Salade : des nouvelles variétés face au Bremia et à la fusariose
Le grand nombre de variétés de salades mise en marché chaque année nécessite d’évaluer ce matériel végétal dans le système productif des exploitants agricoles, notamment pour le niveau des résistances génétiques proposées face à la fusariose et au Bremia.
Le grand nombre de variétés de salades mise en marché chaque année nécessite d’évaluer ce matériel végétal dans le système productif des exploitants agricoles, notamment pour le niveau des résistances génétiques proposées face à la fusariose et au Bremia.
La culture de salade fait face à de nombreuses maladies et ravageurs qui s’attaquent aux feuilles comme le mildiou (Bremia lactucae), au collet et au système racinaire (Sclerotinia spp, Botrytis cinerea, Rhizoctonia solani, Olpidium), les insectes (pucerons ou thrips) qui ne provoquent pas directement des dégâts mais participent à la transmission de virus ou encore la fatigue des sols maraîchers provoquée par des nématodes, des virus (big vein, tache orangée) et par la fusariose (Fusarium oxysporum f. sp. lactucae). Les semenciers ont déployé des variétés de salades avec des résistances génétiques à ces maladies, notamment face au Bremia et à la fusariose. Les producteurs ont donc l’embarras du choix. Toutefois, ces nouvelles obtentions disposant de résistances génétiques nécessitent d’être validées sur le terrain. Pour les variétés de laitue, les objectifs et les exigences de la filière sont le poids commercialisable, l’homogénéité de la culture, la flexibilité.
Le pourcentage de variétés résistantes au Bremia augmente
Au fur et à mesure des années, les préconisations émises par l’Aprel et d’autres stations régionales (Grab, Serail, Sica Centrex) intègrent la notion de variétés résistantes à Bremia lactucae. « On remarque que le pourcentage de variétés préconisées qui sont complètement résistantes évolue positivement au cours des années », commente Antoine Maroteaux, dans un article de Infos-CTIFL(1). Ainsi, entre les préconisations de 2018 et celles de 2020, le pourcentage de variétés référencées complètement résistantes au Bremia est passé de 14 à 44 % pour les laitues pommées, de 0 à 64 % pour les batavias blondes, de 0 à 36 % pour les feuilles de chêne blondes et de 10 à 63 % pour les feuilles de chêne rouges.
Toutefois, cette évolution positive du nombre de variétés complètement résistantes au Bremia ne suffit pas à combler les « lacunes Bremia » constatées à chaque évaluation variétale de 2017 à 2020. « On entend par "lacunes Bremia", l’absence de résistance nominale à une ou des race(s) de Bremia d’une variété », précise-t-il. Des variétés sont parfois référencées dans les préconisations seulement dans un contexte particulier de parcelle contaminée par la fusariose. Certaines variétés sont préconisées uniquement dans le contexte de production sur parcelles fusariées tandis que d’autres sont préconisées sur des parcelles saines et sur des parcelles contaminées.
Des créneaux de préconisation qui augmentent
À l’inverse, des variétés, notamment en batavia blonde, sont proposées avec une association de résistances contre Bremia, une résistance Nr(0) contre le puceron Nasonovia ribisnigri, une résistance LMV1 contre le virus de la mosaïque de la laitue et des résistances contre la fusariose. De même, les évolutions des résistances d’une année sur l’autre sont indiquées. Les variétés sont également préconisées pour des créneaux de production avec des dates recommandées pour la plantation de chacune d’entre elles. Les essais ainsi mis en place permettent de faire évoluer les préconisations d’une année sur l’autre pour les variétés qui sont conservées. Des ajustements de créneaux sont apportés en fonction des observations de terrain pour éviter les accidents de production.
Ainsi, des variétés voient leur créneau de préconisation augmenter. Antoine Maroteaux cite en exemple la variété de batavia blonde Nolanie (Rijk Zwaan) conseillée sur les années 2019 à 2022, avec une légère extension de créneau réalisée en 2022 : le créneau de préconisation automne tardif passe du 15-25 octobre au 15-31 octobre. Caracola (Seminis) a aussi vu ses créneaux de préconisation augmenter entre 2021 et 2022. Ainsi, cette variété était initialement conseillée pour des plantations du 20 au 30 septembre et du 15 au 28 février. Et sur le créneau du 1er au 15 mars, un avis technique était recommandé. En 2022, cette variété est conseillée du 20 au 30 septembre et son créneau de printemps s’étend du 1er février au 15 mars.
Des créneaux ne sont pas couverts
D’autres variétés sont restreintes à des créneaux plus étroits d’une année sur l’autre. « C’est le cas de Bancabella (Vilmorin), conseillée du 1er au 15 octobre en 2019 et seulement du 5 au 15 octobre en 2020 ou de Guenola (Seminis), conseillée du 1er octobre au 10 novembre en 2019 puis seulement sur le mois d’octobre en 2020 », fait remarquer Antoine Maroteaux dans son article. Dans les préconisations réalisées, les créneaux de certaines variétés sont, dès leur première année de préconisation, mis en hachuré pour signifier qu’un avis technique est recommandé. C’est le cas de Delsie (Rijk Zwaan), conseillée du 15 au 30 septembre en 2021. Cette même année, l’avis d’un conseiller technique était recommandé pour des plantations plus précoces du 5 au 15 septembre.
D’autres variétés ont une partie de leur créneau de préconisation qui passe en hachuré d’une année sur l’autre ; un avis technique est nécessaire avant de choisir les variétés concernées. C’était le cas de Feraga (Enza Zaden), conseillée du 25 octobre au 15 janvier en 2019 et du 25 octobre au 10 novembre en 2020. Le créneau du 10 novembre au 15 janvier nécessitant alors l’avis technique d’un conseiller. Comme les essais sur parcelles contaminées ne couvrent pas tous les créneaux de production, les préconisations des variétés proposées se basent essentiellement sur les recommandations des semenciers.
Ces nouvelles obtentions disposant de résistances génétiques nécessitent d’être validées sur le terrain.
Elire a coordonné l’expérimentation variétale
Le projet FranceAgriMer Elire, mené entre 2018 et 2020, visait à coordonner les actions d’expérimentation variétale contre le Bremia de stations situées dans plusieurs bassins de production. Il a financé les actions de sept partenaires : Aprel, chambre d’agriculture du Vaucluse, chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône, Serail, Sica Centrex, Grab et LCA. Le CTIFL est associé au projet pour son expertise technique.
Des maladies sous surveillance
Bremia : L’évolution des races de Bremia est très rapide : entre 2013 et 2019, huit nouvelles races de Bremia ont été identifiées. En 2021, l’IBEB (International Bremia Evaluation Board) a identifié une nouvelle race, la race 37, dont la présence a été authentifiée sur de nombreux bassins de production en Europe, et contre laquelle les variétés de salades proposées par les semenciers sont pour la plupart armées. Contre le Bremia, les résistances Bl:16EU à Bl:37EU sont actuellement utilisées en sélection et sont dirigées contre les races 16 à 37 du pathogène.
Fusariose : Jusqu’en 2019, une unique race de fusariose était identifiée en France. Il s’agissait de la race 1 dont la virulence était surtout observée en conditions de culture plein champ au cœur de l’été. Il y a trois ans, le projet de recherche Actifol a révélé l’existence de la race 4, souvent conjointement avec la race 1 de la fusariose. Aujourd’hui, les semenciers proposent des variétés de salade incluant des résistances intermédiaires (RI) et des hautes résistances (HR) aux races 1 et 4. La plupart des résistances sont seulement des résistances intermédiaires.
Reconnaissance des nouvelles races de Bremia : la virulence doit correspondre à une problématique de terrain
Depuis les années 1950, 37 races de Bremia ont été identifiées au niveau européen. Au niveau international, la dénomination de nouvelles races a lieu conjointement aux États-Unis (université américaine US Davis) tandis qu’en Europe, l’expertise sur les isolats est réalisée par les offices d’examen Geves (France), Naktuinbouw (Pays-Bas) et par des sociétés semencières. L’IBEB-G décide ensuite de l’inscription des nouvelles races : IBEB-US pour les isolats américains et IBEB-EU pour les isolats européens (International Bremia Evaluation Board). Pour suivre l’évolution génétique du mildiou, les semenciers sont toujours à l’affût pour identifier de nouveaux isolats de Bremia lactucae.
Un isolat est sélectionné s’il est réparti sur plusieurs régions, s’il est observé sur plusieurs années (trois ans minimum), et s’il est représentatif d’une virulence correspondant à une problématique de terrain, généralement due au contournement des résistances existantes par le champignon. Les isolats sélectionnés sont ensuite caractérisés conjointement par les semenciers et les experts : la stabilité et la reproductibilité des résultats sont vérifiées. Le groupe de travail de l’IBEB décide alors de sa dénomination en tant que nouvelle race de Bremia (par exemple Bl:37EU). Autrement cet isolat est abandonné. Depuis 2016, les races Bl:1EU à Bl:15EU ne sont plus utilisées en sélection ni mentionnées car elles ne sont plus détectées dans les parcelles des producteurs. Chaque nouvelle variété inscrite au catalogue de l’un des pays membre de l’UE est inscrite d’office au Catalogue européen.
Contre les races de fusariose
En 2016, la race 4 de Fusarium f. sp. lactucae a été publiée pour la première fois. L’International Seed Federation ou ISF a mené un travail méthodologique avec deux objectifs : valider le tableau d’hôtes différentiels incluant la race 4 et définir les niveaux de résistance à la race 4. Le set d’hôtes différentiels servant à déterminer les résistances des variétés aux races de fusariose de la salade (races 1, 2, 3 et 4) était initialement constitué par quatre variétés (Patriot, Costa Rica n° 4, Romabella et Banchu red fire). Or, ces quatre variétés n’étaient pas suffisantes pour discriminer les différents niveaux de résistances des variétés contre la race 4 de Fusarium oxysporum f. sp. lactucae. Aujourd’hui, les résistances des nouvelles variétés contre la race 1 de la fusariose sont comparées aux témoins de référence Patriot/Cobham green (sensible), Natexis (IR, borne basse) et Costa Rica n° 4/Romasol (haute résistance). Pour la race 4 de la fusariose de la laitue, les variétés en évaluation sont donc comparées aux témoins de référence Gisela (témoin sensible), Balerina (IR, borne basse) et à Lomeira et Palmos (HR).