« Contre toute attente j’ai rejoint l’aventure familiale dans la pomme de terre et j’y ai découvert un métier riche dont je partage les valeurs »
Joanny Dussurgey, dirigeant de l’entreprise de négoce Select’up, est depuis le 14 mai président du CNIPT pour 18 mois. Pour FLD, il dresse la feuille de route de l’interprofession de la pomme de terre pour le frais et les challenges que la filière pomme de terre doit relever.
Joanny Dussurgey, dirigeant de l’entreprise de négoce Select’up, est depuis le 14 mai président du CNIPT pour 18 mois. Pour FLD, il dresse la feuille de route de l’interprofession de la pomme de terre pour le frais et les challenges que la filière pomme de terre doit relever.
Joanny Dussurgey, 37 ans, dirigeant de l’entreprise de négoce Select’up et administrateur de Fedepom (Fédération Nationale des négociants en pomme de terre) depuis plusieurs années, est le nouveau président du CNIPT, l’interprofession de la pomme de terre pour le frais, depuis le 14 mai. Pour FLD, il dresse la feuille de route de l’interprofession et les challenges auxquels la filière pomme de terre doit répondre.
A l’occasion de cette interview, le président du CNIPT a aussi fait le point sur les emblavements de la campagne à venir et la disponibilité en pomme de terre française pour tous les débouchés, à court terme mais aussi à moyen terme.
FLD : Qui est Joanny Dussurgey ?
Joanny Dussurgey : Joanny, 37 ans, je vis en région lyonnaise et je suis petit-fils d’agriculteur et fils d’agriculteur. Mes grands-parents étaient agriculteurs et les 5 enfants et leurs « valeurs ajoutées » -comme on dit chez nous- ont tous poursuivis, avec une migration du métier vers celui de négociant, avec l’avènement de la grande distribution (dans notre région c’était Casino). Et en 2006 mon père Michel et son technicien de culture Didier Chaplain ont créé Select’up, leur entreprise de négoce de pommes de terre avec l’ambition de faciliter et fluidifier les échanges producteurs/conditionneurs en préservant les intérêts de chacun. Nos métiers ayant tendance à se complexifier, l’idée était de fluidifier, toujours en gardant un esprit de filière.
FLD : Une carrière dans la pomme de terre était donc une évidence pour vous ?
Joanny Dussurgey : Moi j’ai rejoint l’entreprise en 2010 mais rien ne me destinait à ce métier. Mon rêve d’enfant était d’être agent sportif. J’ai fait une école de commerce et une première expérience dans le marketing et la communication chez l’Oréal, donc rien à voir avec l’agriculture et la pomme de terre. Puis, rapport à mon rêve d’adolescent de métier idéalisé, j’ai compris par des témoignages que la réalité terrain de ce métier ne me convenait pas et contre toute attente, j’ai rejoint l’aventure familiale. Je dis bien « contre toute attente », car en 24 ans, il ne m’était jamais venu à l’idée de poser la question à mon père et lui ne m’avait jamais parlé de l’entreprise. Mes parents m’ont toujours laissé le choix de suivre mes rêves. Et finalement j’ai découvert le métier auprès de mon père, j’ai adoré ; le métier autant que de travailler avec mon père. J’ai trouvé un métier avec beaucoup de valeurs que je partage et qui sont importantes pour moi : la proximité ; la co-construction ; les relations humaines et la qualité relationnelle, facteur d’épanouissement ; les compétences linguistiques qu’il faut pratiquer pour conserver.
FLD : Vous êtes désormais à la tête de votre entreprise Select’up, et aujourd’hui du CNIPT. Quelle est votre feuille de route ?
Joanny Dussurgey : Effectivement, j’ai repris l’entreprise familiale en 2016. Et aujourd’hui, depuis le 14 mai, je suis aussi président du CNIPT, l’interprofession de la pomme de terre pour le frais. Il y a avait un besoin de finir un mandat en cours, avec de beaux challenges à relever pour la filière, et je me suis présenté. Il y a des grandes ambitions mais il faut garder une certaine humilité : 18 mois ça passe très vite [le renouvellement du bureau du CNIPT est intervenu suite à la démission contrainte de Francisco Moya. Joanny Dussurgey assume donc la continuité du mandat 2023-2026 dévolu au collège Commerce, NDLR]. Nous allons donc poursuivre les travaux entamés, avec l’ambition de renforcer l’unité de notre filière pour pouvoir répondre aux enjeux forts de la filière pomme de terre.
« Il y a des grandes ambitions pour le CNIPT mais il faut garder une certaine humilité : 18 mois ça passe très vite »
FLD : Quels sont ces « enjeux forts » pour la pomme de terre ?
Joanny Dussurgey : J’en citerai trois. Premièrement, la communication au sens plus global, sur notre produit. Notre produit est connu certes, mais il y a un besoin de maintenir l’information sur tous les atouts de la pomme de terre. Elle est une partie de la réponse au problème d’inflation, aux sujets alimentaires et environnementaux et de préservation des ressources naturelles. Mais encore faut-il le communiquer.
Lire aussi : La pomme de terre serait-elle la solution aux défis que l’agriculture mondiale doit relever ?
Autre enjeu fort : le réchauffement climatique qui perturbe la régularité du climat. Or la pomme de terre n’aime pas être stressée. Il va falloir adapter nos pratiques culturales et sélection variétale. Et pour cela il faut être unis.
Troisièmement : politiquement, les projecteurs n’ont jamais été autant braqués sur nos métiers agricoles qu’aujourd’hui. Pour être écoutés, il faut coconstruire la feuille de route de l’agriculture française et il faut la collaboration de tout le monde.
« Pour adapter nos pratiques au réchauffement climatique et aux attentes, il faut être unis »
FLD : Vous avez 37 ans, la nouvelle trésorière Jessica Tessier 39 ans. Votre jeunesse sera-t-elle votre force ?
Joanny Dussurgey : Je pense que la diversité -d’âge, de sexe, d’expérience, politique…- apporte toujours un plus. Jessica et moi sommes effectivement dans la même tranche d’âge. Nous avons aussi un background différent puisque elle comme moi n’avons pas fait toute notre carrière dans la pomme de terre ni même dans l’agriculture. Mais nous sommes inspirés par nos aînés. Nous sommes tous les deux relativement jeunes dans notre approche filière mais en même temps nous disposons de l’expérience familiale.
« Je pense que la diversité : d’âge, de sexe, d’expérience, politique… apporte toujours un plus. »
FLD : La transmission et le renouvellement des générations sont-ils aussi un enjeu dans la filière pomme de terre ?
Joanny Dussurgey : Beaucoup d’entreprises de la filière se sont montées dans les années 70-80 voire 90. Dans les 10 ans à venir, ces entreprises, de l’amont comme de l’aval, vont donc devoir renouveler leurs dirigeants. Ce sujet de transmission concerne tous les secteurs, pas que notre filière pomme de terre. Il me semble avoir lu que dans les 10 ans à venir, 10 000 entreprises seront concernées par un changement de dirigeant pour cause de retraite. Ce n’est pas un sujet à prendre à la légère. C’est une des revendications du monde agricole et nous avons été consultés dans le cadre du projet de loi d’orientation agricole. L’enjeu est de trouver comment garder le savoir-faire français et comment rendre attractif nos métiers, et pas seulement attractif pour les salariés mais aussi pour les écoles et organismes de formation qui ne les connaissent pas. Ce sont pourtant des métiers diversifiés et enrichissants et qui plaisent a priori puisque quand les gens entrent dans nos filières, généralement ils y restent.
Les rendez-vous du CNIPT :
Le CNIPT et l’ensemble des filières pomme de terre ont fêté la première édition de la Journée internationale de la pomme de terre le 30 mai dernier, soutenue par les pouvoirs publics. Les retours de l’événement convivial au ministère de l’Agriculture sont très bons, « un joli premier événement ». Cette célébration a été suivie de manière assez inégale en régions « car c’était une première mais nul doute qu’il y aura un tout autre niveau de couverture pour l’année prochaine », estime le président du CNIPT.
En attendant, le CNIPT donne rendez-vous au Potato Europe les 11 et 12 septembre à Villers-Saint-Christophe dans les Hauts-de-France. Après trois éditions à l’étranger, c’est le retour en France du salon européen de la pomme de terre, une première en huit ans (l’exposition revient tous les 4 ans en France mais la dernière édition avait été annulée pour cause Covid). Plus de 15 000 personnes sont attendues.