Diagnostic de système fourrager : « Nous avons prouvé la résilience de notre élevage face aux aléas climatiques »
Au Gaec de Coët Cado, dans le Morbihan, pour s’assurer de la résilience de leur système fourrager aux aléas, les associés ont réalisé un ClimAleas-Diag, un diagnostic de l’existant projeté dans une année climatique difficile.
Au Gaec de Coët Cado, dans le Morbihan, pour s’assurer de la résilience de leur système fourrager aux aléas, les associés ont réalisé un ClimAleas-Diag, un diagnostic de l’existant projeté dans une année climatique difficile.
« Notre système fourrager nous permet de passer une année avec un printemps peu poussant et un été sec », plante Sébastien Le Goff. C’est la conclusion du ClimAleas-Diag Bovins, qui a permis de tester la résilience de son système fourrager face à un aléa climatique particulier. Deux scenarii peuvent être testés : printemps peu poussant et été sec ou été sec. Au Gaec de Coët Cado, c’est le premier qui a été retenu pour le diagnostic.
Chiffres clés
L’assolement au Gaec de Coët Cado
194,5 ha de SAU
129 ha de prairies temporaires
30 ha de prairies permanentes
11,5 ha d’orge de brasserie
9 ha de méteil grain auto consommé
12 ha de maïs ensilage
4 ha de colza fourrager
ClimAleas-Diag décortique l’assolement en fourrages – stocks et pâturage –, les rendements, les besoins du cheptel selon les plans d’alimentation des différents lots du troupeau, le niveau d’autonomie induit, la dépendance aux achats. Il projette ensuite ces paramètres dans des conditions de sécheresse, selon des données locales de référence.
Les conclusions du diagnostic mettent en avant plusieurs atouts existants au Gaec de Coët Cado : les plans d’alimentations calés sur la surface accessible et non totale de l’exploitation, un bilan fourrager équilibré et des prairies résistantes.
60 ares accessibles par vache laitière
« La sécheresse de 2022 a fait tilt. Elle nous a montré que le centre Bretagne n’est pas à l’abri de gros aléas climatiques », se remémore Sébastien Le Goff. Les parcelles accessibles aux vaches laitières sont situées sur des terrains séchants. « Au moindre coup de chaud, la pousse de l’herbe est difficile. » Cependant, le Gaec passe cet épisode de sécheresse sans encombre. « L’année 2021 avait été top en qualité et quantité de fourrages, nous avions un mois et demi de stock. Nous avons eu la chance d’avoir de l’eau autour du 15 août 2022, cela nous a permis de pâturer à l’automne sur les terrains portants. »
Les éleveurs sont confortés dans leur idée d’avoir un été de stock d’avance. « En janvier 2023, nous avons eu la possibilité de reprendre une exploitation collée au site de la ferme. Nous avons adapté le nombre de vaches à la surface accessible, en passant de 45 ares d’herbe pâturée/VL à 60 ares/VL. »
Un mois de stock de fourrage en année normale
En année normale, le rendement d’un hectare de SFP se chiffre à 7,3 t de MS, tous fourrages confondus. « Chez nous, l’herbe représente 85 % de nos fourrages. Depuis sept ans, je note à chaque coupe d’enrubannage, à chaque fauche le nombre de bottes que je sors. J’ai des références pour chaque type de prairie », explique Sébastien Le Goff.
À partir de la capacité d’ingestion des lots d’animaux calculée par l’outil et des rendements des fourrages, un état des lieux fourrager est établi : « nous additionnons le stock de début et la production, auxquels nous enlevons le stock de fin ». Bilan : un léger déficit de 5 t de MS d’ensilage de maïs par an mais un excédent de 43 t de MS de foin et de 34 t de MS d’ensilage/enrubannage d’herbe. « Soit un delta positif de 9 % de stock, ce qui représente 71 t de MS, soit environ un mois d’excédent sur douze mois de consommation », chiffre Brendan Godoc. De quoi conforter la stratégie établie.
En année d’aléas, des conséquences sur les stocks
En projection sur un printemps peu poussant et un été sec, avec un rendement par hectare de SFP estimé à 5,2 t de MS, la production totale valorisable tombe à 505 t de MS par an pour une consommation de 403 t de MS, soit une valorisation à hauteur de 80 %. En prenant des niveaux de stocks de début égaux à ceux d’une année normale, le déficit des besoins est estimé à 13 % : - 2 t de MS au pâturage et – 100 t de fourrages récoltés.
En considérant que ce scénario cumul d’un printemps peu poussant et d’un été sec revient avec une fréquence d’une année sur trois, il faut que l’éleveur constitue au minimum 51 t de MS chaque année normale, avant de subir l’aléa la troisième année qui, d’après la projection, lui ferait perdre 102 t de MS. En année normale, Sébastien Le Goff engrange 71 tonnes de stock, soit 142 tonnes en deux ans. Dans l’hypothèse où l’année d’aléa climatique revient tous les trois ans, « ça passe. Les deux années normales lui permettent de cumuler suffisamment de stock pour passer celle de sécheresse. Le système de l’exploitation est adapté », avance Brendan Godoc. En revanche, si l’aléa avait lieu une année sur deux, « le système actuel ne permettrait pas de faire face, mais cette situation ne s’est encore jamais produite », complète Agathe Sergy, de la chambre d’agriculture.
Recomposer les prairies et mieux les valoriser
« Je ne suis pas surpris par les résultats, car en 2022 nous avions déjà été mis en situation. Les ray-grass anglais n’étaient pas morts, car nous n’avons pas surpâturé pour ne pas fatiguer l’herbe et les génisses étaient nourries au foin et enrubannage sur une parcelle parking », rappelle Sébastien Le Goff.
Parmi les pistes étudiées pour améliorer la résilience du système fourrager, celle de revoir la composition des prairies de fauche lors de leur renouvellement pour les rendre plus résistantes à la sécheresse. « Nous avons déjà revu la composition des prairies pâturées. Tous les sept à huit ans, nous les renouvelons en passant par un colza fourrager l’été. Nous avons gardé une base de RGA et de trèfle blanc mais nous ajoutons de la fétuque et du trèfle violet pour l’été. Nous hésitons à modifier les pâtures de fauche, par crainte de perdre en qualité pour la ration hivernale. »
Un autre levier serait « de baisser le nombre de génisses de renouvellement pour augmenter celui de génisses croisées viande lors des deux années normales, afin de mieux valoriser les prairies en les faisant passer derrière les laitières pour diminuer les refus, avance Brendan Godoc. En année sèche, si le taux de renouvellement des animaux est passé de 25-30 % à 20 %, cela implique moins de génisses gardées dans le système, donc moins d’animaux à nourrir et donc moins de pression sur l’herbe pâturée et sur les stocks. C’est aussi un levier de résilience. »
En cas d’arrêt de la monotraite, le système résiste
Actuellement, le Gaec de Coët Cado possède deux sites avec chacun leur salle de traite. Sur le site récemment repris (le plus petit des deux), les éleveurs traient les vaches en fin de lactation une seule fois par jour. « Nous avons 62 places d’un côté et 35 de l’autre. Nous avons fait le choix de produire avec l’existant pendant quelques années, pour éviter de nous lancer dans des travaux onéreux, sachant que les deux sites sont fonctionnels. La monotraite sur le lot en fin de lactation permet que la charge de travail soit acceptable. À terme, nous voulons regrouper le troupeau. »
Les conséquences de passer l’ensemble du troupeau en double traite ont été étudiées par l’outil ClimAleas-Diag. « La production par vache passerait de 6 800 kg de lait à 7 500 kg de lait. Ce qui modifierait la capacité d’ingestion à 6 t/VL/an contre 5,8 t/VL/an en hypothèse de départ. Le déficit en fourrages serait de 15 % des besoins, soit un manque de 120 t de MS », décrit Brendan Godoc.
Dans cette simulation, le stock de sécurité constitué est de 55 tonnes de MS, moins important que dans la simulation précédente (71 t MS), car les besoins des animaux à nourrir en double traite sont plus élevés.
Dans l’hypothèse de deux années normales, Sébastien Le Goff constitue donc 110 t de MS stock. Face à une année aléa printemps peu poussant et été sec engendrant une perte de 120 t de MS en troisième année, « le système est presque résilient, car il n’y a que 10 t incertaines », conclut Agathe Sergy.
ClimAleas-Diag Bovins, un outil pour se projeter
ClimAleas-Diag Bovins, outil construit par l’Idele, en collaboration avec les chambres d’agriculture de Bretagne et des Pays de la Loire, les Civam et le groupement des agriculteurs biologiques (GAB), met l’assolement de l’exploitation entièrement à plat, les rendements de chaque type de prairies sont étudiés en fonction de leur mode d’exploitation. « La première étape est la compréhension du système en routine », introduit Brendan Godoc, d’Idele. Ensuite, le bilan fourrager annuel est réalisé sur six périodes : début de printemps, printemps, fin de printemps, été, automne, hiver. La consommation du troupeau est établie avec les calculettes Inrae (2007) et Idele (2011) pour estimer la capacité d’ingestion de chaque lot sur ces six périodes.
ClimAleas-Diag Bovins fait varier des paramètres internes à l’exploitation – nombre de bêtes, races, indicateurs de reproduction, composition des prairies par exemple –, et propose un tableau de bord détaillé qui reprend la situation actuelle, la situation projetée, une analyse d’impact et un plan d’action.
Utile aussi pour les jeunes installés
« Pour un jeune installé, ClimAleas-Diag Bovins permet de projeter son système et de connaître sa résistance en cas d’année avec des aléas climatiques », note Sébastien Le Goff, qui fait partie de la vingtaine de personnes à avoir passé son exploitation au crible de ClimAleas-Diag Bovins.
L’objectif à terme : « doter les conseillers en filière ruminants du Grand Ouest de références pour anticiper les risques de pertes liées aux aléas des décennies futures », décrit Brendan Godoc, d’Idele. L’outil est en cours de construction pour l’Auvergne. D’autres régions seraient intéressées pour une adaptation et un déploiement de l’outil à leur contexte.