou e-mail à l’utilisateur.

Des données à pas de temps rapproché

Le piège Vision de Cap2020 est testé depuis 2018 dans les réseaux Dephy Ferme de Lot-et-Garonne et de Vendée pour la détection de Tuta absoluta en serre de tomate. Dans l’exploitation de la station de sélection HM Clause de Roumagne (Lot-et-Garonne), le piège a été installé devant l’entrée de la serre. En 2018, il a permis de bien identifier la dynamique de vol des Tuta, malgré des différences entre les comptages automatiques et manuels. L’algorithme a ensuite été amélioré mais il y a eu trop peu de données exploitables en 2019, notamment à cause de toiles d’araignées devant la caméra qui ont caché des parties de la plaque engluée. « L’avantage du piégeage connecté est qu’on a des données en temps réel, à pas de temps rapproché, résume Olivier Calvinho, responsable de la station HM Clause. A terme, il y a un gain de temps potentiel grâce au fait de ne pas avoir à se déplacer. L’intérêt est sans doute moindre sous abris car on est obligé de faire des passages très réguliers dans tous les cas. L’avantage potentiel est peut-être plus important pour les plus grandes surfaces. Mais il y a des améliorations technologiques à apporter pour améliorer la fiabilité. »

Des essais sur thrips du poireau, mouche de la carotte, héliothis…

Le Sileban, station d’expérimentation légumière en Normandie, teste le piège e-gleek d’Advansee depuis 2017. Deux ravageurs majeurs des cultures régionales ont été choisis comme cibles d’action : la mouche de la carotte et le thrips du poireau. Au cours de ces premiers essais, l’utilisation du piège connecté s’est montrée intéressante pour la surveillance du thrips sur poireau. Globalement, la dynamique de vol des thrips est bien représentée. Pour la mouche de la carotte, les résultats sont plus contrastés, le comptage automatique étant rendu très difficile par le piégeage de nombreux insectes de dimensions équivalentes.
Dans la filière légumes industrie, l’Unilet teste, parmi plusieurs pièges connectés, le piège Trapview dans le cadre d’un programme d’expérimentation avec FMC, sur cultures de haricots, pois et épinards. Ce piège, le premier à être apparu sur le marché, propose des photos de bonne qualité. « Cependant, l’algorithme de reconnaissance et de dénombrement testé sur héliothis et pyrales ne s’est pas montré efficace pour le moment après deux ans d’essais, dont une première année de prise en main caractérisée par des vols de ravageurs faibles à modérés », indique Olivier Favaron, ingénieur régional Sud-ouest d’Unilet. Ce piège s’est par ailleurs montré fragile et technique à utiliser. Copeeks, une start-up bretonne, propose également un piège connecté, de type entonnoir avec prise de photos du fond du bol, sans dénombrement automatique. Egalement testé par l’Unilet, ce piège s’est montré facile d’utilisation et a évité de se déplacer en l’absence de vols de ravageurs. Cependant, lors d’un vol important, la qualité de la photo ne permet pas pour le moment de dénombrer les ravageurs présents au fond du piège.

Trois modèles de pièges connectés

E-Gleek – Advansee. Le piège e-gleek permet de suivre plusieurs genres d’insectes, parmi lesquels les thrips, cicadelles ou tordeuses. Les insectes sont classés par taille. Les résultats des comptages sont envoyés vers un serveur distant. Une alerte est envoyée lorsque la feuille gluante doit être changée. Une première version permet d’observer les images prises et utilise le réseau 3G pour les communications. L’autre version ne gère que les alarmes et s’appuie sur un réseau de communication longue distance bas débit. Advansee annonce une autonomie supérieure à un an en fonctionnement continu.

Trapview - Efos. Les pièges Trapview, développés par la société slovène Efos, sont les premiers pièges connectés à avoir été commercialisés, dès 2016. Différentes formes de pièges sont proposées et plusieurs espèces de ravageurs sont ciblées, parmi lesquels Autographa gamma, Tuta absoluta, Helicoverpa armigera et Drosophila suzukii. Les photos prises par les pièges sont traitées et stockées sur le Cloud. Les ravageurs reconnus sont automatiquement marqués. L’utilisateur a accès à une application avec des outils d’analyse pour faciliter la surveillance. Chaque piège du réseau est géolocalisé.

CapTrap – Cap2020. La société Cap2020 développe la gamme de pièges connectés CapTrap, adaptables sur différents types de pièges déjà existants : piège nasse, piège entonnoir, piège vision delta et piège à ailettes à entrées latérales. Parmi eux, le piège Vision prend des photos quotidiennement, les traite grâce au logiciel embarqué et transmet les comptages via un réseau sans fil bas débit. Il est alimenté par un boîtier constitué d’un panneau solaire, d’une batterie et d’un régulateur. L’algorithme de détection et de comptage est amélioré au fur et à mesure des données accumulées sur le terrain.

Avis d’ingénieur

Maxime Chabalier, conseiller maraîchage à la Chambre d’agriculture de Vendée

« Etre réactif au bon moment »

« Dans le cadre du réseau Dephy Ferme de Vendée, le piège connecté Cap Vision de la société Cap2020 a été déployé chez un producteur de tomate en agriculture biologique pour suivre les piégeages de Tuta absoluta. La deuxième année de déploiement du piège a permis de valider le nouvel algorithme de comptage automatique, optimisé en 2018. Nous avons pu suivre l’évolution des émergences et observer les pics de vol de Tuta. Ce type de courbe offre un suivi au maillage temporel plus fin qu’avec un comptage manuel. Cette année, la première Tuta a ainsi été piégée le 20 avril et le premier pic de vol important est intervenu fin juin. La définition de règle de décision (seuil d’intervention et avec quelle solution) couplée au piégeage permet de savoir quoi faire et d’être réactif au bon moment, stoppant ainsi la multiplication du ravageur avec un minimum d’intervention. L’utilisation de l’interface web a été très appréciée et l’accès à l’image grâce au transfert des données en réseau GSM a permis de faire le suivi des comptages sans avoir à se déplacer. Les données ont donc été plus régulières et ont enrichi le réseau de Surveillance biologique du territoire. La possibilité de recevoir un texto ou des alertes sur les téléphones est également un point intéressant du dispositif. Le fait qu’il fonctionne par panneau solaire même sous abris blanchis était également un plus, le rendant autonome et nomade. La seule intervention étant d’opérer le renouvellement des phéromones quand celles-ci arrivent à expiration environ toutes les quatre semaines et de changer la plaque quand celle-ci est trop pleine. Certains problèmes ont cependant été rencontrés : refuge de grenouille, toiles d’araignées devant la caméra… Les pièges connectés permettent d’adapter le choix des stratégies à la situation, une fois que les seuils d’intervention sont définis. Mais cette technologie est encore à améliorer afin de pouvoir travailler sur de multiples ravageurs et d’aller jusqu’à l’identification. »

Faciliter le travail d’épidémio-surveillance

La filière des légumes industrie, via l’Unilet, teste depuis 2018 quatre modèles de pièges connectés, en ciblant les principaux ravageurs aériens des haricots, des pois et des épinards : noctuelles, héliothis et tordeuse du pois. Il ressort de ces deux premières années que l’utilisation de pièges connectés pour un suivi à la parcelle semble limitée, étant donné qu’un agriculteur ou un technicien est généralement présent une à deux fois par semaine dans le champ pour observer la culture et piloter les interventions. En effet, la phase d’observation au champ reste essentielle pour évaluer la pression de ravageurs et piloter au plus juste les moyens de gestion. « Par exemple, dans le cas de l’héliothis sur haricot, l’efficacité des solutions de biocontrôle est optimale sur des stades bien précis : les œufs et les très jeunes chenilles, indique Olivier Favaron, ingénieur régional Sud-ouest d’Unilet. D’autre part, le prix actuel des solutions de piégeage connectées constitue un frein. Ces outils peuvent néanmoins présenter un intérêt en cas de vol massif et soudain ». En revanche, pour l’ingénieur, les pièges connectés peuvent, dans le cas d’un réseau coordonné, faciliter le travail d’épidémio-surveillance. Ils pourraient proposer aux agriculteurs et techniciens un suivi « en temps réel », avec un accès simple aux résultats des différents pièges sur un territoire donné. Seul bémol, il faut passer par l’analyse d’image pour la plupart des pièges afin d’apporter une analyse de risque fiable. « Il est évident que ce type d’outils est appelé à se développer, poursuit Olivier Favaron. Reste à améliorer la qualité des photos, l’analyse des images, la transmission des données (données plus importantes à transmettre si on améliore la qualité des images). »

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