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« Des marchés se ferment mais d’autres restent à ouvrir » : Christophe Artero, exportateur de fruits et légumes sur les marchés lointains

Christophe Artero est spécialiste du grand export en fruits et légumes. Pour FLD, il analyse l’évolution du métier, les nouvelles tendances et l’avenir de l’exportation française. « Nous aurons besoin de l’appui de notre administration française, de ports maritimes performants  et d’une compagnie maritime française à nos côtés », avertit-il aussi.

Portrait de Christophe Artero sur un stand sur un salon
Christophe Artero, directeur général de FDA International : « Des marchés se ferment mais d’autres restent à ouvrir. Je pense par exemple au Mexique pour les pommes, qui représente un fort potentiel. »
© Christophe Artero

Christophe Artero est directeur général de FDA International, société d’exportation maritime de fruits et légumes français. Lors d’une interview à FLD le 12 février, ce spécialiste du grand export, très méthodique, nous raconte les évolutions du métier depuis 30 ans, sa stratégie, ses fiertés et ses espoirs d’ouverture de marché pour des fruits et légumes français.

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FLD : Qui est Christophe Artero ? Quel est votre parcours ?

Christophe Artero : J’ai tout d’abord effectué mon stage de fin d’études à Alméria en Espagne dans la coopérative de fruits et légumes Agroponiente. Puis j’ai débuté ma carrière professionnelle, en 1994, toujours dans les fruits et légumes et à l’exportation. Un producteur indépendant cherchait de nouveaux marchés pour ses fruits. 

A cette époque la conteneurisation s’était développée (auparavant le transport maritime s’effectuait dans des cales réfrigérées). Nous  pouvions donc envoyer de plus petites quantités à l’autre bout du monde. 

J’ai donc été chargé de trouver et de développer de nouveaux marchés lointains : le Sud-Est asiatique qui était alors dans l’ère du temps, puis le Moyen-Orient, l’Amérique du Sud et Centrale… J’ai commencé en fruits, puis en fruits et légumes, et enfin en fruits et légumes et alliums.

« A cette époque la conteneurisation s’était développée »

 

FLD : Pouvez-vous présenter votre entreprise FDA International ?

Christophe Artero : FDA International, basée à Saint-Barthélemy-d'Anjou (Maine-et-Loire), est une société de négoce en fruits et légumes que j’ai créé en 2016 avec des producteurs afin d’exporter leurs fruits et légumes et alliums. Nous avions des accords avec les producteurs, par bassin de production : Val de Loire, Sud-Est et Sud-Ouest pour les fruits ; pour les alliums (ail oignon échalote) nous travaillions principalement avec l’Anjou et la Bretagne.

Aujourd’hui nous sommes une entreprise de 5 personnes dédiées au commerce. Les opérations non-opérationnelles (informatique, finances, marketing…) sont sous-traitées à des entreprises angevines.

 

FLD : Quelles compétences et savoir-être faut-il avoir pour être exportateur en fruits et légumes ?

Christophe Artero : Un : Il faut connaître et aimer les produits. Pour les vendre, d’autant plus à l’international, il faut y être sensible pour véhiculer l’attrait du produit.

Deux : il faut avoir un ADN international. La découverte de nouveaux pays, clients, façons de penser, de voir les choses, tout cela est passionnant. Il faut être curieux des choses pour pouvoir rapporter des idées nouvelles qu’on a vues à l’étranger et les greffer sur notre secteur d’activité. J’ai beaucoup voyagé, un peu moins maintenant.

« Il faut être curieux des choses. La découverte de nouveaux pays, clients, façons de penser, de voir les choses, tout cela est passionnant »

 

FLD : Quelles évolutions  du métier avez-vous pu constater depuis 1994 ?

Christophe Artero : J’en vois trois majeures. 

La première : l’EMERGEANCE de NOUVEAUX PAYS. Des pays émergeants qui ne produisaient pas auparavant (Pologne, Turquie, Serbie, Ukraine, Moldavie…) sont venus nous prendre des parts de marché. La production française, elle, a baissé.

Deuxième évolution : l’ATOMISATION DES MARCHES. J’ai constaté une hausse du nombre d’acteurs dans la filière en amont et en aval. On a vu un nombre croissant d’opérateurs français, européens et étrangers qui se sont diversifiés et donc des pays autrefois structurés qui se sont atomisés au fil des années.

Troisième évolution : UN PROTECTIONISME GRANDISSANT. Des pays, autrefois clients importants, ont imposé des restrictions croissantes, et je les qualifierais de “phytosanitairement protecteurs”. L’Indonésie ou la Thaïlande pour la pomme peuvent refuser des conteneurs aisément et exigent de plus en plus d’agréments stations/vergers. Ces destinations sont de plus en plus contraignantes, et donc disparaissent peu à peu.

« Des pays émergeants qui ne produisaient pas auparavant sont venus nous prendre des parts de marché. La production française, elle, a baissé »

 

FLD : D’autres marchés restent-ils à ouvrir ?

Christophe Artero : Des marchés se ferment mais d’autres restent à ouvrir. Je pense par exemple au Mexique pour les pommes, qui représente un fort potentiel. De même, le Vénézuéla qui était autrefois une des destinations phares pour les exportateurs français.

Je ne désespère pas voir des échalotes et des échalions français dans les rayons des supermarchés brésiliens. Lorsque je constate que nos voisins européens exportent mais pas nous…

Les accords du Mercosur, contre lesquels se positionnent les agriculteurs qui craignent pour le marché de la viande, sont à mon sens une aubaine pour les exportateurs fruits et légumes et pour les viticulteurs français.

En Asie, le potentiel est certain en légumes. Le Japon est un marché haut de gamme à ne pas négliger.

Des marchés devraient s’ouvrir sous le travail des pouvoirs publics français. Je souhaiterais voir un appui et un dynamisme plus important de la part de notre administration française.

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FLD : Que faire face à ces difficultés ?

Christophe Artero : Face à cela on est résilient -une autre qualité à avoir dans la filière des fruits et légumes. Il faut toujours se remettre en question, comprendre ce qui a marché et ce qui n’a pas marché. Il n’y a pas de solution miracle. Comme mon grand-père disait, il faut être droit dans ses bottes. 

Ma stratégie est d’avoir une vision sur 3 ans et ensuite garder ce cap, s’y fixer même si surviennent des pépins commerciaux, climatiques, etc. Il faut toujours garder sa position, avoir confiance en soi et en son équipe. Surfer sur la vague ou être opportuniste ne font pas partie de mes valeurs. 

FDA International est un exportateur français implanté et reconnu en France mais à l’échelle mondiale nous sommes tout petit. Pour nous démarquer, nous misons sur le service client. Nous avons aussi créé une identité propre avec une marque déposée, associée à notre entreprise et à notre image: Kawane.

« Ma stratégie est d’avoir une vision sur 3 ans. Il faut toujours garder sa position, avoir confiance en soi et en son équipe »

 

FLD : Quelle est votre plus grande fierté dans ce métier ?

Christophe Artero : Voir son produit dans un rayon de la grande distribution  ou sur un étal de marché à l’autre bout du monde est l’aboutissement d’un long travail et une vraie fierté. Véhiculer l’image de la France à l’international est aussi une fierté.

 

FLD : Demain, en quoi constituera le métier d’exportateur en fruits et légumes ?

Christophe Artero : Excellente question ! D’autant que je ne “vois” qu’à trois ans. 

Ce que j’ai constaté depuis 10 ans, c’est que tout le monde veut désormais faire le métier de tout le monde. Je voudrais que les entreprises reviennent à un domaine de marché spécialisé pour réduire cette atomisation. Est-ce que c’est possible ? Je n’y crois pas malheureusement.

Autre tendance : les pays tentent à se recroqueviller sur leurs territoires nationaux ou de proximité. 

Le métier d’exportateur consistera à être rapide, flexible et irréprochable, car même à l’autre bout du monde, les clients sont exigeants et impatients. Nous aurons besoin de l’appui de notre administration française, nous aurons besoin de ports maritimes performants  et d’une compagnie maritime française à nos côtés. Nous FDA International gardons le cap que l’on s’est fixé et nous nous reverrons dans trois ans.

« Le métier d’exportateur consistera à être rapide, flexible et irréprochable, car même à l’autre bout du monde, les clients sont exigeants et impatients »

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