Abricot : comment homogénéiser la qualité au plus tôt
La maîtrise de la qualité des abricots se pense tout au long de la chaîne de production. Ces dernières années, des outils permettent d’en évaluer l’état, outils qui se conçoivent à la fois au verger ou en station.
Ne pas décevoir la promesse d’un abricot juteux et croquant quand il est présenté en rayon, sous peine de ne pas voir se transformer l’essai d’un réachat. Si la qualité visuelle est nécessaire aujourd’hui, en particulier pour les fruits, la qualité gustative l’est tout autant pour faire revenir le consommateur et pérenniser la commercialisation tout au long de la saison. Si cette vérité est à garantir au quotidien, elle l’est en particulier en début de saison, où il est interdit de le décevoir.
Faciliter la décision de récolte en verger
Pour les producteurs et les metteurs en marché heureusement, plusieurs outils existent pour déterminer cette qualité, rappelle Sébastien Lurol, de l’unité Citar (compétitivité des itinéraires et technologies après récolte) du CTIFL. Portatifs ou en ligne, ils se sont développés ces dernières années pour faciliter la décision de récolte en verger, l’agréage et le tri en station, mais aussi réduire la variabilité des lots proposés aux différents circuits du marché. « Ces outils se développent et sont de plus en plus précis », note même Sébastien Lurol, même si évidemment il existe encore quelques freins, notamment la mise en place et le suivi des étalonnages de ces outils de spectroscopie en proche infrarouge ou bien encore leur coût. « Trier, c’est bien. Mais anticiper en amont ce que l’on va faire des lots, vers quels circuits les orienter, avec des lots toujours plus homogènes, c’est mieux », complète l’expert.
Par ailleurs, l’utilisation de ces outils est étroitement liée à la notion de maturation des fruits, en particulier pour les fruits climactériques, qui évoluent après récolte. « Il ne faut pas confondre fruit mature et fruit mûr. Et il faut aussi envisager la décision de récolte en incluant la qualité dans sa globalité, c’est-à-dire au niveau nutritionnel, sensoriel et de conservation. » Dans ce cadre, toute aide est évidemment bienvenue. Du côté des outils portatifs, la gamme s’est élargie ces dernières années et, aujourd’hui, plus d’une centaine d’entreprises proposent des outils utilisant le proche infrarouge autour d’outils non destructifs.
Développer des outils clés en main
Cette méthode de spectrométrie repose sur l’analyse de la lumière, avec une première phase de modélisation et d’apprentissage, puis l’obtention de coefficients par intégration. Sauf que… « Cette méthode est globalement très sensible à une diversité de mesures d’ambiance, et nécessite par ailleurs l’introduction d’un maximum de données, variétales notamment, afin de les rendre stables dans le temps », pose Sébastien Lurol. Pour démocratiser leur utilisation et les proposer à un coût acceptable pour les utilisateurs, le CTIFL a donc développé des outils clés en main, directement utilisables, suite à des travaux menés dans le cadre du programme Aspir (2019-2022), en partenariat avec l’Inrae, SudExpé et la Fédération des fruits et légumes d’Occitanie.
Ce programme visait à améliorer la qualité des abricots grâce à la mise au point d’un outil non destructif de mesure de la maturité au verger. Trois outils présents sur le marché ont été évalués sur la prédiction de critères de qualité et/ou de maturité : le F750 (Felix Instruments), le MicroNIR 1700 (Viavi) et AQiT (CarbonBee). L’idée étant ensuite de choisir un outil puis de valider les transferts d’étalonnages entre les outils d’une même marque, le tout dans des conditions réelles afin de déclencher la récolte au mieux. Plusieurs mesures ont été enregistrées durant les années d’essai – indice réfractométrique, acidité totale titrable, matière sèche, fermeté, couleur, calibre… – au verger ou en laboratoire. « Nous avons ainsi collecté des mesures sur 660 fruits, avec 5 à 10 secondes de mesure maximum. »
Consolider les acquis et renforcer les modèles
À mi-projet, l’outil retenu par rapport à ses performances et son coût (environ 7 000 €) est le F750, les deux autres présentant des performances proches. Les premiers modèles ont été construits sur les données 2019 et 2020 et visaient à prédire d’une part, l’indice réfractométrique (°Brix), avec une prédiction à ± 1,5°Brix sur une gamme allant de 6 à 21°Brix ; d’autre part, l’acidité totale, avec une prédiction à ± 7 mEq/100 g (milliéquivalent par 100 grammes), sur une gamme allant de 7 à 47 mEq/100 g. « À ce stade, les modèles sont performants et permettent de ne pas avoir à les modifier en fonction des variétés », souligne Sébastien Lurol, qui comptait sur les deux années suivantes du programme pour consolider les acquis, et « renforcer les modèles, sur les travaux menés en 2021 et 2022, avec l’ajout de nouvelles variétés, en validant à des conditions différentes (parcelles, températures) afin d’éviter les dérives des mesures. À terme, nous souhaiterions également initier un schéma de gestion d’un parc d’outils utilisés par les opérateurs, en proposant des mises à jour des modèles, pour augmenter leur robustesse. »
Ce schéma a été évalué en 2022 et 2023. Si le développement de l’outil est déjà bien avancé, à terme, les ambitions sont fortes. « Derrière, on peut facilement imaginer mettre en place un suivi de maturation des fruits sur les arbres, afin d’aider au déclenchement de la récolte, de calculer les indices de maturité à partir d’informations spectrales, voire de cartographier une parcelle sur un critère spécifique, pour ensuite évoluer dans le temps, comme cela se fait déjà en Australie, sur le taux de Brix des mangues », conclut-il.
Caractériser précocement la maturité
Le projet Qua’dens (2017-2021) propose une nouvelle technologie de tri non destructif pour les stations. Son but ? Caractériser précocement le stade de maturité de fruits avec un nouvel outil de mesure en ligne, basé sur l’indice de densité « qui permet d’avoir une évaluation assez fiable », note Sébastien Lurol, du CTIFL. L’innovation de l’outil réside également dans le fait qu’il associe des services connexes (notamment de formation). Le projet regroupe une entreprise (STC Caustier, à Perpignan), le Cirad, l’université d’Avignon et le centre CTIFL de Saint-Rémy-de-Provence. Les évaluations de l’outil ont été faites sur pêche, kiwi et mangue, mais d’autres fruits sont visés (pomme, poire, abricot, melon).Outil pertinent sur pêche et nectarine
« L’intérêt de l’indice de densité est qu’il est assez facile à mesurer et qu’il n’y a pas besoin d’y associer un modèle mathématique. Avec l’outil, la valeur moyenne obtenue est plus représentative. Cela ouvre une nouvelle approche pour la gestion des lots, avec une meilleure homogénéité intra-lot, voire une gestion différenciée dans le circuit de commercialisation. » Sur pêche et nectarine, l’outil semble pertinent et a même été poussé sur des critères complémentaires comme la qualité aromatique (taux de sucre, vitamine C, polyphénols volatils…). Sur abricot, la relation entre densité et qualité est beaucoup moins nette et les résultats sont plus variables. « Il reste encore des travaux à mener pour voir si cette technique de tri sur la densité est suffisante. Mais, dans tous les cas, cela donne de nouvelles perspectives, l’idée derrière ce tri à densité étant de voir si l’outil permet de valider des stratégies post-récolte et de tri pour la qualité », conclut Sébastien Lurol.