Dans cette serre, la densité des fraisiers est augmentée grâce à la superposition des gouttières de culture
L’augmentation de la densité de plants de fraisier par superposition des gouttières rend la serre plus efficiente et augmente le rendement par mètre carré.
L’augmentation de la densité de plants de fraisier par superposition des gouttières rend la serre plus efficiente et augmente le rendement par mètre carré.
Depuis 2016, le centre CTIFL de Balandran (Gard) a lancé un essai visant à profiter de la serre F-Clean®, matériau diffusant, disponible sur le site, pour tester l’effet d’une augmentation de la densité des plants de fraisier sur le rendement au m². Cette augmentation se fait grâce à une superposition de deux et trois étages de gouttières de la culture. « En 2018, ces essais ont été effectués sur les variétés Gariguette, Dream et Cléry. Au final, nous avons obtenu une augmentation de près de 80 % des rendements par mètre carré au sol de serre avec Gariguette et Dream, en doublant la densité des cultures », expliquait Jean-Philippe Bosc, en charge des essais « fraise » lors d’une visite du centre au printemps dernier.
Optimiser l’ensoleillement hivernal
En effet, dans l’essai, deux dispositions de culture sont testées. La « référence » de 7 lignes de culture en gouttière pour une chapelle de 8 m de large est comparée à « une très forte densité » avec 3 étages de 5 lignes chacun par chapelle de 8 m, soit l’équivalent de 15 lignes de gouttière et une augmentation de +114 % de surface cultivée/m² au sol. « Cela permet de comparer deux densités : 8,75 plants par m² et 18,75 plants par m² », résume le spécialiste. « Prendre de la hauteur permet aux fraises d’avoir une activité photosynthétique plus importante en hiver puisque les plants valorisent mieux la diffusion de la lumière à cette période. En effet, les ombres portées des gouttières supérieures (accrochées à la structure de la serre, ndlr) sont moindres, ce qui permet d’optimiser l’ensoleillement hivernal », détaille Jean-Philippe Bosc. De manière pratique, les interventions sur la culture se font avec un chariot élévateur tomate qui roule sur les tubes de chauffage.
Des Leds sur l’étage inférieur en 2019
Les résultats (voir ci-contre) ayant mis en évidence que la prise de hauteur profite surtout aux étages supérieurs, une nouvelle modalité a donc été intégrée en 2019, avec un éclairage supplémentaire Led sur l’étage inférieur, « pour pallier le manque de lumière ». Cet étage est équipé de bandes Leds, positionnées environ à 10 cm au-dessus du feuillage, avec un objectif de 150 micromol/m²/s au sommet du feuillage. Les Leds ont été mises sur les plants de Gariguette. Il s’agit de bandes équipées de 3 Leds par mètre linéaire, 2 blanches et 1 rouge, d’un coût d’environ 25 €/3 bandes. « L’intérêt est que ces bandes sont reliées à un boîtier qui communique via internet pour l’enregistrement des données. ». Elles sont également plus faciles à poser et le tout offre la possibilité d’automatiser les apports lumineux, en fonction du dispositif d’éclairage choisi. En revanche, la durée de vie de la bande est à améliorer. De plus, il faut aussi régulièrement ajuster la hauteur de la bande Led à la culture, qui se développe, pour conserver une distance de 10 cm entre les Leds et le feuillage (mi-mars, trois opérations de relevage avaient déjà été faites, ndlr). Enfin, il est impératif d’installer un routeur wifi dans la serre, pour la transmission des informations lumineuses au serveur. « Il faut donc une liaison internet stable, et bien intégrer dans les charges le coût de l’abonnement. »
Sur les premières semaines d’observation, l’effet positif de ces Leds est très marqué en journée pluvieuse. En journée éclairée normalement, l’effet est net en début et fin de journée, moins entre les deux, « quand la luminosité extérieure prend la main ». Des relevés montrent que les étages intermédiaires sont toujours plus bas en lumière reçue que les étages éclairés par Led. « Nous avons un effet encourageant de l’éclairage Led sur les premiers stades. Le gain lié à cet éclairage permet de rattraper le rendement de l’étage intermédiaire, mais n’atteint pas le rendement de l’étage supérieur non-éclairé de Led ou la référence. » Autre observation : « on a vu une végétation de l’étage inférieur équipé de Led plus développée que l’étage intermédiaire, la référence ou l’étage supérieur sans Led. Cela traduit un effet booster en janvier, mais qui disparaît après, sur les mois plus ensoleillés, car la lumière naturelle permet de rattraper l’avance acquise. » L’essai va se poursuivre, « car nous constatons au moins un effet sur le feuillage qui mérite d’être creusé. Nous allons également mesurer la lumière PAR, réellement utile pour la photosynthèse », conclut Jean-Philippe Bosc.
Un gain énergétique de 40 % par kilo produit
Après trois ans, les résultats montrent, avec deux niveaux de cultures, une augmentation du rendement avec +2,3 kg/m² pour Gariguette et +2 kg/m² pour Ciflorette. Pour trois niveaux de culture, les augmentations sont supérieures : 5 kg/m² pour Gariguette, et +4,9 kg/m² pour Dream, un peu moins pour Ciflorette (+3,3 kg/m²). « On note un risque de moindre qualité sur le niveau inférieur (28 % de la production), mais les fruits restent de qualité marchande. Dans tous les cas, l’augmentation de la densité améliore la marge financière », résume Jean-Philippe Bosc. Autre observation notable : « On gagne aussi en dépense énergétique, car on produit plus de kilos pour la même quantité énergétique. Soit un gain total d’environ 40 % par kilo produit ». Toutefois, l’étage inférieur, qui reçoit moins de lumière, peut donner des fruits moins sucrés, moins aromatiques, et présentant une acidité titrable plus faible, selon les conditions d’ensoleillement. « Mais tout cela reste dans la limite d’acceptation du consommateur pour Gariguette notamment. » Après trois années d’essais, l’analyse économique permet de voir un peu plus clair sur l’intérêt, ou non, d’augmenter la densité. Ainsi, les charges en amortissement de la serre F-Clean®, gouttières, plants et substrat sont de 20,50 €/m²/an, contre 11,80 €/m²/an pour la référence. Mais l’augmentation de la production amène un produit supérieur (base : 6 €/kg) : 67,70 €/m²/an pour les 3 étages, contre 37,80 €/m² pour la référence. Au final, on a donc une augmentation de la marge partielle, avec 47 €/m² pour le dispositif 3 étages, comparativement aux 26 €/m² avec la référence. « Cette différence doit venir financer une augmentation du temps de récolte, car on a plus de fruits sur les plants, mais aussi l’achat du chariot élévateur et du dispositif de guidage sur rails hautes températures », conclut Jean-Philippe Bosc.