Asperge : des pistes contre le criocère
Le criocère de l’asperge est l’un des ravageurs les plus dommageables sur cette culture. Des projets en cours visent à réduire le manque de solutions.
Le criocère de l’asperge est l’un des ravageurs les plus dommageables sur cette culture. Des projets en cours visent à réduire le manque de solutions.
Depuis l’interdiction des néonicotinoïdes fin 2018, les producteurs d’asperge se trouvent démunis face au criocère. Les deux matières actives les plus efficaces contre ce ravageur, l’acétamipride et le thiaclopride, ne peuvent plus être utilisées. L’unique alternative est constituée par les pyréthrinoïdes, ce qui entraîne des risques d’apparition de résistance, en plus d’une moindre efficacité générant une augmentation du nombre de traitements. Le criocère est ainsi devenu le ravageur des parties aériennes de l’asperge le plus problématique. Jusqu’à la fin de l’utilisation des néonicotinoïdes, le stade larvaire était communément considéré comme le plus vorace et le plus dommageable pour l’aspergeraie. Mais l’été 2019 a prouvé que dès l’arrivée des adultes (forme d’hibernation du ravageur), les dégâts constatés sont très importants. Le volume végétatif des parcelles infestées a été réduit de moitié avec un impact sur le potentiel de rendement 2020 estimé entre -2 à -3 t/ha, soit -30 % à -50 % de rendement. L’adulte et la larve s’alimentent en rongeant les différents tissus verts de l’asperge, laissant des traces jaunes pâles profondes. Dans les Landes, la station Invenio recherche des moyens de lutte alternatifs aux néonicotinoïdes contre le criocère, à travers deux projets* : Crioceris et Opaba (Optimisation de la protection de l’aspergeraie contre les bioagresseurs aériens), mené avec la station Légumes Centre Action (LCA, dont l’activité a été reprise par la Chambre d’agriculture du Loir-et-Cher). Des solutions de substitution ont été évaluées par Invenio et LCA, avec un accent particulier sur des produits de biocontrôle. La plupart n’ont pas montré d’efficacité, ou une efficacité très partielle, et uniquement sur le stade larvaire du criocère dans les conditions des essais.
Evaluation de filets insect proof
Les méthodes de lutte alternatives évaluées dans le projet Crioceris consistent en l’association d’un filet insect proof à l’application d’un champignon entomopathogène sur le sol. « En installant des filets insect proof, on souhaite interdire l’entrée du ravageur. Mais on empêche également sa sortie des parcelles, suite à l’émergence éventuelle de nymphes au pied des asperges », explique Sarah Bellalou, Invenio. L’application du produit à base de champignon, homologué pour son action en application foliaire sur aleurodes, mais testé en application au sol, a donc pour but de parasiter les nymphes dans le sol. Les observations hebdomadaires, réalisées à travers les filets, ont révélé la présence de criocères, de tous stades de développement. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette situation. Il se peut tout d’abord que quelques criocères aient été piégés sous les filets et se soient reproduits (une femelle fécondée peut pondre une centaine d’œufs). Avant la mise en place des filets, un traitement au Success 4 a pourtant été réalisé sur les modalités sous filet afin d’éliminer les criocères adultes qui avaient déjà commencé à investir la parcelle, mais son efficacité n’a peut-être pas été de 100 %.
Du push-pull contre le criocère ?
L’autre hypothèse est que des nymphes présentes dans le sol n’ont pas été éliminées par le traitement au champignon entomopathogène, et ont émergé au pied des asperges. L’application de ce produit de biocontrôle doit normalement être répétée tous les sept jours, ce qui n’a pas été le cas de l’essai à cause de la contrainte des filets insect proof. « Ce travail préliminaire d’utilisation de filets insect proof se heurte rapidement à la réalité, précise Sarah Bellalou. En effet, la mise en place de ce type de dispositif sur les aspergeraies actuellement en place est inenvisageable (par exemple dans le cas d’irrigation par aspersion). Il faudrait complètement repenser les plantations, sans parler des coûts de mise en place. » Deux essais réalisés par Invenio dans les Landes dans le cadre du projet Opaba, ont pour but d’évaluer des plantes pour leur potentiel répulsif vis-à-vis du criocère de l’asperge. L’idée est d’identifier la ou les plantes qui pourraient intervenir dans un dispositif de type push-pull en culture d’asperge. Dans les conditions des essais, il semble qu’aucune des plantes testées n'a d’effet répulsif (basilic, menthe verte, persil, coriandre, pétunia, capucine et tanaisie). « Mais des essais en conditions contrôlées, en laboratoire, seraient éventuellement à envisager », souligne Sarah Bellalou.
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Aspirateur et désherbeur thermique
Dans le Loir-et-Cher, l’efficacité de passages d’aspirateur et de désherbeur thermique a été évaluée en 2018 dans le cadre du projet Opaba par la station LCA (programme désormais mené par la Chambre d’agriculture du Loir-et-Cher). Un passage a été réalisé en récolte à 5 km/h, en cas de présence du criocère. Il semble que l’aspiration des adultes limite l’activité de ponte le lendemain du passage. De même, l’usage de désherbeur thermique semble réduire les populations et diminuer l’attractivité des turions pour les adultes. Les résultats obtenus doivent être interprétés avec prudence. En effet, si les aspirations ou le passage de désherbeur thermique ont entraîné une réduction temporaire de population, ces populations ont rapidement été « complétées » par des populations extérieures aux parcelles élémentaires de l’essai. Les mouvements d’adultes entre modalités ont également été importants et rapides, ce qui a compromis la mesure de l’efficacité. L’essai est renouvelé en 2020 en isolant chaque modalité pour empêcher les mouvements de population.