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Envisager une transmission en douceur

Transmettre son exploitation est une étape capitale dans la vie d’un producteur. Pour la réussir, le cédant devra imaginer son repreneur idéal tout en restant souple sur les orientations futures de son exploitation.

Mathieu Martinet a repris en 2017 les 30 ha de l’exploitation de son grand-père. Une partie a été achetée, l'autre est en fermage pour diminuer les coûts d'investissement.
© D. Cordaz

Près du tiers des producteurs avait plus de 55 ans en 2010. La transmission de son entreprise est donc une question à laquelle de nombreux agriculteurs ont à faire face. « La très grande majorité des exploitants trouve à céder mais le plus souvent les exploitations sont vendues à des agriculteurs voisins », rapporte Julien Frehel responsable du point accueil transmission-installation de Lot-et-Garonne. Dans ce département, on compte en moyenne une installation pour trois à quatre départs. Parmi les transmissions à un nouvel installé, un quart à un tiers se fait hors cadre familial. « Le rapport entre cession et installation dépend de beaucoup de facteurs : la dynamique du secteur, la démographie agricole et le type d’exploitation », détaille Roger Le Guen, sociologue à l’ESA d’Angers.

 

La filière fruits et légumes, bien que dynamique, pâtit d’une baisse des installations. « Entre 2004 et 2016, le nombre d’installation a diminué de 22 % », souligne Hélène Boucherie de Légumes de France. La raison n’est pourtant pas la baisse des vocations. « Il y a des gens qui veulent s’installer », insiste le conseiller de la Chambre d’agriculture. Roger Le Guen identifie deux freins majeurs : la difficulté à trouver des capitaux pour reprendre des exploitations de plus en plus grandes et le décalage des projets entre deux générations. « Un certain nombre de cédants n’envisagent pas que le repreneur puisse transformer l’exploitation de façon radicale », analyse le sociologue. Or, les jeunes qui s’installent aujourd’hui, et plus particulièrement hors cadre familial, ont souvent des projets de production en bio, en vente directe. « Ils veulent prendre à bras-le-corps les problématiques posées par un environnement social et politique critique », continue Roger Le Guen. Les choix qui ont été faits par les cédants ne correspondent donc pas toujours à leurs aspirations. « En fruits et légumes, ce décalage est d’autant plus marqué que ce sont des marchés moins protégés, pointe-t-il. Les outils de production ont été conçus par rapport à des choix de marché qui diffèrent dans la qualité des produits et leur traçabilité. Des changements dans le mode production ou de débouchés sont plus difficiles à faire ». Les candidats à l’installation hors cadre familial ont aussi tendance à préférer s’installer seul sur leur exploitation. Un projet qui va à l’encontre de la progression des formes sociétaires.

Plusieurs options pour une installation progressive

Pour lever ces freins, la transmission doit être travaillée. « Pour qu’une transmission se passe bien sur le plan humain, il est préférable qu’elle soit progressive », conseille le sociologue. Le jeune peut être dans un premier temps salarié (voir sous-papier) ou s’installer progressivement en restant locataire d’une partie de ses terres avec un appui technique ponctuel du cédant… Mathieu Martinet a repris en 2017 l’exploitation de 30 ha de son grand-père en Lot-et-Garonne. « J’ai acheté une première tranche de 10 ha afin d’assurer un niveau de vie correcte à mes grands-parents. Les 20 ha restants sont en fermage », témoigne-t-il. Cette solution lui permet d’investir dans la plantation de noisetier tout en ayant de la rentabilité. L’achat des terres restantes et du bâtiment seront progressifs. Des stages de parrainage sont aussi possibles dans le cas où le candidat à l’installation est un jeune agriculteur et qu’il n’est pas issu de la famille. En serre, « l’installation se fait souvent soit par le rachat, soit en association dans des sociétés familiales pour qu’il y ait un apprentissage du métier pendant deux ou trois ans », indique Christophe Rousse président de Solarenn. Dans cette coopérative de la région rennaise, la transmission de structures viables économiquement est au cœur des préoccupations. « Avec la Safer, on essaye de négocier des terres à côté des exploitations membres de la coopérative qui vont bientôt être cédées pour anticiper l’installation de jeunes, car la problématique sur Rennes est la pénurie de foncier, mentionne le serriste. On envisage aussi la possibilité d’installation en bio. » Toutes les exploitations de la coopérative ont ainsi trouvé preneur sauf une qui était trop vétuste.

Trouver un candidat à l’installation

« Mais finalement, l’étape la plus longue dans une transmission est la prise de conscience de l’arrêt de l’activité par le cédant », témoigne Julien Frehel. Une fois la décision prise, les délais avant la cession diffèrent selon le projet. Si l’exploitation est vendue ou louée à un autre exploitant, il suffit de six mois pour que la vente ou le fermage soient conclus. « Il faut par contre compter au moins trois ans lorsque le cédant souhaite installer un jeune non issu du monde agricole », continue-t-il. Pour trouver les candidats, chacun a son filon : annonce, répertoire départemental à l’installation (RDI), Safer, l’association Terre de liens… Certaines coopératives et les associations bio font aussi de la mise en relation. Des Chambres d’agriculture organisent des Speed-datings. « Il faut parfois accepter de changer de candidats en cours de route », témoigne Michel Huchette, producteur dans le Nord (voir sous-papier). « Dans le cas de la transmission à un enfant, il faut bien penser à la partie succession », indique Julien Frehel. Yolande et Jean-Claude Martinet, les grands-parents de Mathieu ont ainsi réuni tous leurs enfants et petits-enfants pour voir qui souhaitait mener des projets sur cette exploitation. « Le notaire joue là un rôle important, souligne Mathieu Martinet. Il est souvent plus facile à chaque membre de la famille d’exprimer sa volonté devant un tiers que devant ses parents. Et c’est une référence juridique. »

Evaluer le prix de son exploitation

Dans le cas d’une vente de l’actif, le nerf de la guerre est le prix. Les Chambres d’agriculture, les Safer ou les coopératives peuvent estimer le prix d’une exploitation. « On essaye de tempérer le vendeur qui a tendance à vouloir surestimer son bien », indique Christophe Rousse de Solarenn. Mais les experts fonciers sont les seuls à avoir l’autorité. Les évaluations sont souvent faites sur la valeur des ventes faites autour de l’exploitation à vendre. Elles se basent aussi sur le prix de rachat lors de nouvelles installations. « Dans mes estimations, je prends aussi en compte les infrastructures, les droits PAC, les débouchés et la valeur agronomique des terres », mentionne Julien Frehel.

A savoir

En pratique

J-3 ans envoyer à la Chambre d’agriculture la déclaration d’intention de Cessation d’activité (diCaa)

J-2 ans rechercher activement un repreneur notamment en s’inscrivant au répertoire départ installation (rdi) ; étudier ses droits à la retraite avec la MSA ; évaluer la possibilité de cession du foncier

J-12 mois réaliser une évaluation de l’exploitation ; date limite pour informer les propriétaires du départ en retraite

J-6 mois déposer les demandes d’aides à la transmission

J-4 mois déposer à la MSA le dossier de demande de retraite

Les options pour transmettre ses terres et bâtiments

La vente d’actifs ou de parts

Dans le cas d’une vente des actifs de l’entreprise, la Safer tranche sur le repreneur après la signature du sous-seing mais ne peut pas intervenir si c’est un jeune agriculteur. Le repreneur achète tout ou partie des biens mais ne continue pas l’entité juridique de son vendeur. L’achat des actifs est amortissable dans le temps. Une autre possibilité est l’achat de part de l’entreprise. Le prix d’achat de l’entreprise est généralement plus bas mais l’acquisition des actions n’est pas amortissable. Dans ce cas, l’acheteur prend la place de son vendeur. L’entreprise reste exactement la même et les créanciers sont en droit de réclamer ce qui leur est dû.

Le fermage

Le fermage est un bail rural dont la durée est de 9 ans, 18 ans ou 21 ans. Les tarifs de la location des terres, des bâtiments agricoles et des bâtiments d’habitation sont fixés par arrêté préfectoral. Ce contrat protège le locataire. Le bailleur ne peut en effet résilier unilatéralement un fermage en cours qu’en cas de faute de paiement du loyer ou d’un projet d’exploitation des terres par son conjoint ou un de ses descendants. Les causes de non-renouvellement du bail sont aussi très strictes. La vente du bien ne constitue pas une cause de résiliation du bail. Le locataire changera juste de propriétaire.

La convention de mise à disposition de la Safer

Il s’agit d’une convention entre la Safer, le cédant-loueur et le repreneur-locataire. Elle donne à la Safer la gestion locative de ses terres agricoles dans l’attente d’une orientation définitive. Cette solution est à l’avantage du cédant. Il peut en effet décider de la durée de location, comprise entre un et six ans renouvelables. Le propriétaire perçoit une redevance annuelle garantie et versée par la Safer. Il est exonéré des cotisations sociales. Et il retrouve son bien libre à l’issue de la période choisie. La convention peut être remise en cause tous les ans si le cédant trouve un acheteur. Dans ce cas, le locataire n’est pas prioritaire à la vente.

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