Fruits et légumes : comment les prix et la météo jouent sur l'achat des ménages ?
Dans sa dernière étude économétrique, le CTIFL a analysé les déterminants de la demande de fruits et légumes à travers la mesure des effets prix et météo sur les achats des ménages.
Dans sa dernière étude économétrique, le CTIFL a analysé les déterminants de la demande de fruits et légumes à travers la mesure des effets prix et météo sur les achats des ménages.
On le sait, les prix et leurs variations mais aussi la météo impactent les achats des fruits et légumes par les consommateurs. Oui, mais avec quelle intensité ? Et quel effet selon l’espèce considérée ?
Le CTIFL s’est penché sur la question, avec une étude économétrique menée pour la Commission Economie d’Interfel. L’objectif de cette étude : analyser les déterminants de la demande de fruits et légumes à travers la mesure des effets prix, promotions [résultats non détaillés ici] et météo sur les achats des ménages.
Pour cette étude, le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes s’est appuyé sur différentes sources de données telles que les données Kantar (achats des ménages), les indices de température de Météo France, les données A3 Distrib pour l’activité promotionnelle. Les données couvrent la période 2017-2022. Une vingtaine d’espèces** de fruits et légumes a été étudiée.
*L'économétrie est une branche de l'économie qui a pour objet de donner un contenu empirique et quantifié aux relations économiques, selon la définition du Larousse.
** Raisin de table, oignon, chou-fleur, poireau, endive, carotte, kiwi, pomme, orange, asperge, fraise gariguette, avocat, cerise, courgette, concombre, poivron, tomate, aubergine, abricot, pêche-nectarine, melon, prune.
Les consommateurs, sensibles au prix et à la température extérieure
Les résultats du CTIFL montrent que pour la quasi-totalité des espèces de fruits et légumes étudiées, une vingtaine, les décisions d’achats réagissent aux variations de prix et de température. Mais si les variations de prix impactent négativement les quantités achetés (les achats diminuent quand les prix augmentent), les variations de températures ont un impact soit positif soit négatif selon les espèces. Seul l’oignon n’est pas corrélé au facteur météo, « sans doute parce que sa consommation est sensiblement la même quelle que soit la saison », suppose le CTIFL.
De tous les fruits et légumes, seul l’oignon n’est pas corrélé au facteur météo
Pour la majorité des espèces de fruits et légumes, rappelons que le prix fait partie des trois premiers critères d’achat des consommateurs avec l’aspect (fraîcheur, fermeté) et l’origine.
Mais la réaction de la demande aux variations de prix et de température est plus ou moins forte selon l’espèce considérée. Le CTIFL a classé une vingtaine de fruits et légumes en trois grandes typologies [lire plus bas].
A quoi peuvent servir ces résultats ?
D’abord, à éclairer les politiques publiques sur les mesures de soutien à la consommation de fruits et légumes, avance le CTIFL.
Ensuite, les entreprises pourraient aussi utiliser cette étude pour appuyer leurs politiques de prix, notamment parce qu’une variation de prix, notamment à la baisse, n’a pas le même impact sur les quantités achetées selon la période considérée.
Enfin, dans quelle mesure les prévisions météo pourraient aider à la gestion des flux et des stocks des opérateurs de la filière ? « En cas de météo favorable, les distributeurs pourraient augmenter l’approvisionnement des produits météo-sensibles, propose le CTIFL. A l’inverse, en cas de météo défavorable, ils pourrait le réduire et/ou le diversifier avec des produits de substitution, permettant ainsi de diminuer le potentiel de pertes en magasin. » Se poserait alors la question de la gestion en amont pour gérer cette baisse de la demande : comment stocker ? quels autres débouchés ?
Prix et météo : le CTIFL classe les fruits et légumes en trois groupes
En étudiant l’élasticité prix, c’est-à-dire la relation entre l’évolution des prix et des quantité demandées [lire l’encadré ci-dessous] et la météo sensibilité d’une vingtaine d’espèces de fruits et légumes, le CTIFL a identifié trois groupes de produits.
Elasticité prix : comment l’interpréter ?
Lorsque le coefficient d’élasticité est supérieur à 1 en valeur absolue, on parle d’une élasticité forte : les quantités demandées varient plus fort que la variation des prix. A l’inverse lorsque le coefficient est inférieur à 1 en valeur absolue, l’élasticité prix est faible : les quantités demandées varient de façon moins que proportionnelle à la variation des prix.
Enfin, il est à noter que l’élasticité prix de la demande est généralement négative : les quantités demandées varient inversement aux variations de prix. Autrement dit : plus les prix augmentent, moins les consommateurs achètent.
Dans la littérature, l’élasticité prix des fruits et légumes varie généralement entre -0,5 (la carotte par exemple) et -1, mais certaines espèces sont encore plus sensibles, comme le raisin et l’abricot qui ont une élasticité prix de -2,3.
1) Les fruits d’été : très météo sensibles et à l’élasticité prix importante
Premier groupe : les fruits d’été. On y trouve le melon, la pêche-nectarine, l’abricot, la cerise. Ces produits sont extrêmement météo sensibles : une hausse des températures fait bondir les achats de melon, pêche-nectarine et abricot, sans doute parce qu’ils apportent de la fraîcheur, suppute le CTIFL.
Selon les chiffres du CTIFL, une hausse de température de 2 à 3°C (soit environ +10 %) peut entraîner une hausse des achats de melon de près de +25 % !
Les produits de ce groupe sont aussi marqués par des achats sensibles aux variations de prix -exception faite du melon. C’est particulièrement vrai pour l’abricot et la cerise (avec une élasticité prix de -2,3 et de -2 respectivement, bien au-delà de -1), des produits dont le prix d’achat est en général plus élevé que la moyenne de la catégorie fruits et légumes. « Ce qui peut expliquer que le consommateur renonce plus facilement à ces produits lorsque le prix augmente, analyse le Centre technique. A l’inverse, une baisse de prix entraîne des achats proportionnellement plus forts. »
Les variations de prix affectent plus fortement la demande pour les produits très saisonniers et plus coûteux : l’abricot, le raisin, l’asperge, la cerise.
A relire : Canicule d’août 2023 : les fruits et légumes seront-ils impactés ?
2) Les légumes d’été : saisonnalité plus étalée, météo-sensibilité et élasticité prix plus moyenne
Deuxième groupe 2 : les légumes d’été. On y trouve les tomates, l’aubergine, la courgette, le poivron et le concombre (ainsi que la prune).
La météo a un impact positif sur leurs achats mais d’une façon moins intense que les fruits d’été du premier groupe. « Si ce sont des légumes souvent associés à l’été par le consommateur, l’étalement de leur commercialisation sur le reste de l’année rend leur consommation moins sensible aux variations de température », analyse le CTIFL.
Par ailleurs, les produits de ce groupe observent une élasticité prix moyenne, entre -0,6 et -1. Petite exception : les tomates, avec une élasticité prix de -1,2, qui « intègrent sans doute des effets de gamme ».
3) Les fruits et légumes d’hiver : effet faible et négatif de la météo et élasticité prix variable
Troisième groupe : les fruits et légumes d’hiver. On y trouve la pomme, le kiwi et l’orange, ainsi que la carotte, le poireau, l’endive et le chou-fleur, et dans une moindre mesure l’avocat.
Les achats de ces produits sont influencés négativement par la météo (hausse des achats quand la température baisse). Mais leur sensibilité à la météo est faible, avec des indices de sensibilité groupés entre -0,5 et -0,2.
« Ce résultat est peut-être toutefois à nuancer par la fréquence plus élevée d’étés (très) chauds que d’hivers rigoureux ces dernières années », avertit le CTIFL qui précise aussi avoir travaillé sur des données hebdomadaires et qu’il reste donc « à examiner si cette météo-sensibilité se compense entre différente périodes, de sorte à déterminer l’effet global (volume/valeur) sur l’ensemble de la saison ».
Ces dernières années ont été marquées davantage par plus d’étés très chauds que d’hivers rigoureux, ce qui peut biaiser une partie des résultats.
A l’inverse, l’élasticité prix de ces produits est variable selon l’espèce considérée. Des produits comme la carotte réagissent faiblement aux variations de prix et d’autres comme le chou-fleur, l’endive et la pomme sont fortement impactées. « Pour ces produits, la segmentation de l’offre et ses effets de gamme peuvent expliquer en partie ces valeurs plus élevées », détaille le CTIFL.
Impact des variation de prix : plus intense en début et fin de saison
Enfin, l’intensité de réaction aux variations de prix change selon la période de l’année. Elle est plus prononcée en début et fin de saison, et plus modérée en pleine saison.
Le CTIFL émet l’hypothèse que « cela peut s’expliquer par la diminution du prix moyen en pleine saison en raison de l’accroissement de l’offre et par le caractère plus indispensable des produits à cette période, qui rend leur demande moins influencée par le prix ».
Selon les tests réalisés dans la zone expérimentale de vente du CTIFL, la hausse des températures à la fin de l’été est associée à des achats plus importants de produits de fin de saison tels que le melon ou la pêche-nectarine.