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La culture de salade en hydroponie se développe

La production de salade en hydroponie se développe dans le monde, avec des systèmes très variés. En France, les surfaces sont encore limitées, mais des projets émergent peu à peu.

L’hydroponie consiste à cultiver des plantes sur un substrat neutre irrigué ou reposant sur une solution nutritive. Le plus souvent, la production se fait sous serre verre ou multichapelle plastique, avec en général de l’éclairage artificiel complémentaire. Les salades sont cultivées dans des gouttières où circule une solution nutritive (NFT) ou posées sur des plaques flottant sur la solution (DFT), à une densité de 20 plantes/m² et des cycles de 40 jours donnant des produits de 150-200 g. Une innovation, développée en Belgique et qui se répand dans d’autres pays, est notamment l’offre Trio, dans laquelle trois variétés de couleurs et formes différentes sont semées dans un même cube et vendues ensemble avec leurs racines, ce qui allonge la durée de conservation.

Avec l’évolution des variétés et des techniques, des salades de 400 g ou plus sont aussi désormais produites sur des cycles plus longs. Des gouttières de type NFT peuvent également être installées en plein air (Brésil, Espagne…) pour s’affranchir des problèmes de sol ou économiser l’eau. Autre formule : les fermes verticales dans lesquelles les cultures sont réalisées sur plusieurs étages. Et d’autres techniques proches de l’hydroponie se développent également, comme l’aquaponie, qui consiste à produire conjointement des légumes et des poissons, ou l’aéroponie, dans laquelle la solution nutritive est brumisée sur les racines.

De nombreux atouts

Les premières serres hydroponiques sont apparues dans des pays d’Europe du Nord (Finlande, Suède, Danemark) souhaitant proposer toute l’année des produits locaux. La technique s’est ensuite développée au Benelux pour s’affranchir des problèmes de sol. Et aujourd’hui, des projets se mettent en place un peu partout dans le monde. Un objectif est de pouvoir proposer toute l’année des salades produites localement dans des zones où la culture n’est pas toujours possible pour des raisons climatiques, de ressource en eau, l’hydroponie consommant beaucoup moins d’eau que le plein champ, ou encore pour des questions de place, dans les villes.

 

Un autre objectif est de s’affranchir des problèmes de sol ou encore de main-d’œuvre, les serres hydroponiques étant très automatisées. Enfin, comme l’hydroponie se pratique en général en milieu fermé, les bioagresseurs et donc les traitements y sont fortement réduits, ce qui permet de proposer des salades sans pesticides ou sans résidus de pesticides. La production de salade en hydroponie se développe aujourd’hui dans de nombreux pays : Scandinavie, USA, Moyen-Orient, Mexique, Brésil, Australie, Japon, Corée du Sud, Russie, Europe. Aux USA, les fermes verticales se multiplient pour approvisionner les supermarchés, mais aussi la 4e gamme, la restauration hors domicile et les petits magasins.

Les surfaces augmentent en Belgique

En Europe, la salade en hydroponie est développée surtout en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suisse, pour s’affranchir des problèmes de sol et de main-d’œuvre, avec notamment une offre de salades trio désormais commercialisée en France par Lidl. En Belgique, cinq producteurs du Reo Veiling cultivent de la laitue en hydroponie, avec 9,8 ha et 14,4 M de têtes produites en 2020. « Les surfaces augmentent, indique Rik Decadt, directeur du Reo Veiling. L’interdiction de la désinfection des sols entraîne de nombreux problèmes en salade, notamment le Fusarium de la laitue, qui se transmet facilement d’une serre à l’autre et entraîne beaucoup de pertes. Un autre avantage de l’hydroponie est qu’elle peut être hautement automatisée et améliore les conditions de travail. La désinfection de l’eau réduit aussi fortement la pression des maladies et permet d’utiliser moins de pesticides. Enfin, la période de croissance est beaucoup plus courte qu’en pleine terre. »

La production porte surtout sur la laitue pommée et la laitue trio, mais aussi sur des lollo bionda, lollo rossa et feuilles de chêne vertes et rouges, avec des poids désormais similaires à ceux des salades de pleine terre. En France, l’hydroponie se retrouve surtout pour l’instant dans des fermes verticales, notamment à Paris, pour l’approvisionnement des citadins en produits ultra-frais et locaux. Ces installations, qui demandent de très gros investissements et consomment beaucoup d’énergie, nécessitent toutefois une très forte valorisation et des prix stables, alors que le marché de la salade de plein champ entraîne de grosses variations de prix. Les serres hydroponiques sont par contre très limitées. « Il y a beaucoup de projets, mais qui n’aboutissent pas pour l’instant », constate Chrystel Texier, de Rijk Zwaan. Pourtant, des initiatives commencent à émerger.

Trois grands systèmes

1 – L’hydroponie sous serre

Les plus gros volumes de salade en hydroponie sont produits sous serre, avec deux techniques principales : la NFT (Nutrient Film Technique ou culture sur film nutritif), la plus répandue, et la DFT (Deep Floating Technique). En NFT, les cubes de substrat contenant des graines sont placés dans des gouttières inclinées dans lesquelles circule une solution nutritive. En DFT, les salades sont cultivées dans des mottes de substrat disposées sur des plaques de culture flottant sur un bassin alimenté en eau et nutriments.

 

2 – Les fermes verticales

Les cultures sont réalisées sur plusieurs étages, dans des tours ou des containers souvent uniquement éclairés par éclairage artificiel. Les salades peuvent être cultivées en NFT, DFT ou aéroponie. La température, l’hygrométrie, la fertilisation sont contrôlées et réglées en permanence pour optimiser la culture. Les fermes verticales, qui nécessitent de gros investissements, font en général appel à des investisseurs souvent éloignés du monde des légumes.

 

3 – L’aéroponie et l’aquaponie sous serre

Dans l’aéroponie, les racines des salades ne trempent pas dans l’eau, mais restent dans l’air. La solution nutritive est brumisée à un rythme régulier sur les racines. L’aquaponie consiste à produire conjointement des légumes et des poissons. Les déjections des poissons sont dégradées par des bactéries qui les transforment en nitrates utilisables par les plantes. En absorbant les nitrates, les plantes purifient l’eau qui peut alors retourner dans le compartiment des poissons.

 

Des jeunes feuilles de salade cultivées en hydroponie

Depuis cinq ans, une technique inspirée de la NFT, la NFT Teenleaf, se développe aux USA pour la production de jeunes feuilles de salade. Des gouttières, plus étroites que dans la NFT, sont remplies de substrat dans lequel on sème des graines à haute densité. Les salades sont cultivées à 60 plantes/m² en 25-30 jours. Les feuilles sont récoltées mécaniquement quand elles atteignent 10-15 cm et vendues en sachet ou barquette. « Un avantage par rapport au plein champ pour la 4e gamme est qu’il n’y a ni terre ni corps étrangers et que les feuilles n’ont pas besoin d’être lavées », souligne Grégoire Vendeville, de Nunhems. La technique se développe notamment sur la côte est. « Jusqu’ici, les salades étaient cultivées surtout sur la côte ouest et exportées dans le reste du pays. La NFT Teenleaf permet d’en produire localement, avec peu d’eau et sans traitement. »

Sélectionner des variétés adaptées à l’hydroponie

L’émergence de la salade en hydroponie amène les semenciers à investir pour sélectionner des variétés adaptées à ce mode de production. Les critères recherchés sont une croissance rapide, pour rentabiliser l’investissement, la compacité, l’intensité des couleurs, notamment du rouge, les Leds et les faibles écarts thermiques limitant la coloration des salades, un caractère croquant marqué même en cycle court et la tolérance au tip burn et à la montaison, favorisés par les conditions de culture en hydroponie. Depuis 20 ans, Nunhems propose des variétés de salade adaptées à l’hydroponie.

« Les premières ont été développées pour la Scandinavie, explique Grégoire Vendeville, de Nunhems. Le critère essentiel était alors le croquant, pour répondre aux attentes de texture des produits, avec des variétés de type iceberg. Puis, il y a dix ans, Nunhems a développé un programme de sélection pour l’hydroponie, avec des critères qualitatifs et de rapidité de cycle. » Le semencier propose aujourd’hui une trentaine de variétés de salade de différents types adaptées à l’hydroponie. En plus de serres utilisant les technologies NFT et DFT, il a ouvert en septembre 2021 aux Pays-Bas une serre de démonstration utilisant la technologie NFT Teenleaf.

Après plusieurs années d’essais dans des stations partenaires, Gautier Semences a construit à Eyragues (13) une serre expérimentale basée sur la DFT. « Gautier Semences veut être un acteur actif en hydroponie, qui s’inscrit dans l’agriculture durable », souligne Pauline Fargier-Puech, chef de Groupe Marketing chez Gautier Semences. Le semencier a lancé une gamme Hydro Ponics, qui compte 20 variétés de différents types. Rijk Zwaan propose des variétés de salade pour l’hydroponie et a construit en 2021 aux Pays-Bas une serre hydroponique pour la sélection pour ce mode de production. Vilmorin-Mikado, avec un partenaire japonais leader de l’hydroponie, est engagé dans la sélection de variétés pour l’hydroponie, avec déjà 40 variétés de salade de différents types.

 

Sécuriser la 4e gamme

Les Crudettes a mis en place depuis trois ans près de son usine de transformation de Châteauneuf-sur-Loire (Loiret) un site pilote de 2000 m² en aéroponie pour tester la production de salade et herbes aromatiques. « L’idée est de s’affranchir des aléas climatiques et de proposer une gamme d’origine France toute l’année, avec un produit ultra-frais, cultivé sans traitement, avec 90 % d’eau en moins qu’en plein champ et moins de transport, indique Géraldine Collet, responsable marketing des Crudettes. Notre choix s’est porté sur l’aéroponie qui, grâce à la parfaite oxygénation des racines, assure une bonne absorption des minéraux et permet de développer plus de biomasse qualitative que l’hydroponie. »

Une serre de 7 000 m² est en construction sur le même site pour la production d’herbes aromatiques. La serre, qui sera opérationnelle à l’été 2022, permettra de produire 70 tonnes d’herbes aromatiques, soit le triple des ventes actuelles des Crudettes. La production de salade reste quant à elle encore à l’étude. « Nous avons déjà huit références de salade d’origine France toute l’année, précise Géraldine Collet. Mais nous atteignons certaines limites. Le modèle économique est toutefois moins évident qu’en herbes aromatiques et nous devons encore optimiser l’outil, les variétés et la logistique. »

 

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