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Des fièvres de lait qui auraient pu être évitées

Vu par Sophie Cercelet, vétérinaire

La mesure du pH urinaire se fait immédiatement avec un papier pH dédié ou un pHmètre.
© S. Cercelet

Appel d’un éleveur lors d’un week-end : « Il faudrait passer, j’ai encore une fièvre de lait, j’en ai ras le bol ! ». C’est la deuxième de la semaine. Arrivée au chevet de la vache : c’est une fièvre de lait classique, la vache a vêlé il y a 24 heures, a délivré, et n’a pas de mammite. Pendant les soins, la discussion s’oriente rapidement sur les vaches taries et leur alimentation, qui n’a pas changé « sauf le foin… ce n’est plus le même ». La vache est debout cinq minutes après la perfusion de calcium. Un rendez-vous est pris dans les jours suivants afin de mesurer le pH urinaire des vaches taries.

Quel lien entre le pH urinaire des taries et les fièvres de lait ?

La fièvre de lait correspond à une hypocalcémie survenant au moment du vêlage. En fin de gestation, les besoins en calcium de la vache sont faibles, il en faut uniquement pour les besoins de croissance du fœtus et pour compenser les pertes fécales, soit 10 à 12 g par jour, alors qu’au moment de la mise bas la production de colostrum puis de lait conduit à une explosion de la demande (2,6 g par kilo de colostrum et 1,3 g par kilo de lait). Dans les premiers jours après vêlage, une vache a besoin d’environ 30 g de calcium par jour, soit une demande multipliée par trois très rapidement. Deux mécanismes compensent cette explosion de la demande en calcium : la libération de calcium osseux ou l’augmentation de l’absorption digestive. Si cette compensation ne se fait pas assez vite, le taux sanguin de calcium chute et la vache fait une fièvre de lait.

Un moyen de prévention rapide, peu invasif, peu coûteux

Alors comment prévenir les fièvres de lait ? Il est démontré que, lorsque les vaches en fin de gestation sont alimentées avec une ration dont le Baca est négatif ou proche de zéro, elles ont moins de risque de faire une fièvre de lait. Le pH sanguin des animaux qui ont une ration dont le Baca est négatif, diminue. Cette diminution du pH sanguin permet une meilleure disponibilité et mobilisation du calcium. Elle doit être temporaire, contrôlée et ne doit concerner que les vaches dans les trois à quatre semaines précédent le vêlage. Mais pour que le pH sanguin ne diminue pas trop, les reins exercent leur pouvoir tampon et le « surplus » d’acidité est éliminé dans l’urine. On arrive enfin au lien entre pH urinaire et Baca de la ration vaches taries ! Ainsi, en mesurant le pH urinaire des vaches taries, on peut savoir si le Baca de la ration est correct ou non. Il doit être compris entre 7 et 7,4, ce qui correspond à une ration dont le Baca est compris entre -50 et 0 mEq/kg MS environ. Dans cet élevage, le pH urinaire a été mesurée sur cinq vaches taries, elles étaient toutes les cinq entre 8,1 et 8,3, donc bien trop hautes. L’ajout de minéral spécifique a permis de corriger ce paramètre de la ration et les pH urinaires ont de nouveau été vérifiés quelques jours plus tard. Le prélèvement d’urine se fait par sondage ou éventuellement par stimulation manuelle de la miction.

À retenir

• Le pH urinaire est un indicateur du Baca de la ration.

• Il doit être entre 7 et 7,4 dans les trois à quatre semaines avant vêlage.

• L’apport d’un minéral spécifique ou de chlorure de magnésium permet de corriger le Baca.

Avant vêlage, visez un Baca négatif ou proche de zéro

Le Baca (Bilan ou Balance alimentaire cation-anion) est un paramètre de la ration caractérisant les apports en minéraux. Le calcul se fait selon la formule suivante : Baca = (K + Na) – (Cl + S) en mEq/kg MS(1). Il est possible de déterminer son Baca pour chaque matière première composant la ration. L’aliment dont le Baca est le plus élevé est l’herbe, surtout l’herbe pâturée ou affouragée en vert, jeune, riche en potassium. Ce qui explique les « épidémies » de fièvre de lait parfois observées lorsque les vaches taries ont de l’herbe quasi à volonté au printemps ou après les repousses d’automne. On peut diminuer le Baca de la ration en ajoutant des sels fortement anioniques, le sel le plus couramment utilisé étant du chlorure de magnésium. Ces sels sont peu appétents, il faut donc si possible les mélanger à la ration, et s’il y en a trop dans la ration, l’ingestion des vaches taries diminue.

(1) K potassium, Na sodium, Cl chlore, S soufre.

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