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Les producteurs de fruits et légumes face aux changements climatiques

L'été 2022 aux températures caniculaires, marqué par une sécheresse historique, met de nouveau les producteurs face à la problématique des changements climatiques. L’eau est une des clefs pour y faire face : un outil à travailler tant au niveau politique à travers le Varenne de l’eau que par les producteurs eux-mêmes.

Après un printemps qualifié « d’extrêmement doux et sec » par Météo France, le troisième plus chaud de la période 1900-2022, l'été 2022 est également marqué par des températures très élevées et par une sécheresse historique. Des événements climatiques amenés à se répéter. Les changements climatiques sont un fait. Le réchauffement global de minimum 2 à 3°C pour la fin du siècle n’est plus une hypothèse. « Or cette différence de 3°C est la différence entre la température moyenne à Meknès au Maroc et celle de Montpellier, met en perspective Jean-Michel Legave, retraité de INRAE lors d’une présentation au RDV Tech & Bio de Montauban, mi-juin. En France métropolitaine, ce réchauffement est 30 % plus élevé que le réchauffement global. »

De nombreux impacts sur les cultures

Les effets de ces changements climatiques sont pluriels et les conséquences pour l’agriculture, notamment l’arboriculture, sont préoccupantes. Les températures douces hivernales ont pour conséquence des floraisons plus précoces, plus souvent soumises au gel. Les levées de dormance se font plus tardivement, provoquant, lorsqu’elles sont proches de la floraison, des floraisons erratiques. « Le manque de froid provoque aussi des anomalies florales et les variétés pollinisatrices sont désynchronisées », détaille Vincent Mathieu (ex-ingénieur du CTIFL), lors d’une conférence à Tech & Bio en septembre dernier. L’été, le nombre de jours supérieurs à 30°C est en augmentation.

« A Agen (Lot-et-Garonne), sur la période 1980-2000, seules quatre années comptaient plus de 30 jours à plus de 30°C. Sur la période 2000-2020, 17 années avaient plus de 30 jours à 30°C et plus », souligne Jean-François Berthoumieu, ACMG, lors d’une conférence de la chaire Agrotic en décembre dernier. Ces chaleurs provoquent du stress hydrique chez les fruitiers avec une fermeture des stomates et donc un arrêt de la photosynthèse et une perte de calibre et de qualité. Brûlures, fruits doubles, texture farineuse, manque de coloration sont certains des impacts d’ores et déjà vécus par les arboriculteurs.

Ces périodes très chaudes augmentent la sécheresse des sols. « Si la tension hydrique est très forte dans l’arbre, on peut aller jusqu’à l’embolie gazeuse, alerte Jean-Luc Regnard. Avec perte d‘une partie de la canopée. » Mais au-delà de l’arbre en lui-même, la vie du sol et donc son fonctionnement sont perturbés. La liste continue, avec des précipitations concentrées qui provoquent des inondations et donc des asphyxies racinaires, la remontée de certains ravageurs ou la multiplication des cycles de ravageurs endémiques.

Une des clefs : l’eau

Pour pallier les périodes de canicule et le gel, l’une des clefs est d’avoir accès à une ressource en eau. L’objectif est de compenser l’évapotranspiration par l’irrigation pour éviter les embolies gazeuses, rafraîchir l’air du verger pour éviter la fermeture de stomates, lutter contre le gel (voir encadré). « Lorsqu’on analyse les tendances climatiques sur les 60 dernières années au Royaume-Uni, dans le Sud-ouest de la France et au Portugal, on constate que la quantité de précipitations annuelles est en hausse, affirme Jean-François Berthoumieu. Mais 50 % des pluies sont maintenant concentrées sur 15 jours dans l’année. »

Le stockage est donc le maître mot. Le Varenne de l’eau porte beaucoup d’espoir. Les filières et territoires sont en train d’élaborer des plans régionaux d’adaptation sur la base de diagnostics et de leviers identifiés par les filières. Le stockage des précipitations va être de nouveau mis sur le tapis. Espérons que certains blocages actuels seront levés. D’autant que les sources abondantes d’eau, comme celle des fleuves sont elles aussi impactées. « Le débit du Rhône est actuellement de 8 % à 36 % moindre au printemps et en été par rapport aux années 1990 », souligne Baptiste Labeyrie, CTIFL, lors d’une journée technique verger.

Des outils pour piloter l’irrigation

Utiliser sa ressource en eau de façon efficiente devient donc une priorité. « Il faut piloter l’irrigation sans viser le confort hydrique tout au long de l’année, continue Jean-François Berthoumieu. L’objectif est d’économiser avant les périodes de grosses chaleurs pour pouvoir irriguer quand la température dépasse celle de confort des végétaux. » Pour cela, la filière a besoin d’anticiper les périodes de rationnement possibles, les étapes de développement où les fruitiers sont moins sensibles à un léger stress hydrique. « Le projet Rech’eau a pour objectif sur abricot de trouver les limites d’une restriction d’irrigation tout en gardant le potentiel de production sur le long terme », présente Baptiste Labeyrie. Des modèles « climat-plante » pourraient aider les producteurs à déterminer ces périodes d’économies possibles selon les espèces.

Au-delà de systèmes d’irrigation économes (micro-jet ou goutte-à-goutte), c’est son pilotage par des sondes qui permet de gérer l’irrigation finement, par parcelle : outils de mesure des potentiels hydriques du sol, foliaire, du tronc… Des outils de déclenchement d’alerte basé sur les températures sèches et humides peuvent être imaginés afin de prioriser les parcelles. La télédétection permet de localiser des zones en plus grand stress. Une information utile si des modulations en intra-parcellaires sont faisables. « Ce gain d’efficience a aussi un avantage économique, souligne Jean-Luc Regnard. En effet, si l’eau ne représente actuellement en moyenne que 1 à 2 % des coûts de production, avec la concentration des demandes entre différents usages sur certaines périodes, on peut prédire une augmentation de ce coût production. »

« 3°C correspond à la différence entre la température moyenne à Meknès au Maroc et celle de Montpellier », Jean-Michel Legave, INRAE

Travailler des systèmes de cultures plus résilients

 

Les systèmes agroforestiers sont plus résilients aux températures très chaudes. © F. Warlop

L’une des pistes pour limiter ces changements est de travailler sur des systèmes de culture plus diversifiés qui pourraient permettre de créer un micro-climat. Des systèmes en agroforesterie ont déjà montré leur effet positif lors de fortes chaleurs et pour limiter le ruissellement. L’augmentation de la quantité de matières organiques du sol pourrait participer à construire des systèmes plus résilients en augmentant la capacité de stockage en eau du sol.

 

 

En pratique

S’adapter ou s’enfuir ?

« Est-ce vraiment possible de trouver des pommiers qui poussent à 45°C ? », posait comme question un chercheur lors d’une conférence au Sival. Cette question, certains producteurs se la posent dès maintenant quand il s’agit de planifier le renouvellement de leurs vergers. L’adaptation des vergers a en effet une limite. Faut-il continuer sur des espèces traditionnelles ou basculer vers des variétés plus méditerranéennes ? Car ces changements peuvent aussi ouvrir des opportunités aux arboriculteurs actuels sur des espèces réservées au sud de la Méditerranée. Et à des producteurs situés plus en altitude ou plus au nord avec la probable évolution des zones des productions ?

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