Eloge raisonné de la proximité

La proximité est à la mode. Dans sa Loi de modernisation de l’agriculture, le ministre Bruno Le Maire fait la part belle aux circuits courts. Le plan national de l’alimentation qu’il a présenté le 28 septembre impose le recours à ces modes de distribution pour les établissements de restauration collective dépendants de l’Etat : écoles, hôpitaux, armée, prisons… Nul doute que les collectivités locales ne seront pas en reste.
Pour autant qu’elle soit remise au goût du jour, l’agriculture de proximité est loin d’être une idée neuve. Bien au contraire. On pourrait même estimer qu’elle est même à l’origine de l’activité agricole : l’autarcie pratiquée par nos lointains ancêtres n’est-elle pas l’expression la plus “courte” du circuit court.
Sans remonter aussi loin dans le temps, ni vers des formes aussi primaires de l’économie, Jean-Baptiste Noé, notre invité du mois, nous conduit vers la plaine de Montesson, en Ile-de-France. L’activité de maraîchage y est repérée au moins depuis le XIVe siècle. Elle a survécu à toutes les époques, y compris à l’arrivée du chemin de fer au XIXe siècle et à l’urbanisation de la région parisienne au XXe. Aujourd’hui, l’enjeu est la cohabitation de ces quelques centaines d’hectares de terres agricoles avec les cités des banlieues. Au-delà des lois – nécessaires – et des volontés politiques – indispensables – c’est à un dialogue entre maraîchers et urbains qu’invite Jean-Baptiste Noé.
Mais si c’est un beau projet, qui peut être une issue pour une catégorie de producteurs agricoles, la promotion des circuits courts ne peut pas, ne doit pas être la seule voie proposée à l’agriculture française. Notre pays est (encore ?) la première puissance exportatrice de denrées agricoles et agroalimentaires du monde. Le maintien de cette position de leader nécessite le maintien d’une agriculture ultra-compétitive, bien loin de la vente au bord des routes ou des cueillettes à la ferme. Le Sial, qui va ouvrir ses portes dans quelques jours, et où les fruits et légumes frais sont de plus en plus rares, est avant tout le salon de l’industrie et du commerce alimentaire. Si Bruno Le Maire va le visiter, il devra se rappeler que la proximité a ses limites.