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Ces communes qui misent sur l’agriculture

Villes et métropoles tentent de promouvoir l’installation de jeunes passionnés, farouches partisans de nouveaux modèles de production. La démarche des collectivités n’est pas dénuée d’arrière-pensées. Elles peinent parfois à trouver des candidats à l’installation.

JURISTE DE FORMATION, MARINE BARDON a passé un BTS agricole pour s’installer en bio sur cinq hectares avec son associé Quentin Florent.
© T. BECQUERIAUX

Ils sont jeunes, mais pas toujours issus du milieu agricole. Ils sont motivés pour s’installer en agriculture, mais ne trouvent pas de foncier disponible. D’ailleurs, ils n’ont pas les moyens financiers d’y investir et ont parfois "un profil atypique" ! Cette nouvelle génération de paysans imagine de nouveaux modèles regroupés commodément sous le terme "agriculture urbaine" (voir encadré). Mais, les élus locaux lui préfèrent de beaucoup le terme "agriculture périurbaine" qui exclut les jardins associatifs ou partagés, les toits cultivés, les containers ou les tours maraîchères… En visant notamment la reconquête de certaines friches ou ceintures maraîchères en déclin.

Revitaliser certaines zones périurbaines

A l’écoute des préoccupations actuelles des consommateurs, les élus ne restent pas insensibles à l’attente des citoyens devenus "consom’acteurs". Même s’ils sont le plus souvent tiraillés entre un besoin de foncier agricole, pour satisfaire la demande de logements croissante ou celle du monde économique en recherche de nouvelles implantations, et l’exaspération croissante d’agriculteurs. Ceux-ci voient disparaître 50 000 à 60 000 ha de terres agricoles chaque année, destinées à être artificialisées... On assiste donc aujourd’hui à une explosion d’initiatives en tous genres mais dont la rentabilité économique n’est pas toujours assurée. Le monde agricole assiste - parfois incrédule – à l’arrivée de ces paysans sans terre… s ur des zones préemptées par les collectivités publiques et sur lesquelles ils lorgnaient depuis longtemps ! Certains considèrent d’ailleurs l’émergence de cette nouvelle forme d’agriculture comme un concept "bobo" et doutent de la pérennité de tels projets. A la base, il y a toujours la même volonté des élus : la nécessité de revitaliser certaines zones périurbaines ou ceintures vertes en déclin.

Etudes préalables, mises aux normes...

Les statuts des collectivités ne favorisent pas l’avancée des projets.

Les sites vont de terrains en friches à d’anciennes bases aériennes reconverties en zone économique en y intégrant des productions agricoles, comme à Brétigny-sur-Orge (Essonne), où un pôle régional d’agriculture bio est prévu sur 75 ha . L’ancienne base de Metz-Frescaty (Moselle, 328 ha) devrait voir la création d’un agrobiopole. Les projets se développent aussi sur des terrains sans eau ou sur des sites enclavés en milieu urbain… voire sur d’excellentes terres agricoles préemptées par une Safer à l’occasion d’une restructuration foncière ! Les mêmes partenaires sont souvent associés à ces nouveaux projets de développement. Outre les élus locaux, on y retrouve Chambres d’agriculture, Safer, Terre de Liens, le réseau des Amap, les groupements d’agriculteurs biologiques… Parmi les initiatives développées en France, celle de Wavrin (Nord) fait désormais figure de modèle (voir page 8). Mais elle est loin d’être la seule. Animateur du réseau "Terres en Ville", qui regroupe une trentaine d’agglomérations françaises de plus de 80 000 habitants, Serge Bonnefoy est intarissable sur les expériences qui se multiplient aux quatre coins de la France, notamment dans les anciennes ceintures vertes. C’est le cas de Vaulx-en-Velin (Rhône), de Blagnac (Haute-Garonne) ou de Montesson (Yvelines) où les collectivités impulsent de nouveaux dynamismes. A Sainte-Gemmes-sur-Loire, près d’Angers (Maine-et-Loire), elles favorisent l’installation de nouveaux agriculteurs, comme sur le plateau briard à Perigny-sur-Yerres (Val-de-Marne) dans des territoires désertés par d’anciens maraîchers.

Des contraintes liées au statut des collectivités qui découragent

De son côté, la communauté du Grand Besançon (Doubs) pilote depuis 2004 le projet partenarial "Sauge" (solidarités agricole et urbaine pour des gains économiques, environnementaux et en terme d’emplois) visant à retisser des liens entre ville et campagne. A proximité de Tours, l’association Fermes d’avenir développe depuis 2014 une ferme expérimentale sur le site de La Bourdaisière à Montlouis-sur-Loire (Indre-et-Loire). Son objectif ? « Montrer que, sur un hectare, il est possible de créer des emplois pérennes en maraîchage biologique, avec un modèle économique viable et respectueux de l’environnement, reproductible sur d’autres territoires ».

A Toulon (Var), le projet de la zone horticole de la Bastidette prévoit de consacrer 13 ha à la production horticole. L’agglomération d’Orléans (Loiret) a créé une ZAP (zone agricole protégée) de 284 ha à Chécy. De multiples actions d’animation y ont été engagées en l’espace de cinq ans avant que le premier paysan ne s’installe sur 4,2 ha le 1er janvier 2016. Il reste que, si ces initiatives répondent la plupart du temps aux mêmes préoccupations, elles se heurtent parfois aux contraintes liées au statut des collectivités. Outre la longueur des procédures en matière d’acquisition des terres, elles sont obligées de procéder à des études préalables (archéologie préventive, diagnostic faune – flore, études hydrologiques, analyses de sols...), sans compter les mises aux normes de sécurité draconiennes quand il s’agit de construire un hangar. Autant de contraintes qui allongent parfois, et de façon importante, les délais d’installation potentielle, et qui poussent parfois les porteurs de projet à abandonner. Bien sûr, ceux-ci ne sont pas exempts de tout reproche : manque cruel de moyens financiers (« Ils attendent tout de la collectivité »), individualisme forcené chez certains, frilosité dans leur volonté d’entreprendre…

BRÉTIGNY-SUR-ORGE (ESSONNE)

Le projet prend du retard

A Brétigny-sur-Orge (Essonne), la reconversion des 217 ha de l’ancienne base aérienne devrait permettre de compenser les 2 000 emplois perdus par le départ de l’armée de l’air. 75 ha seront consacrés à l’agriculture biologique « avec l’idée de pouvoir installer des jeunes agriculteurs hors cadre familial ». Un protocole d’accord a été ainsi signé le 7 juillet 2017 entre Coeur d’Essonne Agglomération et Fermes d’avenir pour la création d’une « grande ferme agro-écologique productive, duplicable sur les territoires et au service d’un nouveau modèle de développement agricole ». Si tout va bien, la mise en route de la zone devrait avoir lieu en 2018…

TOULON (VAR)

On attend les candidats

Imaginé en 2009, le projet de la "zone horticole de la Bastidette" développé par Toulon Provence Méditerranée (TPM) sur la commune de La Crau (Var) prévoit de consacrer 13 ha au développement de la production de fleurs méditerranéennes (gerbera, pivoine, renoncules…). Piloté par Florisud, regroupant l’ensemble des partenaires de l’horticulture varoise, le projet attend toujours ses premiers candidats. Gestionnaire de la zone, TPM a pourtant réalisé les aménagements nécessaires afin de garantir le meilleur accueil aux candidats potentiels. Après un deuxième appel à candidatures en 2017, il manque toujours les candidats !

GRAND PÉRIGUEUX (DORDOGNE)

En phase de test

La communauté du Grand Périgueux a acheté en 2012 20 ha de terres agricoles au Chambon, à Marsac-sur-l’Isle (Dordogne), pour « préserver le foncier et favoriser les circuits courts ». La collectivité a rétrocédé 6 ha du site à Terre de liens qui a conclu un bail environnemental assorti de clauses spécifiques (bio et vente directe notamment) aux deux premiers maraîchers. Ils accompagneront les "apprentis maraîchers" qui passeront par le Chambon. Car les nouveaux candidats ne « feront que passer, histoire de tester leurs motivations et leurs aptitudes à exercer le métier »… Avant une phase d’installation définitive sur d’autres terres disponibles.

Pour un autre modèle agricole

La plupart des candidats à l’installation sont rarement passés par la case formation agricole, mais « ils en veulent ! ». Et rêvent surtout d’un autre modèle agricole. Ils s’installent le plus souvent en maraîchage bio et ont trouvé un écho favorable de la part d’élus qui, dans un univers urbain, ont bien compris qu’il leur fallait défendre l’image d’une collectivité plus verte ! Ils prônent avant tout un modèle reposant sur « des écosystèmes humains équilibrés » qui conjuguent « viabilité économique, préservation du capital naturel, et création de liens et de valeurs ». Ils favorisent les circuits courts pour un approvisionnement local et mènent souvent entre eux des actions collectives d’animation ou de formation, tout en mutualisant leurs moyens. Ils font surtout leur la phrase de Pierre Rabhi (1) : « C’est dans les utopies d’aujourd’hui que sont les solutions de demain ».

(1) « Vers la sobriété heureuse » de Pierre Rabhi paru aux éditions Actes Sud en 2010

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