Dossier Substrats : des substrats organiques plus performants
Le projet Ecol’eau Terreau a mis en lumière les mécanismes physiques mis en jeu au cours du développement racinaire et lors des alternances dessiccation-réhumectation au sein des substrats organiques.
Le projet Ecol’eau Terreau a mis en lumière les mécanismes physiques mis en jeu au cours du développement racinaire et lors des alternances dessiccation-réhumectation au sein des substrats organiques.
Lancé fin 2012, le projet Ecol’eau Terreau (voir encadré) vient de délivrer ses principales conclusions. Ses premiers objectifs étaient de comprendre les relations entre développement racinaire et évolution des propriétés physiques sur une large diversité de substrats (tourbes blonde, noire, écorces de pin, fibres de bois, coco et mélanges divers : tourbe blonde – écorces- fibres de bois - coco à différentes proportions ou encore tourbe blonde - perlite). Il a également permis de connaître l’impact du mode de gestion et des seuils de déclenchement de l’irrigation sur leurs propriétés hydrodynamiques.
Volume d’air plus faible mais mieux connecté
En conditions non limitantes en eau avec un régime hydrique équivalent à l’optimum hydrique (pF = 1), les substrats non plantés conservent leurs propriétés physiques initiales, n’étant pas soumis à des alternances de dessiccation-réhumectation. Les différences observées sur substrats plantés sont à relier au seul développement racinaire et indiquent que les racines colonisent la macroporosité, réduisant ainsi le volume et la taille de ces pores. En conséquence, la porosité totale du substrat et son volume d’air diminuent, tandis que sa rétention en eau augmente, les racines ayant généré des pores de plus petite taille. A cette nette réduction de la macroporosité s’oppose une importante amélioration de la connexion entre les pores. En d’autres termes, le volume d’air est plus faible mais mieux connecté et, au final, les flux d’air sont maintenus, voire dans certains cas, améliorés, à l’exception toutefois des substrats pour lesquels la macroporosité est initialement faible (< 20 % du volume) et devient presque entièrement colmatée par les racines. Conduits en conditions limitantes en eau (déclenchement de l’irrigation lorsque le substrat atteint pF = 2,5), les substrats sont affectés par les multiples alternances dessiccation (évapotranspiration) et réhumectation (irrigation) qui génèrent une réorganisation de l’espace poral du substrat. Une augmentation de la capacité en air et inversement une diminution de la rétention en eau sont observées sur substrats non plantés. Surtout, ces cycles dessiccation/humectation conduisent à une perte de la mouillabilité et l’apparition de chemins préférentiels de circulation de l’air et de l’eau, ce qui est très néfaste pour le substrat et pour la plante. Les racines évitent alors les zones du substrat où celui-ci est le plus asséché et donc les plus difficiles à se réhumecter. Dans ces conditions plus restrictives en eau, le développement racinaire et les effets qu’il génère sont plus limités. L’installation du système racinaire permet toutefois de réduire quelque peu les risques d’hydrophobie du substrat, en limitant les chemins d’écoulement préférentiels dans le substrat, le réseau poral étant alors mieux connecté.
De nouveaux paramètres plus pertinents
Ces effets et les mécanismes du développement racinaire et des cycles de dessiccation/réhumectation s’appliquent de la même façon à tous les substrats testés. Mais l’ampleur de ces phénomènes et, in extenso, le développement racinaire, varient largement selon certaines propriétés initiales de ces substrats. Ainsi, en conditions non limitantes en eau, le développement racinaire dépend des propriétés aératrices initiales (capacité en air, diffusion gazeuse), et est d’autant plus important que le substrat est initialement aéré. A l’inverse, lorsqu’il est soumis à des conduites d’irrigation plus restrictives, le développement racinaire dépend des propriétés de rétention en eau et de la mouillabilité, et est d’autant plus important que le substrat est initialement rétenteur en eau et pourvu d’une meilleure mouillabilité. La porosité totale du substrat, sa capacité en air (volume d’air à disposition des racines correspondant à la macroporosité) et sa disponibilité en eau (volume d’eau disponible pour les racines retenu dans la microporosité) ont été déterminées. Mais le projet Ecol’eau Terreau a mis en avant de nouveaux paramètres plus pertinents tels que la mouillabilité (aptitude ou non à devenir hydrophobe en s’asséchant - un des principaux inconvénients de la plupart des substrats horticoles -) ou encore la diffusion gazeuse (flux d’air) et la conductivité hydraulique (flux d’eau). Cela démontre tout l’intérêt que peuvent avoir les fabricants de substrats à déterminer ces caractéristiques, tant au niveau du conseil fourni au producteur que dans une stratégie de développement de substrats toujours plus performants pour répondre aux besoins spécifiques du producteur.
Suivre l’état hydrique des substrats
Du côté du producteur, le choix du substrat doit être raisonné en fonction des techniques d’irrigation. Dans la plupart des cas, il s’agit du goutte-à-goutte et parfois d’aspersion ou de subirrigation pour la production de plants maraîchers. Pour un développement racinaire important, son choix se portera sur des substrats aérés pour toujours assurer à la plante une conduite en confort hydrique. Il privilégiera à l’inverse des substrats à plus forte rétention en eau et à bonne mouillabilité s’il est amené à produire des plantes dans des conditions parfois plus restrictives en eau. Cela souligne l’importance de bien définir des seuils de déclenchement d’irrigation et l’intérêt crucial pour le producteur de suivre l’état hydrique des substrats en culture : une teneur en eau trop faible pouvant induire des problèmes d’alimentation en eau pour la plante (et en éléments nutritifs) couplés à des risques d’hydrophobie du substrat ; une teneur en eau maintenue trop élevée (proche de la saturation) limitant gravement l’oxygénation du système racinaire et pouvant favoriser le développement de pathogènes. Des outils relativement simples d’utilisation et peu onéreux sont disponibles sur le marché pour contrôler l’humidité du substrat. Ils doivent devenir indispensables pour le producteur dans l’optique de productions toujours plus performantes et toujours plus respectueuses de l’environnement par la maîtrise et l’optimisation des apports d’eau.
Jean-Charles Michel, enseignant chercheur à Agrocampus Ouest et président du groupe de travail « Substrats horticoles » de l’ISHS (International Society for Horticultural Science).
Nouvelles perspectives du projet Text’eau Terreau
Les résultats issus d’Ecol’eau Terreau invitent à poursuivre les recherches afin de proposer des substrats toujours plus performants. Une nouvelle étape s’est donc dessinée, visant in fine à maîtriser les caractéristiques physiques des substrats horticoles en vue d’une optimisation de leur performance agronomique. Ce projet, intitulé Text’Eau Terreau (dont le lancement est espéré fin 2018-début 2019) ambitionne de s’intéresser à la taille et la forme des particules (texture) des substrats et de les relier à leurs propriétés physiques. Ce genre d’études peut paraître assez classique a priori, car couramment effectuée en routine dans des domaines scientifiques proches comme l’analyse de sols. Toutefois, elle se limite souvent à des outils simples (granulométrie par tamisage) ou parfois plus complexes (granulométrie laser), tout en considérant les particules sphériques. Or, les matériaux utilisés comme composants des substrats horticoles se présentent sous des formes et tailles très diversifiées (fibres, plaquettes, etc., de quelques dizaines de microns à plusieurs centimètres), ce qui va logiquement influencer grandement leurs propriétés physiques (rétention en eau, aptitude au drainage). On se propose donc dans ce nouveau projet d’analyser finement la texture des matériaux.
Expérimentations et paramètres physiques suivis
Les travaux du Projet Ecol’eau Terreau se sont appuyés sur de nombreux essais en serre couplés à des mesures physiques au laboratoire, réalisés sur une large diversité de substrats (tourbes blonde, noire, écorces de pin, fibres de bois, coco et mélanges divers : tourbe blonde – écorces- fibres de bois - coco à différentes proportions ou encore tourbe blonde - perlite), de plantes (rosier, ipomée, chrysanthème, oignon), de contenants (pots plastiques ou biodégradables), soumis à différentes techniques (subirrigation, goutte-à-goutte) et stratégies d’irrigation (plus ou moins limitantes en eau). Les analyses ont été effectuées à la mise en place et en fin d’essais sur substrats plantés et non plantés, maintenus constant à pF = 1 (équivalent d’un optimum hydrique) ou avec déclenchement de l’irrigation à partir de tensiomètres lorsque les substrats atteignent pF = 2 (seuil classique chez les producteurs) ou pF = 2,5 (conditions limitantes en eau).
Repères
Projet Ecol’eau Terreau 2012-2018
Pilote du projet : Agrocampus Ouest, Unité de recherche EPHor
Partenaires industriels : Aquiland, Biolandes Pin Décor, Dumona, Fertil, Florentaise, Floragard, IfTech, Klasmann-Deilmann, Greenyard Horticulture, Lesaffre Plant Care, Premier Tech Horticulture France
Autre soutien financier : Angers Loire Métropole
Labellisé par le Pôle de compétitivité Végépolys, et également soutenu par AFAIA
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Une diversification des compositions