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Elevage laitier : Construire un bâtiment, un projet de longue haleine

Un an de réflexion, un an de travaux… Il a fallu de la persévérance aux associés du Gaec Honoré pour mener à bien leur projet. Depuis décembre, leur nouvelle stabulation avec traite robotisée est en fonctionnement.

Jean-Yves, Valérie, Nathan et Didier Honoré apprécient le confort et la fonctionnalité de leur nouveau bâtiment. © C. Julien
Jean-Yves, Valérie, Nathan et Didier Honoré apprécient le confort et la fonctionnalité de leur nouveau bâtiment.
© C. Julien

Nous avions rencontré les trois associés du Gaec Honoré, il y a un peu plus d’un an, motivés par un projet d’agrandissement de leur stabulation, de passage en traite robotisée et de création d’une unité de méthanisation. Installés en Ille-et-Vilaine, les trois éleveurs ont bâti ce projet pour améliorer leurs conditions de travail et préparer la possible installation de leurs enfants.

Comme l’ancienne stabulation était toujours fonctionnelle, il a été décidé que l’agrandissement se ferait par la construction en parallèle d’une deuxième stabulation, tout en veillant à permettre une bonne circulation des animaux. C’est dans cette nouvelle partie que deux robots de traite ont été installés. Une fois que les travaux y ont été finis, le mur de l’ancienne stabulation a été abattu pour faire communiquer les deux parties. Les vaches ont été installées dans la nouvelle partie, le temps que les travaux soient faits dans l’ancienne. Le bâtiment peut accueillir 150 vaches, mais il a été conçu pour permettre encore une étape d’évolution, qui porterait sa capacité à 200 vaches : l’emplacement pour un troisième robot est prévu, et une fumière, en bout de la première stabulation, pourra être ouverte sur le bâtiment et équipée de logettes.

« Nous avons réussi à quasiment rattraper le premier retard lié au premier confinement dû au Covid, explique Laurine Jeanne, économiste de la construction chez Tecmatel. Mais, avec le retard des chantiers et les congés estivaux, les bétons qui auraient dû être coulés en juillet l’ont été en septembre. Nous avons dû faire intervenir le charpentier avant la fin des bétons pour tenir les délais. » La mise en service du bâtiment, initialement prévue en septembre, est repoussée. « Entre l’incertitude sur la date de fin des travaux, l’indisponibilité des monteurs des robots, l’installation des tubulaires, on a préféré décaler la mise en service à décembre pour être sûr que tout serait prêt et qu’on aurait le temps nécessaire », expliquent les exploitants.

Trois semaines d’adaptation aux robots

 
Le nouveau bâtiment a été construit en parallèle du premier. Quand il a été fini, le mur a été abattu et les deux toitures reliées.Les deux robots de traite sont au cœur du bâtiment pour un accès facile depuis toutes les logettes. © C. Julien
Le nouveau bâtiment a été construit en parallèle du premier. Quand il a été fini, le mur a été abattu et les deux toitures reliées.Les deux robots de traite sont au cœur du bâtiment pour un accès facile depuis toutes les logettes. © C. Julien

 

Pendant trois semaines en décembre, les associés ont consacré leurs journées, et souvent leurs nuits, à l’adaptation des vaches à ce nouveau mode de traite. Sur les conseils d’Anthony Baslé, spécialiste robot chez Eilyps, les vaches ont d’abord été invitées à visiter le robot et à y découvrir l’aliment. Puis, elles se sont habituées au passage du bras, sans traite, et au brossage des trayons. Enfin, toutes les mamelles ont été scannées. Une fois toutes ces étapes franchies, il a fallu sauter le pas et arrêter la salle de traite. « 85 vaches étaient à traire, se souvient Jean-Yves Honoré. Le matin, 40 sont allées à la salle de traite, et 45 au robot : ça a pris la matinée de les y pousser une par une. Dans l’après-midi, on a commencé à mettre au robot le lot de 40. Le soir, tout le monde était passé au moins une fois au robot. »

S’il a fallu du temps et de la patience, la transition s’est plutôt bien passée. « Il n’y a qu’une vache qu’on n’a pas réussi à faire passer au robot car elle paniquait totalement. Finalement ce qui nous a pris le plus de temps, c’est d’amener les vaches à changer d’heure de traite pour arriver à une répartition sur 24 heures. Heureusement que les robots ne sont pas trop saturés. »

Fin janvier, le troupeau a trouvé son rythme, les 100 vaches sont traites en moyenne 2,5 fois par jour. Les associés apprécient l’amélioration de la qualité du lait. « Depuis le passage au robot, nous avons moins de cellules car le suivi à chaque traite nous permet de détecter plus vite les vaches à problème. » Restera à habituer progressivement les génisses et la quinzaine de vaches qu’ils viennent d’acheter.

Et si c’était à refaire ?

 
La présence de deux tables d'alimentation permet d'envisager de travailler en deux lots. © Eilyps
La présence de deux tables d'alimentation permet d'envisager de travailler en deux lots. © Eilyps

 

Même si la vitesse de croisière n’est pas encore atteinte, qu’ils leur restent des travaux de finition, les trois associés ont déjà pu apprécier la fonctionnalité de leur nouveau bâtiment. « Nous sommes contents des conditions de travail. Le troupeau s’y est bien fait », soulignent-ils

C’est surtout Valérie, qui était en charge de la traite, qui a vu son organisation de travail changer. Ne serait-ce qu’au niveau des horaires : au lieu de commencer son travail à 5 h 30, Valérie arrive sur l’élevage à 6 h 45. Au total, son temps de travail est le même mais elle y a gagné en souplesse d’organisation. Le passage en traite robotisée lui a aussi été bénéfique au niveau santé. « Avant, le soir j’étais exténuée, avec des douleurs dans les jambes, reconnaît l’agricultrice. En deux ou trois semaines, j’ai senti le changement, je n’ai plus mal aux jambes. »

Le budget de 600 000 euros plutôt bien respecté

 
Un box sur aire paillée a été aménagé pour les vaches qui ont besoin d'être isolées (génisses après vêlage, vaches boiteuses). Il a un accès direct au robot. © Eilyps
Un box sur aire paillée a été aménagé pour les vaches qui ont besoin d'être isolées (génisses après vêlage, vaches boiteuses). Il a un accès direct au robot. © Eilyps

Les vaches apprécient le confort du nouveau bâtiment. « Pour l’instant, il y a plus de logettes que de vaches, on voit que les nouveaux matelas sont plus confortables car les vaches ont tendance à plus occuper ces logettes-là », remarquent les éleveurs. Autre source de satisfaction, le budget de 600 000 euros a été assez bien respecté. « Quand l’avant-projet est bien pensé, le maître d’œuvre a toutes les cartes en main pour éviter les dépassements de budget », souligne Thierry Régeard, de Tecmatel. Il y a eu un surcoût d’environ 40 000 euros, surtout pour la partie électricité, car il a fallu renforcer la sécurité des installations et acheter une nouvelle génératrice pour permettre le fonctionnement des robots en cas de coupure d’électricité, ce qui n’avait pas été prévu au départ.

 

En sortie des deux robots, des portes de tri permettent à une personne seule d'isoler une vache ou de la diriger vers le box paillé. © C. Julien
En sortie des deux robots, des portes de tri permettent à une personne seule d'isoler une vache ou de la diriger vers le box paillé. © C. Julien

 

Seul point noir du projet, les éleveurs reconnaissent avoir déchanté sur l’énergie et le temps qu’il a fallu consacrer au projet. « Nous n’avions pas mesuré la quantité de travail que ça demandait, tout au long du chantier et pour la période d’adaptation, reconnaissent-ils. Pour alléger le coût, on avait décidé de faire des choses nous-mêmes, comme le terrassement. Il nous reste des choses à faire, comme finir d’aménager toutes les logettes et transformer l’ancienne salle de traite en nurserie. Mais on ne pensait pas qu’en plus de tout le suivi fait par le maître d’œuvre, nous aurions autant à faire pendant le chantier. » Il y a eu le contexte si particulier de 2020, qui a obligé à revoir plus d’une fois le planning. Mais c’est surtout face aux lourdeurs administratives que les associés estiment avoir perdu beaucoup de temps et d’énergie. « Il faut du temps pour monter les dossiers, obtenir les autorisations, on nous demande beaucoup de documents. Franchement, toute cette partie administrative, c’était la mauvaise surprise du projet. »

Conforter la production laitière par la méthanisation

Créer une unité de microméthanisation demande 400 000 euros d’investissements supplémentaires mais permet aussi de dégager un revenu complémentaire.

 
Une unité de microméthanisation valorise les déjections par la production d'électricité. © C. Julien
Une unité de microméthanisation valorise les déjections par la production d'électricité. © C. Julien

 

Depuis mi-janvier, le Gaec Honoré est producteur d’électricité. En parallèle du projet d’un nouveau bâtiment, les trois associés ont réfléchi à une unité de microméthanisation. « Cela s’inscrit dans un cycle vertueux, qui valorise les effluents pour dégager un revenu qui aidera à payer le bâtiment, expliquent les trois éleveurs. En plus, le digestat est intéressant pour fertiliser les cultures. » Le dimensionnement de l’unité de méthanisation, 33kWh en cogénération, a été calculé pour valoriser les effluents de l’exploitation, sans avoir recours à des ressources extérieures, ni en retirant des hectares des surfaces destinées à l’alimentation du cheptel.

Un contrat de rachat à 17 centimes du Kw et 5 centimes d’aide

Deux robots nettoient en continu les déjections et les déversent vers une préfosse. Après malaxage et ajout de quelques matières végétales, comme les parties moisies des ensilages, ils arrivent dans un digesteur de 300 m3 où ils produisent du biogaz pendant 35 jours. Puis le digestat rejoint une fosse de stockage couverte de 3 800 m3. Cette fosse a été dimensionnée pour 200 vaches, qui est l’objectif des trois associés, d’ici quelques années.

L’unité de méthanisation et la fosse ont demandé un investissement de 400 000 euros. Les associés ont signé avec EDF un contrat de rachat sur vingt ans à 17 centimes du kilowatt, auxquels s’ajoute une aide de l’État de 5 centimes parce que la méthanisation repose entièrement sur la valorisation d’effluents. « L’objectif est de dégager un revenu, indépendant des variations du prix du lait, qui aidera à financer le nouveau bâtiment. » Motivé par ce projet, Nathan, le fils de Jean-Yves, va commencer ses démarches pour s’installer fin 2021.

Le Gaec Honoré

3 associés : Jean-Yves, 59 ans, marié, 3 enfants ; Didier, 55 ans, marié, 3 enfants ; Valérie, 45 ans, mariée, 3 enfants.

170 ha de SAU sur 2 sites. Le siège est à Andouillé-Neuville, où est l’atelier lait. À Feins, à 8 km, un autre îlot accueille les génisses et des cultures de vente.

La référence est actuellement de 1 230 000 litres, avec un objectif de 1 450 000 litres pour la campagne 2022-2023.

Étape 3

° Début des travaux en décembre en 2019 après un an de réflexion, obtention des financements et du permis de construire

° Premier confinement : retard dans l’avancement de la maçonnerie et la pose de la charpente

° Reprise des travaux en mai avec un planning bouleversé

° Bétons coulés en septembre au lieu de juillet

° Réception du chantier le 16 décembre

° Mise en service du bâtiment en décembre (au lieu de septembre)

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