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L’eau chaude pour limiter le rosissement post-récolte de l’asperge blanche

Un traitement court à l’eau chaude appliqué après récolte par trempage ou par douchage des asperges a une bonne efficacité pour préserver leur blancheur. La mise en œuvre de ces résultats d’essais obtenus par le CTIFL reste à étudier en station de conditionnement.

Après la récolte, les asperges blanches subissent des changements physiologiques et biochimiques qui entraînent rapidement une perte de qualité. Il s’agit principalement d’augmentation de la fibrosité, de perte d’eau et de développement d’une coloration rose due à l’augmentation de la synthèse des anthocyanes. Le rosissement constitue un critère de dépréciation de la qualité du produit qui peut engendrer, selon le circuit de commercialisation des déclassements de produit et donc des pertes de prix pour le producteur de 5 à 15 %, mentionne une enquête du CTIFL (2017).

Les turions trempés dans l’eau chaude ne rosissent quasiment pas

Plusieurs études ont montré l’intérêt d’abaisser rapidement la température de l’asperge par l’emploi d’eau froide (6-8 °C), voire glacée par douchage ou trempage (hydrocooling) pour retarder le développement de cette coloration. « Ainsi, le refroidissement rapide après récolte est actuellement la pratique la plus courante en France », mentionnent Patricia Sanvicente, Sophie Annibal et Valérie Mérendet, CTIFL dans un article paru dans Infos-CTIFL en juillet 2019 (n°353). En partant de données bibliographiques , de nouveaux travaux ont été menés au CTIFL en 2017 et 2018 pour vérifier l’intérêt des traitements à l’eau chaude appliqués sur des variétés d’asperges blanches. Aussi en 2017, le traitement à l’eau chaude sur les variétés Darlise (peu sensible au rosissement) et Vitalim (très sensible) a été appliqué par trempage des turions, suivi ou non par un refroidissement à l’hydrocooling par aspersion. La température à cœur des turions mesurée lors des essais atteint au maximum 47-50 °C pour les traitements par trempage à 55 °C. Les asperges retrouvent leur température initiale au bout de 30 minutes à température ambiante (18 °C) ou sont refroidies à 3 °C à cœur en moins d’une heure si le traitement à l’eau chaude est suivi d’un passage sous l’hydrocooling (2 °C/20 minutes). Dans les conditions des essais, les turions trempés dans l’eau chaude ne rosissent quasiment pas alors que le rosissement des turions témoins, hydrocoolés et immergés dans l’eau à température ambiante apparaît 5 à 6 heures après la mise en simulation point de vente et évolue pendant les trois jours d’exposition à la lumière (voir graphique). « Le phénomène de rosissement de l’asperge blanche est donc fortement ralenti par un trempage dans l’eau à 55 °C », commentent les spécialistes.

Vers une application à grande échelle ?

A l’échelle expérimentale, les techniques couplant le traitement eau chaude appliqué dans les 3 à 4 heures après récolte par trempage ou douchage suivi par un passage à l’hydrocooling ou dans l’eau tempérée (Mérendet & Annibal 2015) apportent le meilleur compromis pour limiter le rosissement et les pertes d’eau. De cette manière, la température à cœur des asperges redescend rapidement et les asperges sont rapidement refroidies avant leur stockage. « L’application de ces techniques à grande échelle va maintenant nécessiter de confirmer avec les producteurs la faisabilité d’introduire cette étape dans l’organisation des stations de conditionnement et du positionnement des équipements existants », expliquent les auteurs. Dans la mesure où l’intérêt pour une des deux techniques serait envisageable, il s’agira alors de valider au moyen d’un équipement existant ou adapté pour l’asperge l’intérêt du traitement à l’eau chaude au niveau du producteur.

Comment les asperges rosissent-elles ?

Les anthocyanes sont des pigments filtrants la lumière, qui s’accumulent dans les tissus végétaux en réponse à l’action, conjointe ou séparée, de différents facteurs environnementaux, comme la lumière (Leyva 1995), les basses températures (Christie et al. 1994, Dixon 1995) ou un stress nutritionnel comme une carence en phosphore (Kakegawa et al., 1995). En effet, en réponse à ces facteurs, l’activité de la phénylalanine ammonia-lyase (PAL), enzyme clé de la voie de biosynthèse des anthocyanes, est stimulée (Dixon 1995, Flores et al, 2005). Dans le cas de l’asperge blanche, des études indiquent que l’activité de la PAL augmente et donc que la synthèse d’anthocyanes en post-récolte progresse, après une stimulation initiale par la lumière, indépendamment de la température et des conditions d’éclairage pendant le stockage, entraînant l’apparition du rosissement (Siomos et al. 1994, Siomos et al. 1995a, Siomos et al. 1995b ; Siomos et al. 2000 ; Siomos et al. 2001, Flores et al 2005).

Des données existantes

Des travaux menés aux Pays-Bas ont démontré qu’un traitement à l’eau chaude (50 °C/2 minutes) permettait de limiter l’apparition de la coloration rose des asperges blanches (Poll 1998 [SP1]). Plus récemment, Siomos et ses collaborateurs (2005, 2010) confirment qu’à l’échelle expérimentale le traitement thermique par immersion dans l’eau chaude est efficace pour conserver la couleur blanche des turions. Un traitement par trempage dans l’eau chaude à 55 °C pendant 2 à 3 minutes, puis dans l’eau à température ambiante pendant 10 minutes, est efficace contre ces changements de coloration sur les variétés Atlas et Dariana. Les mêmes résultats ont été obtenus dans les travaux préliminaires réalisés au CTIFL en 2015 avec la variété Grolim (Mérendet & Annibal 2015).

Douchage ou trempage ?

En 2018, le douchage à l’eau chaude a été testé par le CTIFL pour déterminer si cette méthode d’application était aussi efficace que le trempage pour limiter l’apparition du rosissement. Cette technique a été évaluée avec différents couples température/durée d’application suivis systématiquement par un hydrocooling appliqué par immersion (1 °C/5 minutes). Lors du douchage, les asperges en caisses plastique sont disposées sous deux jets alimentés avec de l’eau chauffée et régulée à la température souhaitée. Comme dans les essais « trempage », les turions de la modalité « témoin » et les turions « hydrocoolés » rosissent dans les heures qui suivent leur transfert dans l’ambiance point de vente. Après 24 heures dans ces conditions, 90 à 100 % de ces turions ont déjà un rosissement assez marqué (indice de couleur de 70 à 80). Par contre, le douchage à l’eau chaude 3 à 4 heures après récolte, suivi d’un hydrocooling par trempage limite l’apparition du rosissement. Les meilleurs résultats sont obtenus pour chaque niveau de température testé avec le temps d’exposition le plus long. Par contre, l’application du traitement thermique 24 heures après la récolte présente moins d’intérêt que lorsqu’il est appliqué 3 à 4 heures après la récolte. Dans ces conditions expérimentales, le couple température/durée de 58 °C/90 s s’est avéré le plus efficace pour éviter aux turions de rosir. Contrairement aux résultats des essais « trempage », qui ont montré une très légère déshydratation des turions (0,1 à 0,2 %), les traitements thermiques appliqués par douchage n’ont pas entraîné de perte de poids. Au contraire, les turions gagnent en moyenne 2 % de leur masse initiale par prise d’eau au moment du traitement.

 

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