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Drôme : un pionnier de la culture de patate douce bio

L’Earl Mont-Bio à Montmeyran, dans la Drôme, s’est lancée en 2014 dans la culture de la patate douce bio. Une diversification réussie sur 20 ha qui nécessite toutefois des investissements en main-d’œuvre. Elle s’est tournée vers les grossistes pour écouler ses volumes.

Bruno Jurrus est un des pionniers de la culture de la patate douce bio en région Auvergne Rhône-Alpes, avec des gros volumes de production (600 t en 2021). Cet autodidacte de 57 ans, installé depuis 2014 à Montmeyran dans la Drôme, dirige l’exploitation Mont-Bio de 40 ha dont 20 ha de patate douce biologique. Il a démarré cette culture sur les conseils et les recommandations d’un grossiste : « Je n’avais aucune connaissance au départ sur cette culture, sur ce légume d’origine tropical. Il n’y avait quasiment pas d’information sur la façon de travailler le sol, de planter, de ramasser ce légume. J’ai dû faire des recherches, innover, multiplier les essais variétaux pour savoir quelle variété choisir. A l’époque, je devais me diversifier, et il y avait une forte demande en patate douce biologique sur le marché local et national. J’ai tout appris sur le terrain et dans les échanges avec quelques petits producteurs », explique-t-il.

Sans expérience, sans formation spécifique, Bruno Jurrus est confronté aux premières difficultés culturales. Il multiplie alors les essais en plein champ et commence ses premières plantations de patate douce biologique en 2014 avec une parcelle d’un hectare, puis de 3 ha l’année suivante et 5 ha en 2016. Il monte ainsi en puissance pour atteindre 20 ha de culture de patate douce tout en poursuivant les essais en plein champ dans son exploitation. Le maraîcher entreprenant cultive en plus sur 20 ha des légumes biologiques tels que la courge (butternut), l’asperge blanche, la pastèque en plein champ et la fraise bio sous serres.

Privilégier l’approche manuelle plus flexible

« J’avais conscience que j’avais un fort potentiel de développement. Toute mon idée était de me différencier et de produire de gros volumes avec des variétés à chair orange, plus sucrée, plus douce. L’aspect esthétique était capital. J’ai toujours recherché une belle forme, un goût prononcé et un rendement élevé », mentionne-t-il. Après de multiples essais, il choisit deux variétés : Orléans et Beauregard. Dans son processus de production, il réduit au maximum la mécanisation. La plantation à la main se déroule d’avril à mai et le ramassage manuel d’août à septembre. La patate douce a une chair délicate. Sa peau reste très fragile.

Selon le professionnel, il n’existe pas de machine adaptée sur le marché pour le ramassage. C’est pourquoi il évite la mécanisation qui donne des légumes moches et endommagés. « Comme de nombreuses opérations sont manuelles, plantation, désherbage, ramassage, je dois faire appel à une main-d’œuvre à temps plein. » Bruno Jurrus emploie 20 à 30 saisonniers à temps plein de mars à novembre, dont une équipe de six personnes pour le désherbage à la main de juin à juillet et une vingtaine de personnes à la plantation et au ramassage. Pour rationaliser les coûts de main-d’œuvre, il emploie ses saisonniers sur d’autres cultures maraîchères comme le ramassage des asperges.

Des investissements dans une calibreuse et une arracheuse

L’exploitation Earl Mont-Bio a investi 100 000 euros dans une arracheuse souleveuse et une calibreuse. Elle stocke ses produits pendant quatre à cinq mois dans plusieurs frigos en location, ce qui permet de mieux écouler la production dans le temps. L’Earl Mont-Bio souhaite ralentir ses investissements au vu du marché plus concurrentiel. « La production bio est plus importante en France depuis 2019. Elle devient concurrencée », souligne Bruno Jurrus. Ce dernier reconnaît des contraintes technico-économiques importantes : « Il est nécessaire d’avoir une importante trésorerie en début de saison pour l’achat des plants et d’autres matériaux assez onéreux, du plastique biodégradable et du système de goutte-à-goutte. Il y a peu de mécanisation. J’ai choisi de planter à la main car j’ai plus de souplesse par rapport à la météo. Le nombre d’heures est également important pour le désherbage à la main en AB. Il faut prévoir un budget spécifique pour la main-d’œuvre. L’arrachage se fait à la main. Le rendement est aléatoire comme en culture conventionnelle ».

L’Earl Mont-Bio commercialise ses produits auprès des grossistes, des centrales d’achat, des chaînes de magasins en France. La vente au détail dans l’exploitation reste faible, environ 1 % du volume. « 80 % de nos volumes sont destinés aux grossistes du Sud-est et de l’Est de la France. Le prix de vente n’est pas fixe. Il est très variable selon les semaines. En début de saison, le produit en bio se négocie à 1,90 €/kg aux grossistes. Il y a un problème de concentration de l’offre sur deux mois, ce qui a un impact sur les prix qui parfois sont à la baisse. Il est nécessaire d’étaler les ventes sur plusieurs mois pour être moins tributaire de cette baisse des prix », conclut Bruno Jurrus.

« La production bio en patate douce devient plus importante en France » Bruno Jurrus, Earl Mont-Bio

80 % du chiffre avec la patate douce bio

 
Les principaux clients de Bruno Jurrus sont les grossistes et les centrales de magasins bio. © P.L.B.

La patate douce biologique est destinée principalement aux grossistes, aux quatre centrales d’achat en France dont les principales sont Biocoop et la Vie Claire. L’Earl Mont-Bio écoule aussi sa production sur des gros marchés d’intérêts nationaux comme Rungis et dans le grand Sud-est de la France. Elle fait peu de vente au détail. La société tire le plus gros de son activité de cette culture, soit 80 % du chiffre d’affaires. Le premier critère des grossistes à l’achat reste l’aspect esthétique, le bon visuel et la qualité de la chair.

Vendues aux grossistes en début de saison en septembre à 1,90 €/kg, les patates douces biologiques voient leur prix baisser sensiblement en octobre-novembre à 1,50 €/kg. « Les prix chutent sur le marché en octobre et novembre au moment où les volumes sont les plus importants. L’approvisionnement du marché national a fortement progressé depuis 2019. Il risque d’y avoir une conséquence directe sur les prix dans les prochaines années », explique Bruno Jurrus. Les consommateurs français privilégient certaines variétés plus sucrées et gustatives. Les variétés à chair orangée sont ainsi très à la mode dans les magasins spécialisés bio du Sud-est et de l’Est de la France.

 

Difficile de lutter contre le taupin

 
Les attaques de taupins peuvent condamner une parcelle. © Mont-Bio
En bio, la lutte contre les ravageurs est une difficulté. Chaque année, Bruno Jurrus doit condamner des parcelles à cause d’attaques de taupins. « Le taupin est un problème récurrent dans ce type de culture. Ils perforent les patates douces bio et les rendent impropres à la vente. Ce sont des pertes sèches », précise le producteur. Il teste plusieurs méthodes de lutte biologique, sans obtenir de résultats probants. « Je n’ai pas trouvé de traitement efficace en bio contre les taupins », reconnaît-il. Les sangliers causent  aussi beaucoup de dégâts dans les cultures. L'agriculteur devient plus vigilant face à ce problème, au vu de son augmentation dans la vallée du Rhône. Pour l’instant, l’essentiel est d’être présent, d’observer les cultures afin d’anticiper les problèmes. Dans son itinéraire cultural, il privilégie la culture sur buttes et la pose de plastique, et un système d’irrigation de goutte-à-goutte. Les postes les plus onéreux sont l’achat de plants, de films plastiques et le système d’irrigation. Il réalise un rendement de 25 t/ha.

 

Parcours

1993-2012 : salarié dans une exploitation agricole.

2012 : création de l’Earl Mont-bio à Montmeyran

2014 : premières plantations de patates douces bio sur 1 ha

2016 : 5 ha de patates douces

2017 : achat d’une arracheuse-souleveuse

2021 : achat d’une calibreuse

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