Couverts végétaux : comment les détruire en l’absence de gel ?
Face à un gel moins fréquent, la destruction des couverts d’interculture évolue. Les pistes : jouer sur les espèces et les dates de semis, adapter le machinisme et son itinéraire ou s’appuyer sur le glyphosate.
Face à un gel moins fréquent, la destruction des couverts d’interculture évolue. Les pistes : jouer sur les espèces et les dates de semis, adapter le machinisme et son itinéraire ou s’appuyer sur le glyphosate.
Économique, environnemental, efficace : le gel est bien utile pour la destruction des cultures intermédiaires. Malheureusement, les agriculteurs peuvent de moins en moins compter sur lui pour détruire leurs couverts, car la fréquence du gel est en baisse constante en France. Sur la période 1955-2018, toutes les régions françaises sont touchées. En Hauts-de-France par exemple, on compte entre trois et quatre jours de gel en moins à chaque décennie, soit entre 20 et 27 jours perdus sur la période (1).
« Il faut vraiment utiliser les quelques jours de gel, insiste malgré tout Christophe Guille, conseiller du groupe d’étude et de développement agricole (Geda) du Ternois dans le Pas-de-Calais. Les agriculteurs doivent être très réactifs, quitte parfois à travailler la nuit. » Même conseil pour Valentin Durand, conseiller de la chambre d’agriculture de Normandie, en Seine-Maritime, qui souligne l’action amplificatrice du gel lors du passage d’outil mécanique.
« Mais dans la majorité des systèmes, le couvert est détruit fin décembre, note Jérôme Labreuche, ingénieur Arvalis. Or, statistiquement, la période probable de gel se situe plutôt en janvier-février. Pour les labours d’hiver, le gel arrive souvent trop tard. Pour ceux du printemps, il est aléatoire. Trop attendre pour la destruction des couverts peut être risqué car, en début d’année, les sols souvent humides rendent difficile l’utilisation de matériel. »
Les agriculteurs disposent généralement du matériel nécessaire pour détruire les couverts. En système labour, la charrue suffit souvent sur une végétation peu développée. « Mais à partir de 30 à 40 cm de hauteur, un broyage s’impose, au broyeur, au rouleau hacheur ou au déchaumeur », estime Jérôme Labreuche.
« Les rouleaux hacheurs sont de plus en plus présents dans les fermes, observe Christophe Guille. Utilisée avec une pression assez élevée sur le sol, une première rangée de rouleaux couche la végétation, la deuxième casse les tiges creuses. Avec ses lames, cet outil donne un résultat proche du broyeur, très efficace sur les couverts à tige haute comme la moutarde, la phacélie, le tournesol ou les graminées épiées. » En revanche, il a peu d’efficacité sur les petits couverts, les radis ou les graminées tallées, selon les trois techniciens.
Les couverts peu développés, comme cette année, restent difficiles à gérer. Christophe Guille préconise un passage d’un déchaumeur à disques, à 3 cm si les disques sont neufs, à 5-6 cm sinon. « Le déchaumeur commence à préparer la terre mais nécessite des conditions assez sèches, précise Jérôme Labreuche. Dans les limons, les sols peuvent se plaquer. Ce premier désherbage mécanique, avec ses repiquages, doit être complété par la suite. Son efficacité reste limitée, notamment sur les graminées, qu’il s’agisse de repousses de céréales ou adventices. »
Le broyeur fonctionne dans toutes les circonstances dès que la portance le permet. En étalant les végétaux en surface, il évite une mauvaise dégradation dans la raie de charrue. Mais il reste gourmand en temps et carburant.
Pour la destruction des graminées sans labour en condition humide, le glyphosate reste incontournable, considèrent les trois conseillers. De plus, cette solution limite les doses de désherbants dans la culture suivante. « Les dicotylédones peuvent se gérer avec les solutions mécaniques, les graminées non, affirme Jerôme Labreuche. Dans nos essais Arvalis, même avec plusieurs passages mécaniques, nous n’avons pas réussi à les éliminer complètement. En conditions humides, c’est encore plus compliqué avec le repiquage. Le désherbage électrique (en test) ne semble pas efficace dans ce cas. » Quant aux autres molécules autorisées en interculture (2-4 D ou dicamba), elles sont inefficaces sur graminées. Sur graminées en non-labour, Valentin Durand et Christophe Guille préconisent l’utilisation de 1,5 à 2 litres par hectare de glyphosate, complété éventuellement par du 2-4 D, en présence de vivaces.
Pour faciliter la destruction des couverts, Valentin Durand suggère de les semer tôt pour augmenter leur biomasse. Encore faut-il qu’il pleuve… Autre levier, jouer sur les espèces en privilégiant les plus sensibles au gel comme le tournesol, le nyger et le sarrasin, gélifs à -2 °C, ou le tournesol (-4 °C). La moutarde nécessite -7 °C et la phacélie de -7 °C à -13 °C. Le radis, l’avoine d’hiver, le ray-grass, le seigle ou le colza ne sont sensibles qu’à des températures inférieures à -13 °C.