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Carotte : face aux nématodes, quelles alternatives de protection ?

Deux projets d’expérimentation conduits par le Sileban cherchent à améliorer la protection alternative contre les nématodes de la carotte par l’adaptation de moyens agroécologiques.

La carotte est particulièrement sensible aux attaques de nématodes dont plus de 90 espèces ont été répertoriées sur cette culture. Si toutes n’ont pas les mêmes niveaux de préjudices, Heterodera carotae, Meloidogynes spp et Pratylenchus occasionnent les dégâts les plus importants en France. Sans moyen de protection efficace, la présence de nématodes, notamment Heterodera carotae, entraîne des baisses de rendement très significatives, pouvant aller jusqu’à la perte totale de la parcelle. Dans certaines parcelles, la prolifération de ces ravageurs hypothèque la production de carotte dans certaines zones. Aussi, le Sileban a mis en œuvre deux programmes d’expérimentation en vue d’améliorer la protection alternative contre le nématode de la carotte.

Réduction de 70 % de larves d’Heterodera carotae

« Le programme Exode – financé par FranceAgriMer et le conseil départemental de la Manche – expérimente l’amélioration de la protection alternative contre le nématode Heterodera carotae de la carotte par l’adaptation de moyens agro écologiques », explique Émilie Robilliard, Sileban. Quatre axes de travail composent ce projet : améliorer la connaissance de sa nuisibilité, réduire son potentiel d’infestation avec l’utilisation d’associations culturales, référencer de nouveaux moyens de protection alternative et assurer une communication des résultats obtenus. Malgré un échantillonnage de parcelles conséquent, plus d’une trentaine, il paraît très difficile d’établir un lien entre le résultat de l’analyse de sol initiale et le risque à la mise en culture. « Ce constat soulève plusieurs interrogations concernant la fiabilité des analyses nématologiques et le facteur d’influence du développement des nématodes ainsi que les dégâts causés à la culture », mentionnent Émilie Robilliard et Bruno Pitrel dans le bilan des travaux (1).

Le projet Exode a également expérimenté le levier « plantes de service » d’interculture, introduites dans la rotation. Couplées à une désintensification de la culture de carotte, les plantes de service ont pour but d’accentuer la mortalité naturelle des populations de nématodes. Les meilleures potentialités ont été observées avec la variété de « carotte piège » Terapur (Vilmorin Mikado), mais également avec la culture de sorgho avec une conduite en biofumigation. « Nous avons constaté une bonne implantation de la culture de Terapur pour un semis d’avril avec une couverture du sol de 70 % après trois mois de développement et une réduction de 70 % de larves d’Heterodera carotae en moyenne entre la mise en place et la destruction de la culture », précise Émilie Robilliard.

Deux cultures de service, carotte Terapur et sorgho (photo), ont été introduites dans le nouveau schéma de rotation des cultures.

La biofumigation aussi favorable

Déjà transférées, au travers du plan régional de lutte contre le nématode Heterodera carotae, ces deux cultures de service, carotte Terapur et sorgho, ont été introduites dans le nouveau schéma de rotation des cultures. Toutefois, les difficultés de désherbage de la variété Terapur constituent un frein à son développement. À noter qu’un test sur panais suivi en 2021 a permis de conclure qu’il n’a pas été observé d’enkystement d’Heterodera carotae sur racines de panais (idem en 2020), contrairement à la carotte qui servait de témoin positif (voir encadré).

Également associées à la pratique de biofumigation, plusieurs espèces de brassicacées (radis fourrager, moutardes brunes et blanches) ont été testées dans le même objectif mais avec des résultats plus aléatoires. « Il faut remarquer que parallèlement à l’effet attendu vis-à-vis des nématodes, la pratique de biofumigation est aussi favorable à l’amélioration de l’état sanitaire des sols par des effets bénéfiques sur d’autres bioagresseurs telluriques notamment », commentent les spécialistes. Sur le second volet du levier « plantes de service en cultures associées ou plantes compagnes, en phase avec le cycle de culture de carotte », le principe d’une culture de tagète associée à celle de carotte est testé avec des essais toujours en cours actuellement.

L’évaluation de produits alternatifs

De son côté, le projet régional Némato’Sup, bénéficiant d’un financement de la région Normandie et de l’Union européenne (Feader), concerne l’amélioration de la gestion sanitaire des sols sableux infestés par le nématode de la carotte dans le bassin de la côte ouest de la Manche (2020 à 2023). « Némato’Sup vise à évaluer différents moyens et méthodes alternatifs pour leur action désinfectante des sols, tels que le traitement du sol à la vapeur, le traitement du sol à l’ozone aqueuse ou encore des amendements à action désinfectante », mentionne le responsable de l’expérimentation. Ce projet s’intéresse également à la gestion sanitaire des sols par des actions de diagnostic en lien avec les nématodes à kystes (Heterodera carotae, Heterodera cruciferae) et le risque de développement d’autres bioagresseurs (autres espèces de nématodes, maladies telluriques).

« En complémentarité avec le projet Exode, l’évaluation de produits “alternatifs” proposés pour une protection contre le nématode de la carotte constitue également une action de ce projet », précise Émilie Robilliard. De plus, des études économiques des moyens et méthodes alternatives évaluées sont réalisées pour des diagnostics de faisabilité technico-économique, simulations technico-économiques et analyses des résultats. Ce projet est conduit en partenariat avec le CTIFL et en relation avec des sociétés spécialisées développant des moyens ou méthodes de gestion du risque nématode (laboratoires d’analyses, fournisseurs de matériels de traitement, agrofourniture).

(1) Jardins du littoral 162 – Novembre 2022

Le panais, plante non multiplicatrice d’Heterodera carotae

Le projet Exode a également permis de vérifier que le panais ne multiplie pas le nématode de la carotte. Des tests ont été réalisés sur cinq variétés différentes de panais semées en référence au plant hôte, la carotte. Observés en conditions contrôlées, en culture et dans le cadre du projet Biodera réalisé par l’Inrae, les résultats permettent d’affirmer que le panais n’est pas hôte d’Heterodera carotae.

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