Comment les maraîchers nantais visent la décarbonation de leurs serres
Une journée sur la décarbonation des serres a été organisée mi-avril par la Fédération des maraîchers nantais. Plusieurs pistes sont à l’étude.
Une journée sur la décarbonation des serres a été organisée mi-avril par la Fédération des maraîchers nantais. Plusieurs pistes sont à l’étude.
En région nantaise, environ 150 hectares de serres verre chauffées sont exploités pour la production essentiellement de tomate et concombre. Le chauffage y est assuré en majorité par 49 moteurs de cogénération utilisant du gaz naturel pour produire de l’électricité, avec récupération de la chaleur des moteurs et des fumées pour chauffer les serres. En 25 ans, les moteurs ont beaucoup évolué et les rendements atteignent aujourd’hui 94 %, permettant aux serristes d’alimenter en électricité l’équivalent de 300 000 habitants. Une partie dispose encore de contrats avec obligation d’achat de l’électricité avec EDF, qui les obligent à faire fonctionner les cogénérations du 1er novembre au 31 mars.
Le reste de l’année, les cogénérations peuvent aussi fonctionner, avec alors vente de l’électricité sur le marché libre. « Pendant la crise énergétique, le fonctionnement des cogénérations hors période obligatoire a permis d’amortir la hausse du prix du gaz, note Stéphane Olivier, dirigeant du Groupe Olivier, producteur de tomate et concombre en région nantaise. Et avec l’arrêt progressif des contrats avec obligation d’achat, les cogénérations passent progressivement sur le marché libre. » Les cogénérations sont complétées par des chaudières classiques au gaz naturel, en secours et pour les périodes hors cogénération, et par cinq chaudières à bois.
Récupération du CO2 des fumées
Mais face à l’urgence climatique et parce que l’énergie reste le deuxième poste de charges des serristes après la main-d’œuvre, les maraîchers nantais s’intéressent depuis quelques années aux moyens de réduire leur consommation d’énergies émettrices de gaz à effet de serre, même s’il faut plutôt parler de « défossilisation » que de « décarbonation » selon Jean-Luc Fugit, président du Conseil supérieur de l’énergie. « Les maraîchers nantais ont toujours innové pour répondre aux défis de leur époque », souligne Régis Chevalier, président de la Fédération des maraîchers nantais. Plusieurs pistes sont examinées. Une première piste est d’économiser encore l’énergie. Ces dernières années, les investissements dans des écrans thermiques et le monitoring des serres ont été renforcés.
Des programmes de rénovation des serres sont également engagés, avec la mise en place de serres plus étanches. Une autre piste est la récupération du CO2 des fumées pour l’injecter dans les serres et optimiser la photosynthèse et le rendement de la production. Toutes les chaudières classiques sont aujourd’hui équipées d’un catalyseur CO2 permettant d’extraire le CO2 des fumées. Et la technique se déploie sur les cogénérations, moins de 20 % toutefois en étant aujourd’hui équipées. Actuellement, comme le CO2 ne peut être valorisé par les plantes qu’en journée, seule la moitié du CO2 émis par les cogénérations qui fonctionnent jour et nuit peut être valorisée. Mais sur le marché libre, le fonctionnement uniquement en journée des cogénérations pourrait permettre de récupérer et valoriser la totalité du CO2.
Pyrogazéification de biomasse sèche
Une autre solution étudiée par les serristes est la pyrogazéification, procédé thermochimique permettant de valoriser de la biomasse sèche (plaquettes forestières, palettes, déchets de mobilier, résidus agricoles…) pour produire du gaz (syngas) et un solide riche en carbone, le biochar. Le syngas, appelé aussi gaz de synthèse, peut être utilisé en substitution du gaz naturel dans certaines industries (four à chaux, à terre cuite…).
« Mais on peut aussi ajouter un moteur, pour transformer ce gaz en électricité, ou une solution de méthanation pour produire du méthane qui peut être injecté dans le réseau, explique Christophe Serpeau, directeur du développement de Gazo Tech, qui propose des solutions de pyrogazéification. Et le biochar a une grande valeur agronomique et permet de bénéficier de crédits carbone. » Une pyrogazéification fonctionne déjà dans une distillerie à Limoux. Pour 1,2 MWh, elle consomme 400 kg/h de marc de raisin. Une autre sera bientôt installée pour chauffer un projet de serres près de Brest. Pour 2,5 MWh, elle consommera 850 kg/h de bois de palette venant d’un site à 20 km. « Pour chauffer des serres, il faut utiliser du bois propre, sans polluant », précise Christophe Serpeau.
Intégrer de l’hydrogène « vert »
Une autre piste à plus long terme est l’hydrogène. « L’hydrogène pourrait remplacer le gaz naturel dans des moteurs à combustion très proches des cogénérations actuelles, explique Alexandre Mahé, responsable développement de GeniWatt, qui propose un groupe électrogène fonctionnant à l’hydrogène. L’enjeu est qu’il faut de l’hydrogène “vert”, produit localement à partir de panneaux photovoltaïques, d’éoliennes… »
Les projets de production d’hydrogène devant être d’une certaine taille pour être viables et soutenus par l’Ademe, une mutualisation des serristes avec d’autres acteurs serait toutefois nécessaire. L’idée ensuite serait d’utiliser l’hydrogène dans des moteurs de cogénération fonctionnant le jour au gaz naturel, pour pouvoir extraire du CO2 pour les plantes, et la nuit à l’hydrogène, sans arrêt du moteur. « De tels moteurs existent déjà », précise Gilles Marguerat, d’Eiffage énergie systèmes.