CHÂTAIGNE
La confusion tombe du ciel
En combinant lutte par confusion sexuelle et drones, une option supplémentaire se dessine contre le carpocapse du châtaignier.
En combinant lutte par confusion sexuelle et drones, une option supplémentaire se dessine contre le carpocapse du châtaignier.



« La lutte chimique contre Cydia splendana, le carpocapse du châtaignier trouve ses limites dans des vergers adultes densifiés, souligne Hélina Deplaude, de la chambre d’agriculture d’Ardèche. Avec des arbres de plus de dix mètres, les pulvérisateurs ont du mal à atteindre le sommet de la canopée ». Et les efficacités des méthodes de lutte biologique jusqu’à maintenant disponibles sont limitées. Depuis 2013, des essais de confusion sexuelle avec des diffuseurs de phéromone sont conduits en Dordogne, Corrèze et en Ardèche. Avec des taux d’infestation de fruits compris entre 30 et 40 % en l’absence de protection, cette méthode a une efficacité de 27 % et permet de gagner 10 % de fruits sains en moyenne sur les trois années d’essais. « L’efficacité de cette méthode est variable selon les années et selon la proximité de la parcelle avec des taillis », résume Guillaume Pagès, responsable du pôle châtaigne à Invenio. Sur des parcelles éloignées de taillis, le nombre de fruits véreux a pu être réduit de deux tiers par rapport à une parcelle non protégée. En Ardèche, la confusion sexuelle a eu une efficacité de près de 40 %, deux années sur trois, sur une parcelle de gros arbres non alignés de plus 100 ans, avec une pente limitant la mécanisation. « Dans les essais Sud-ouest, les estimations de gain de production moyen suggèrent une hausse du chiffre d’affaires liée à la vente des fruits qui couvre les charges d’achat et de pose des diffuseurs et offre une plus-value aux producteurs », synthétise le spécialiste châtaigne d’Invenio.
Un service aérien de pose de diffuseurs
Les diffuseurs utilisés sont les Ginko® Ring distribués par SumiAgro, cinq fois plus grands que les traditionnels Ginko® posés notam-ment en pommier contre Cydia pomonella. Leur pose s’opère une fois par an avant le début du vol à hauteur d’un diffuseur par arbre, soit 100 diffuseurs par hectare en moyenne. « Pour les arbres de plus de dix mètres, l’utilisation de perches télescopiques ne permet d’atteindre que le tiers inférieur de l’arbre », précise Hélina Deplaude. Pour atteindre le tiers supérieur de l’arbre, un système d’arbalète a été mis au point par le service machinisme d’Invenio et testé dans le cadre des essais en Dordogne et Corrèze. Si ce système se révèle efficace, il est coûteux en temps de pose. « Aucune des méthodes ne permet d’atteindre aisément le sommet d’arbres de plus de dix mètres. D’où notre idée de mettre au point un drone pour déposer avec précision les diffuseurs sur le haut de la canopée », résume Guillaume Pagès. Prochainement, la station expérimentale Invenio proposera donc un service de pose de diffuseurs par drone : Biopose® . « Un premier drone de reconnaissance permet d’identifier les points de largage et ainsi d’établir le plan de vol. Un second drone largue les diffuseurs aux endroits choisis », explique Franck Cogneau, du pôle machinisme d’Invenio.
La confusion est à combiner avec d’autres méthodes
Le premier vol d’analyse du verger permet aussi de collecter des informations utiles pour le suivi technique des vergers : appréciation des rendements, mesure des effets de la taille… En cas de pression moyenne à forte du carpocapse, la méthode de confusion sexuelle n’est pas suffisante pour limiter suffisamment les dégâts pour qu’ils restent économiquement acceptables. « La confusion sexuelle se veut en premier lieu être une méthode visant à réduire le nombre de traitements chimiques. Avec seulement deux passages en moyenne contre le carpocapse châtaigne en mode conventionnel, le gain ne sera pas sensible, suggère Guillaume Pagès. On se dirige vers une stratégie globale de protection du verger compatible avec le mode AB. Contre le carpocapse, la lutte s’articulera autour de la confusion sexuelle, avec une combinaison de méthodes à effets partiels utilisées seules » (cf encadré).
Une méthode pour chaque stade du carpocapse
Sur jeunes larves : le Bacillus thuringiensis en pulvérisation depuis le sol. Action limitée.
Sur oeufs : les trichogrammes en lâchers massifs. Efficacités variables selon les sites.
Sur adultes : confusion sexuelle.
Induction résistance de l’arbre : infra-doses de sucre, à retravailler.
En permanence : favoriser les auxiliaires naturels : haies, nichoirs, abris.