Emploi : l’insertion professionnelle, une opportunité pour la filière fruits et légumes ?
Quels sont les postes à pourvoir dans les entreprises franciliennes de la filière fruits et légumes ? Quelles compétences attendent les recruteurs ? Le secteur de l’insertion professionnelle peut-il fournir des candidats conscients de la pénibilité des métiers ? Toutes ces questions ont été mises en débat lors d’un après-midi de débats et d’échanges organisé par le Comité régional Interfel Ile-de-France en partenariat avec le GRAFIE et la Cité des Métiers.
Quels sont les postes à pourvoir dans les entreprises franciliennes de la filière fruits et légumes ? Quelles compétences attendent les recruteurs ? Le secteur de l’insertion professionnelle peut-il fournir des candidats conscients de la pénibilité des métiers ? Toutes ces questions ont été mises en débat lors d’un après-midi de débats et d’échanges organisé par le Comité régional Interfel Ile-de-France en partenariat avec le GRAFIE et la Cité des Métiers.
Quelles possibilités de carrière dans les fruits et légumes ? Est-ce que l’insertion professionnelle est une opportunité pour la filière en manque de bras ? Ces deux secteurs qui se méconnaissaient l’un l’autre ont, à l’initiative du Comité régional d’Interfel Ile-de-France et le GRAFIE (Groupement Régional des Acteurs Franciliens de l'Insertion par l'Economique), échangé à de nombreuses reprises ces derniers mois, dans « un objectif d’interconnexion » : webinaires, visites de sites et job dating qui ont rassemblé au total 130 participants sur 14 visites de sites, lors desquelles chaque parti a détaillé les compétences demandées et donc les formations à mettre en place.
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Cette année de rencontres s’est conclue par une après-midi de débats suivis d’échanges informels autour de petits gâteaux et d’une exposition photos dédiée aux métiers des fruits et légumes, le 14 novembre à la Cité des Sciences et de l’Industrie de la Villette (Paris 19e).
La filière fruits et légumes a des postes à fournir à la pelle
En Ile-de-France comme ailleurs, la filière des fruits et légumes fait face au défi de l’emploi, dans de nombreux métiers. « Une filière fruits et légumes sans doute pas assez connue au-delà du slogan marketing “5 fruits & légumes par jour”. Mais derrière ce slogan il y a des gens, des métiers », estime Rafaël Ricardou, directeur de la Cité des Métiers de Paris-la Villette, mettant en question le sens des métiers et l’attractivité des filières.
« On a tous des postes à pourvoir. Moi j’ai 30 postes ouverts* », témoigne Eric Moreau, directeur régional Ile-de-France chez TerreAzur et président du Comité Interfel Ile-de-France. Lionel Exbrayat, primeur sur marché de plein vent, lui, recherche particulièrement des chauffeurs camion formés.
* préparateurs de commandes, chauffeurs poids lourds (15 postes à pourvoir), assistant commercial.
L’intérim ? Pas une solution selon les professionnels qui cherchent à pérenniser les postes. Pôle Emploi ? Bernard Oudard en est très déçu selon ses dires. Il est arboriculteur aux Vergers de Molien (30 ha de vergers, 1 000 tonnes de fruits, pommes et poires principalement). « Oui, on cherche des gens, mais l’ANPP ne m’a jamais envoyé personne. A la place, j’ai recours à des travailleurs étrangers, j’ai l’exemple d’une candidature spontanée de Roumanie, un oncle et son neveu, ils sont toujours chez moi des années après, je les ai formés, ils ont progressé au sein de l’entreprise. Je forme des gens depuis des années : cueillette, taille, conditionnement. »
Quelles compétences et quelle formation demandées ?
Quelles compétences et état d’esprit recherchent les recruteurs de la filière fruits et légumes ? « La ponctualité et la capacité de se tenir debout 8 heures d’affilé », exige Bernard Oudard. Même constat pour Lionel Exbrayat. « Le produit, ça s’apprend et les candidats ont souvent une appétence. Mais en revanche nos métiers sont pénibles ; le froid ça les rebute. Il faut un cadre : de la rigueur, la ponctualité. Donc des métiers pénibles mais qui payent : dans ma branche ont est largement au-dessus du Smic », précise le primeur de plein-vent.
« Certains métiers demandent un effort physique, avertit Eric Moreau. Mais on n’exige pas de formation particulière. Chez nous on forme en deux jours les préparateurs de commande à nos procédures. L’entreprise prend en charge et fait passer le permis CASES (Certificat d'Aptitude à la Conduite en Sécurité) pour les caristes. » Pour certains métiers (assistant commercial, vendeur), il faut « le sens du commerce » et la maîtrise de certains logiciels et outils digitaux.
Mais tous les professionnels confirment : la connaissance des fruits et légumes vient après, on apprend sur le tard. Il peut y avoir une problématique linguistique mais ce n’est pas un frein, selon Eric Moreau. « C’est mieux de maitriser parfaitement le français pour s’intégrer mais pas nécessaire pour bien travailler. »
Et l’insertion professionnelle dans tout ça ?
« Envoyez-nous les bonnes personnes, conscientes de la pénibilité », demande Antoine Massenet. Il est président de Quadrature Restauration, entreprise qui fournit 3 000 repas par jours livrées aux cantines d’école en proximité. L’insertion par l’emploi est dans l’ADN de l’entreprise et Antoine Massenet en connaît donc bien les freins. Il témoigne : « Il faut que vous, établissements de l’insertion, définissiez bien les attentes de nos entreprises. Car on le voit chez nous, au bout de la période d’insertion, sur nos trois dernières sessions on n’avait plus personne. Les conditions de températures extrêmes en positif et en négatif ont effrayé les candidats. J’ai deux très bons exemples d’insertion réussie dont un, un jeune, qui remplace le chef. Mais j’aimerais avoir plus que deux succès d’insertion. Il faut plus d’accompagnement, que les structures d’insertion viennent nous voir sur le terrain pour se rendre compte de la réalité de nos métiers. »
« On a besoin des entreprises pour qu’elles donnent goût à leur métier, demande Estelle Contamin, directrice d’APRO 77. Oui, les métiers de l’agriculture et des espaces verts sont vus comme ingrats. Mais il ne faut pas croire que nous choyons les personnes en insertion. Oui nous les accompagnons, oui nous les rassurons, mais ils sont là pour reprendre un parcours professionnel. Le Pass IAE accorde un contrat de travail pour maximum 24 mois et peut déboucher sur un CDD de six mois, pour les sortir de l’assistanat. »
APRO 77, filiale de la Croix Rouge Insertion créée fin 2016, est une plateforme logistique alimentaire dédiée à la transition alimentaire. Aujourd'hui, l'établissement développe des activités d'anti gaspillage alimentaire, d'aide alimentaire et la logistique alimentaire entre producteurs et restaurateurs. Elle a aussi la caractéristique d’employer des personnes (une vingtaine) en parcours d’insertion socio-professionnelle. « Il s’agit d’étrangers primo-arrivants, de mères au foyer, d’accidentés de la vie », précise la directrice Estelle Contamin. Ces personnes en insertion disposent d’un passeport d’insertion pour l’emploi économique (Pass IAE) de 24 mois. Un tiers de leur temps de travail est alloué à l’insertion professionnelle, ils sont accompagnés dans un projet professionnel.
« On a spécialisé les fonctions, on a travaillé sur la pénibilité, on est capable d’accueillir des gens en transition professionnelle si l’envie est là », témoigne Eric Moreau pour son entreprise.
« Il y a une vrai sujet de rencontres et d’adéquation et parfois de formations en format court », reconnaît Steven Marchand, chargé de mission IAE/ESS/Emploi à la Fédération des acteurs de la Solidarité Ile-de-France.
« Il va falloir qu’on se revoit », ont conclu les uns et les autres à l’issue de la journée.
Chiffres clés de la filière des fruits et légumes frais en Ile-de-France
12,3 millions d’habitants ;
895 000 tonnes de fruits et légumes consommés/an ;
18 000 entreprises ;
98 000 tonnes produites ;
Le défi de l’emploi, dans de nombreux métiers ;