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Corrèze : La châtaigne se déploie chez les Chauffour

Sur la commune de Lagraulière (Corrèze), la famille Chauffour, Alain, Gisèle et leur fils Franck produit des châtaignes, depuis plus d’une vingtaine d’années. Spécialisés dans cette production, ils investissent pour augmenter les rendements de châtaignes vendues fraîches en bio.

Alain, Gisèle et Franck font de la châtaigne depuis 20 ans. Une production rémunératrice et encore loin de son plein potentiel.
© Union Paysanne

« On peut très bien vivre avec la châtaigne », assure Alain Chauffour, producteur en Corrèze et président de l’association des producteurs de châtaigne du département. Anciens fonctionnaires dans l’Education nationale, Alain et sa femme Gisèle ont débuté cette culture en 1996 après quelques années à faire des céréales. « A cette époque, la châtaigne n’avait pas de valeur, elle ne se vendait pas. Au début, je voulais faire de l’aliment de luxe pour chiens et chats. Royal Canin connaissait un grand succès. Et j’avais l’idée d’utiliser les châtaignes pour en fabriquer », raconte l’arboriculteur. Ainsi en deux ans, il plante une vingtaine d’hectares et rénove les 10 ha d’anciennes châtaigneraies. « La conjoncture fut plus favorable et le marché proposait un prix attractif, continue-t-il. Nous avons donc commencé à commercialiser nos châtaignes fraîches à un bon prix, ce qui fait que l’idée de l’aliment a été abandonnée ». Ces très bons prix de la châtaigne fraîche se maintiennent jusqu’à aujourd’hui, étant donné le manque. Face à cette demande de plus en plus importante, Alain et Gisèle continuent donc de planter pour finalement atteindre une soixantaine d’hectares actuellement, répartis sur deux départements, la Corrèze et le Lot. Entre-temps, Franck, leur fils, s’installe en individuel en 2012. « Il y a une explosion de la demande, il y a de la place pour des installations dans cette production qui est porteuse et rémunératrice », insiste le producteur. Avoir des châtaigneraies sur plusieurs zones de la Corrèze et du Lot est un choix de la famille. « C’est un risque d’avoir tout au même endroit. Nous ne sommes pas à l’abri d’évènements climatiques qui anéantiraient une récolte à venir, ou la présence de maladies comme le cynips. Diversifier l’exploitation géographiquement est sécurisant, car si un site est touché, les autres pourraient ne pas être impactés », explique Alain.

Une retenue collinaire pour augmenter les rendements

Depuis quelques années, la famille s’équipe petit à petit de matériels pour l’exploitation. « Le matériel est onéreux, car il n’existe pas de machines standards en châtaignes, c’est quasiment du matériel sur-mesure qu’il faut faire faire et acheter, rapporte Franck. Ainsi, on achète au fur et à mesure de quoi compléter notre chaîne en post-récolte. Aujourd’hui, nous avons du matériel qui nous permet de faire le trempage, le tri, le lavage, le stockage au froid mais aussi le dépiquage (retrait des deux peaux, ndlr) et le séchage de nos châtaignes pour la farine ». Le dernier investissement en date est une retenue collinaire de 32 000 m3. « Il nous reste à installer l’irrigation mais nous attendons les subventions demandées pour la retenue collinaire pour pouvoir payer sa mise en place », indique Alain. Son coût est estimé à 8 000 €/ha en s’équipant de petits sprinklers, « ce qui permet de faire le tour des parcelles à irriguer plus rapidement et de revenir tous les huit jours sur la même parcelle ». Le castanéiculteur a besoin de 2 000 m3 d’eau par hectare si la saison est sèche en août et septembre, moment où les châtaignes ont le plus besoin d’eau. Ces conditions ont tendance à être récurrentes d’où la décision de la retenue collinaire. « Une châtaigneraie irriguée, c’est 40 % de rendement en plus avec des fruits de meilleurs calibres et donc mieux rémunérés ».

Un tiers de perte de récolte dû au carpocapse et à la pourriture

L’ensemble de leurs châtaigneraies est en agriculture biologique, en label rouge et a la certification GlobalG.A.P. « Cette dernière certification permet de vendre à l’étranger, notamment en Allemagne », indique le producteur. Le label rouge n’en est encore qu’à ses débuts. Seuls les fruits les plus gros, beaux et d’une bonne qualité interne peuvent être sélectionnés pour ce label. Mais pour le moment, aucun commerçant en Corrèze n’en vend, faute de demande. Le label AB permet d’obtenir de meilleurs prix mais certaines impasses techniques existent. « Contre le carpocapse notamment, nous n’avons pas de produits efficaces, regrette Alain. Sur chaque récolte, environ huit tonnes sont perdues à cause de ce prédateur. Des pistes sont testées comme la confusion. » Contre le cynips, les lâchers de Torymus commencent à porter leurs fruits. Et sur les arbres les plus vigoureux, « nous observons que les pontes de cynips n’arrêtent pas la pousse de l’arbre. » Mais la problématique la plus préoccupante est l’apparition de dégâts de pourriture de conservation depuis trois ans. Maladie contre laquelle aucun moyen de lutte n’existe pour le moment. « En 2018, tout le monde a perdu de grosses sommes d’argent car la châtaigne pourrie ne se détecte pas systématiquement au triage. En plus des pertes au triage, entre deux et six tonnes par exploitation, nous avons dû gérer les retours, car des châtaignes pourries se sont retrouvées dans le commerce. Près de 40 % de la production était pourrie sur tout le Sud-ouest en fin de saison. » Comme pour le carpocapse, ce sont les conditions climatiques estivales de plus en plus chaudes qui favorisent cette maladie. Ces deux bioagresseurs réunis font perdre près d’un tiers de la production chaque année. « Il faut plus de moyens pour que les chercheurs trouvent des solutions ! » Un combat qu’Alain Chauffour mène à Paris, via le syndicat national du comité de la châtaigne dont il est membre. Il sensibilise députés, sénateurs et autres élus aux problématiques liées à la châtaigne.

A savoir

Parcours

1978 reprise de l’exploitation céréalière familiale

1996 plantation de nouvelles châtaigneraies et travail sur les anciens

1998 conversion en agriculture biologique

2012 installation de Franck Chauffour sur une autre exploitation

2018 construction d’une retenue collinaire

Une transformation à la ferme

La famille Chauffour transforme aussi près de deux tonnes de leurs châtaignes par an, en farine, châtaignes pelées et crème de marrons. « Nous sous-traitons pour la crème de marrons, indique le producteur. Mais nous nous sommes équipés d’un moulin pour la fabrication de farine. » Ce sont surtout les volumes récoltés en fin de saison lorsque le marché se termine qui sont transformés. Pour fabriquer un kilo de farine, il faut trois kilos et demi à quatre kilos de châtaignes fraîches. La vente de farine se fait au détail, pour la cosmétique et en grande surface.

 

 

 

 

 

 

Une pépinière pour pallier le manque de plants

« Beaucoup de châtaigneraies se plantent en ce moment et les pépiniéristes n’arrivent pas à fournir le matériel voulu », indique Alain Chauffour. C’est pourquoi la famille s’est lancée dans sa propre pépinière. Ils produisent près de 3 000 plants par an. Après quatre ou cinq ans, les meilleurs sont sélectionnés pour être plantés sur les exploitations d’Alain et Gisèle et celle de leur fils. Plusieurs variétés sont produites. Certaines se développent sur leurs propres racines comme Marigoule, Bouche de Betizac, Marsol ou Maraval. « Mais les variétés plus productives et plus tardives que nous souhaitons développer, comme OG19, sélectionnée par Invenio et en attente de nomination, ont besoin d’être greffées », continue l’arboriculteur. La famille Chauffour souhaite en effet changer de variétés. « Dans les prochaines plantations, nous arrêterons Bouche de Bétizac qui est trop précoce et Marigoule qui n’est pas très productive. Nous voulons choisir des variétés qui entrent aussi plus tôt en production, vers la 7e année plutôt que la 12e ».

 

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