Carotte : pour désherber sur le rang, quelles sont les alternatives au désherbage chimique ?
Alors que des solutions efficaces et éprouvées existent pour le désherbage interrang en carotte, les difficultés se concentrent dorénavant sur la ligne de semis. Devant l’impasse que représente désormais la lutte chimique, d’autres perspectives doivent être envisagées.
Alors que des solutions efficaces et éprouvées existent pour le désherbage interrang en carotte, les difficultés se concentrent dorénavant sur la ligne de semis. Devant l’impasse que représente désormais la lutte chimique, d’autres perspectives doivent être envisagées.
La gestion de l’enherbement est primordiale pour la culture de carotte, lente à s’installer et rapidement étouffée par les adventices dont le développement est plus rapide. La prophylaxie et la mise en œuvre rigoureuse des méthodes alternatives sont capitales pour limiter au maximum les interventions manuelles, très coûteuses, ainsi que les interventions chimiques, de moins en moins disponibles (voir encadré). Quelle que soit la stratégie, maintenir la parcelle et ses abords propres tout au long de la rotation est nécessaire pour limiter le stock grainier. « Aujourd’hui, on se retrouve dans une impasse au niveau des produits phytosanitaires et notre seule alternative pour les adventices sur la ligne de semis est le désherbage manuel, qui n’est ni bon pour les coûts de production ni pour la main-d’œuvre qui se retrouve à faire un travail pénible », analyse Corentin Chateau, référent carotte chez Invenio.
Des solutions éprouvées pour l’interrang
Au cours de projets tels que Zherbi (2019-2021), la station d’expérimentation Invenio a mis à l’épreuve ces dernières années divers leviers pour lutter contre les adventices en culture de carottes plein champ (voir encadré). Parmi ces leviers, « l’occultation des planches en carotte primeur avec des plastiques alternant laizes transparentes et laizes noires de type ProTechBio® permet une bonne gestion des adventices sur les flancs et les interrangs », selon Corentin Chateau. Ce type de plastique permet également de gagner légèrement en précocité, mais son coût reste un frein. Avec l’augmentation du prix des matières premières, il faut compter entre 3 et 6 fois le prix d’un plastique conventionnel. D’autres leviers de désherbage mécanique comme les outils de binage ont également été testés. Sur l’interrang, ces derniers donnent de très bons résultats avec des efficacités proches de 100 % pour la bineuse Garford, sans impact sur la culture.
Le binage est désormais incontournable, y compris en association avec les stratégies de désherbage chimique. La herse étrille confirme également son intérêt pour réaliser des faux semis qui permettent de vider le stock d’inoculum d’adventices et ainsi maîtriser l’enherbement jusqu’au premier binage, à partir du stade 2F. La méthode de désinfection solaire du sol (solarisation) est efficace mais assez peu utilisé car la parcelle doit bénéficier d’un fort ensoleillement, et cette technique est privilégiée sur des petites surfaces. La désinfection vapeur est interdite depuis le 1er janvier 2022 en plein champ, bien qu’il subsiste un flou juridique pour l’utilisation sous abris. « Elle est de toute manière vouée à disparaître car elle demande beaucoup d’eau et est très énergivore, à rebours des considérations environnementales actuelles », reconnaît Corentin Chateau. Une fois la culture en place, les méthodes d’écimage peuvent également représenter un intérêt pour éviter de remplir à nouveau le stock d’inoculum.
Les difficultés se concentrent sur la ligne de semis
Cependant, sur le rang, l’efficacité des outils testés comme les bineuses Colibri (Oliver) ou Abrah (Dulks) ne se révèle pas aussi satisfaisante. « Le rang est une zone très compliquée à travailler et concentre désormais les efforts de la recherche. Il est indispensable de trouver une technologie alliant performance de désherbage sur cette zone à des stades jeunes de la carotte, qui n’a pas d’impact sur la culture et qui limite le travail du sol », ajoute le spécialiste. Des recherches approfondies sur diverses options et outils de désherbage sont explorées. Des premiers essais de désherbage laser (module Lumina® en cours de développement par la société Weedbot) ont été menés dans des parcelles de carottes biologiques et ont permis de valider la sensibilité et le bon fonctionnement des algorithmes de reconnaissance de la culture. En revanche, l’efficacité de cette méthode de désherbage doit être améliorée, notamment en augmentant la précision des faisceaux laser. De plus, un travail d’optimisation de la combinaison des composantes de vitesse de travail, de temps d’exposition des adventices et de la sensibilité de l’algorithme de reconnaissances doit être mené pour atteindre une efficacité pleinement satisfaisante de ces outils de désherbage laser.
Le futur est aux nouvelles technologies
Désherber sur la ligne de semis demande une grande sélectivité, et la technologie laser, bien que plus avancée que d’autres solutions technologiques (voir encadré), n’est pas encore pleinement mobilisable et nécessite de continuer son développement. « S’orienter vers les nouvelles technologies d’ultraprécision, travaillant au millimètre en prélevée jusqu’au stade deux ou trois feuilles et performant en reconnaissance, est désormais la ligne directrice pour le désherbage sur le rang », explique Corentin Chateau. « Il y a aussi un travail à faire sur la définition d’un cahier des charges au niveau de la filière (Pôle carotte d’Invenio, Carottes de France, Sileban) pour définir exactement les exigences en termes de désherbage sur le rang et donc pour que les industriels puissent fournir quelque chose qui réponde aux besoins de la filière. » L’avenir est donc dans les nouvelles technologies, qui offrent « une multitude de possibilités », d’où l’intérêt « d’établir et se référer à un cahier des charges pour évaluer leur intérêt », confirme le référent carotte d’Invenio.
« Le rang est une zone très compliquée à travailler et concentre désormais les efforts de la recherche »,
Corentin Chateau, Invenio
Trois solutions de désherbage en développement
Le « spot-spraying » consiste en une pulvérisation de désherbant localisée sur l’adventice, repérée en amont par un drone qui cartographie la parcelle. Cette technique est intéressante pour réduire les volumes de produit appliqué, mais avec la tendance à la diminution de molécules disponibles, elle ne représente pas pour l’instant une option pérenne sans évolution de la réglementation.
Le désherbage électrique de type Zasso n’est pas sélectif du tout, à la différence de la technologie laser, et n’est donc pas adapté en l’état au désherbage en post-levée. Des adaptations peuvent être développées pour affiner la précision de cette technologie, qui existe déjà pour contrôler certains couverts végétaux.
Le désherbage avec technologie micro-onde fonctionne de la même manière que le désherbage électrique (en chauffant l’adventice grâce à la technologie des micro-ondes) mais n’est pas assez sélectif pour être employé ni entre les lignes de semis, ni sur l’interrang. Des recherches d’adaptations sont en cours pour affiner sa précision.
Une offre de plus en plus restreinte
L’éventail des solutions de désherbage chimique se resserre. Au 31 juillet de cette année, le métribuzine (Sencoral) voit expirer sa date d’aprobation avec proposition de non-réhomologation, et les molécules prosulfocarbe (Defi) et pendiméthaline (Baroud, Prowl) font face elles aussi à un risque de restriction lors de leurs dates de réévaluation respectives, en octobre 2023 et novembre 2024. L’acide pélargonique est toujours disponible comme solution de biocontrôle, avec un coût élevé, et la fenêtre d’application est très restreinte. Son efficacité reste conditionnée par la météo, et nécessite un temps chaud et sec. Pour le moment, aucune molécule alternative n’est à l’étude chez les fabricants de produits phytosanitaires.
Des nouvelles du projet AlterCarot en Nouvelle-Aquitaine
Entre 2019 et 2022, une des parcelles du projet AlterCarot a vu se succéder les cultures représentatives du bassin aquitain : double culture de carottes, maïs semence et double culture de haricots verts. Sur ce pas de temps, l’IFT global du système de culture (SdC), hors biocontrôle, a été diminué de 40 % par rapport à l’IFT régional de référence. Les prochaines campagnes devraient permettre de se rapprocher des objectifs de diminution d’IFT, fixés à 60 % pour chacune des cultures et pour l’ensemble de la rotation. Un effort particulier a été fait sur le recours au désherbage chimique et à ce stade du projet, une baisse de 25 % de l’IFT herbicide est enregistrée. Un travail sur l’impact économique des changements de pratiques a également été mené. Sur cette parcelle, l’activation des différents leviers alternatifs entraîne une augmentation de 6 % des charges globales de ce SdC par rapport au système référence, et un travail sur l’impact économique au niveau des marges semi-nettes est en cours.
Zéro phyto avec le désherbage mixte
Dans le département de la Loire, des maraîchers diversifiés cultivant de la carotte sur une part importante de leur SAU (entre 7 et 14 % de la SAU totale) ont réalisé des essais de désherbage mixte thermique-mécanique dans le cadre du Groupe 30 000 Ecophyto. Engagés depuis leurs débuts dans une approche sans herbicides ou en Agriculture biologique, les producteurs impliqués ont souhaité développer un itinéraire technique avec un IFT égal à zéro, tout en maîtrisant le temps de travail sur le poste désherbage pour limiter au maximum les coûts de production. La stratégie de désherbage consiste en une bonne préparation de sol en amont du semis de carottes, avec la réalisation d’un à deux faux-semis pour juguler les adventices. Une fois le vrai semis réalisé, trois passages de désherbeur thermique sont effectués, jusqu’au plus près de la levée des carottes, ce qui crée une différence de croissance maximale entre les adventices annuelles et les carottes, et permet ainsi aux carottes de bien s’implanter sans concurrence. Un désherbage manuel sur le rang et des binages dans l’interrang sont ensuite réalisés en cours de culture. Cette technique limite au maximum l’usage de produits phytosanitaires tout en garantissant une parcelle la plus propre possible jusqu’au plus près du démarrage de la culture. Le coût en main-d’œuvre et en gaz est limité au regard de la surface couverte et la technique permet une mécanisation des binages en cours de culture grâce au décalage de croissance induit. Une piste d’amélioration pourrait être le développement d’un outil d’aide à la décision qui permettrait d’identifier des seuils pour optimiser les passages de désherbeur thermique.