Tomate : la crise de l'énergie bouscule les pratiques de production dans le nord de l'Europe
L’augmentation du coût de l’énergie devrait considérablement modifier le paysage de la production de tomate sous abri avec un très fort décalage des plantations et des modes de conduite dans les pays du nord de l’Europe.
L’augmentation du coût de l’énergie devrait considérablement modifier le paysage de la production de tomate sous abri avec un très fort décalage des plantations et des modes de conduite dans les pays du nord de l’Europe.
L’augmentation du coût de l’énergie a des impacts variables selon les pays. Dans les pays du Nord (Pays-Bas, Belgique, France, Allemagne, Autriche, Suisse, Royaume-Uni, Finlande…), où la production de tomate se fait principalement sous serre chauffée, l’impact est très important.
Ne pas engager trop de frais
Au Benelux, la production de tomate était jusqu’ici surtout orientée sur des récoltes en hiver et début de printemps, avec des serres chauffées par cogénération et en grande partie éclairées, des plantations en septembre-octobre pour une arrivée en production en décembre et un marché essentiellement axé sur l’exportation, en concurrence avec le Maroc, avec des prix de vente limités. L’augmentation du coût de l’énergie devrait donc y avoir de fortes conséquences. Alors que les serristes bénéficiaient jusqu’ici de tarifs bien plus avantageux qu’en France sur l’achat du gaz et la vente d’électricité, avec un fonctionnement possible des cogénérations toute l’année, la flambée du prix du gaz dès fin 2021 puis l’annonce le 2 septembre 2022 par Gazprom de l’arrêt total des livraisons de gaz russe à l’Europe par le gazoduc NordStream incitent beaucoup à arrêter la production d’hiver.
« Pour qu’une serre chauffée en cogénération en hiver et éclairée soit rentable en Belgique, il faut que le gaz s’achète au maximum 50 €/MWh, alors qu’actuellement le prix est de 170 €/MWh, indiquait fin septembre Maarten Verhaegen, responsable de la division légumes au sein de BelOrta, qui réunit 90 producteurs produisant 150 000 tonnes de tomate par an. « Seules 30 % des surfaces qui étaient éclairées jusqu’ici au sein de BelOrta le seront cet hiver, avec une baisse de production surtout sur les semaines 50 à 7. Des producteurs vont décaler leurs plantations et moins éclairer et arriveront en production mi-mars », estime le responsable.
Et la crise économique pourrait aussi avoir des conséquences pour les serres habituellement plantées en mars et non éclairées. « Les volumes de tomates rondes et de grappe devraient être inchangés, mais il y aura environ 10 % de volumes en moins sur les tomates cerises et variétés anciennes, qui demandent plus de main-d’œuvre, estime Maarten Verhaegen. Face à la concurrence du Maroc et de l’Espagne où le coût de la main-d’œuvre est beaucoup moins élevé, les producteurs belges ne veulent pas engager trop de frais de main-d’œuvre. »
Forte baisse des surfaces éclairées
L’impact devrait être encore plus fort aux Pays-Bas du fait des surfaces de serres dans le pays, de l’importance de l’éclairage, qui équipe plus de la moitié des serres, et de l’importance des surfaces de serre par exploitation qui dépassent 10 ha et peuvent atteindre 50 ha, voire plus. En 2021-2022, les surfaces éclairées avaient déjà diminué et l’éclairage avait été réduit chez les serristes continuant à éclairer. Et en 2022-2023, la baisse devrait être encore plus importante. « Au sein de The Greenery, les surfaces éclairées cet hiver devraient être divisées par 5 ou 10, voire réduites à zéro, prévoit Guilhem Flammen, directeur commercial France de Hoogsteder BV/The Greenery. Au lieu d’arracher en octobre, les producteurs cette année vont sans doute prolonger les cultures jusqu’à ce qu’il fasse trop froid. Mais ils ne produiront pas cet hiver. Pour que les serres chauffées et éclairées restent rentables aux Pays-Bas, il faudrait que le prix de la tomate soit au moins multiplié par deux. Nos clients ne veulent pas s’engager sur de tels prix. »
La baisse des surfaces éclairées entraînant un décalage des plantations devrait créer un afflux de production en mai-juin. Les surfaces chauffées précoces devraient aussi diminuer en Allemagne, encore beaucoup plus dépendante du gaz russe que la France, où les origines du gaz sont plus diversifiées. Les producteurs y réfléchissent à d’autres sources d’énergie comme le bois, la méthanisation, voire le charbon. Le chauffage des serres devrait aussi diminuer au Royaume-Uni, en Suisse, même si le marché y est protégé, en Finlande…
La tomate retrouve le Sud
La baisse de la production dans les pays du nord devrait par contre entraîner un développement des surfaces dans les pays du sud qui peuvent produire de la tomate en hiver sans chauffage (Espagne, Maroc, Tunisie…), même si la flambée des prix de l’énergie devrait fortement augmenter leurs coûts de transport. Fin août, la COAG Almería estimait que la surface en tomate dans la région pourrait augmenter de 1 000 hectares en 2022-2023 pour atteindre 9 500 hectares. Alors que les surfaces en tomate avaient diminué ces dernières années, les prix de la saison dernière et la baisse attendue de la concurrence des produits d’Europe centrale incitent les producteurs à se tourner à nouveau vers la tomate.