Comment améliorer la viabilité des microfermes maraîchères ?
L'installation sur des systèmes en microfermes maraîchères biologiques est aujourd'hui une voie suivie par des nombreux porteurs de projet. Pour identifier les facteurs clés de réussite et d’échec de leur viabilité, plusieurs projets se sont lancés ces dernières années, comme MMBio, impliquant de nombreux partenaires et piloté par l’Itab.
L'installation sur des systèmes en microfermes maraîchères biologiques est aujourd'hui une voie suivie par des nombreux porteurs de projet. Pour identifier les facteurs clés de réussite et d’échec de leur viabilité, plusieurs projets se sont lancés ces dernières années, comme MMBio, impliquant de nombreux partenaires et piloté par l’Itab.
L’engouement pour les microfermes maraîchères en AB ne se dément pas depuis une dizaine d’années, particulièrement pour les nouvelles installations. Si leur nombre ne cesse d’augmenter, les références techniques et économiques manquent pour accompagner les porteurs de projet et améliorer la viabilité des exploitations. C’est pour cette raison qu’a été monté, en 2018, le projet MMBio, porté par l’Institut technique de l'agriculture et l'alimentation biologiques (Itab), réunissant une vingtaine de structures partenaires. Son objectif était de produire des repères techniques et technico-économiques sur la base d’un travail d’enquêtes menées auprès d’une quarantaine de microfermes dans toute la France. L’année 2023 est la dernière pour le projet MMBio.
Une grande diversité d’approches
Pour délimiter le panel de microfermes à enquêter, le collectif de partenaire a tout d’abord défini ce qu’était une microferme maraîchère biologique, d’après les travaux de Kevin Morel : « une ferme avec au moins 2/3 du chiffre d’affaires issu du maraîchage dont la surface cultivée est inférieure à 1,5 ha et dont la production est très diversifiée (plus de 15 espèces par an) ». La commercialisation en circuits courts et la limitation des investissements et de la motorisation sont des traits communs supplémentaires, considérés ici comme non-discriminants. Les fermes enquêtées devaient par ailleurs disposer d’une comptabilité exploitable et plus de 3 ans d’existence, de façon à s’éloigner de la phase de montée en puissance liée à l’installation.
L’un résultats majeurs de cette enquête est d’éclairer la diversité des modèles de microfermes maraîchères biologiques : en termes de surfaces cultivées, résultats économiques, temps de travail, stratégies de vente et d’investissement… Elles sont aussi diversifiées que les fermes maraichères biologiques classiques. Il n’y a ainsi pas un seul modèle de microferme mais une grande diversité d’approches. « Nous avons développé une typologie basée sur le revenu horaire disponible qui permet de différencier quatre groupes », décrit Simon Rivière, de l’Itab. Le premier, constitué de 9 fermes dont le revenu horaire disponible est inférieur au RSA (3,74 €). Le deuxième groupe est le plus large, avec 15 fermes qui présentent un revenu horaire disponible compris entre le RSA et le SMIC net (entre 3,74 et 8,03 €). Neuf fermes sont dans le troisième groupe. Leur revenu horaire disponible est compris entre le Smic net (8,03 €) et 1,5 fois ce montant (12,05 €). Enfin le quatrième et dernier groupe est constitué de 5 fermes, dont le revenu horaire disponible est supérieur à 1,5 fois le Smic net (plus de 12,05 €).
Prendre le temps avant de s'installer
L’enquête n’a pas permis de faire ressortir un ensemble de caractéristiques systématiquement associées à une viabilité importante. Ainsi, des paramètres comme la surface cultivée, l’intensification des cultures, la diversité des cultures, le profil des agriculteurs, ou encore la quantité de travail et de capital… ne sont pas différenciés par groupe de revenu horaire disponible. « Ce qui est intéressant dans MMBio, c’est précisément de pointer que les facteurs technico-économiques classiques ne permettent pas d'expliquer que certaines microfermes s’en sortent mieux économiquement que d’autres », souligne Kévin Morel, Inrae, lors de la table ronde qui a clôturé la journée MMBio. « A chiffre d’affaires, surface, niveau d’investissement équivalents, on a des fermes qui sont dans le groupe 1 et d’autres qui sont dans groupe 4. D’autres facteurs doivent entrer en jeu, peut-être davantage liés au territoire, à l’approche du travail, à des dispositions psychologiques, etc ».
Au cours de cette table ronde, les intervenants ont insisté sur la nécessité de prendre le temps avant de s’installer. Les porteurs de projet en microferme ont souvent peu d’expérience dans l’agriculture, ce qui peut être une source d’échec. « Allez prendre de l’expérience, allez travailler dans des fermes en tant que salarié », conseille Maëla Peden, du GAB 56, aux futurs installés. Les microfermes embauchent peu, mais le travail salarié dans une ferme maraichère bio classique apporte une expérience tout aussi précieuse. « Le légume, son cycle de culture, la récolte, le semis… restent les mêmes sur des fermes plus grandes, poursuit-elle. Toutes ces expériences vous permettront de construire votre projet en connaissance de cause. »
Une dynamique collective au sein du territoire
« La première chose à apprendre pour les porteurs de projet, c’est comment pousse un légume et comment on fait pousser un légume, abonde Dominique Berry, de la Chambre d’agriculture du Rhône. Malheureusement, on voit des situations d’échecs en raison de cultures « mal conduites » : enherbement dans les cultures, absence d’irrigation, fertilité du sol pas suffisamment entretenue… Cela peut expliquer certaines situations de non rentabilité. » La notion de collectif a également été abordée par plusieurs intervenants de la table ronde. « Je constate combien il est difficile de s’installer ces dernières années, avec les différentes crises, l’absence de renouvellement des générations en agriculture, le dérèglement climatique, estime Perrine Bulgheroni, formatrice en permaculture et agroécologie. Avec toutes ces difficultés, je pense que l’avenir est vers le collectif, qui peut s'envisager de différentes façons ».
« Le collectif ne se résume pas à un outil de production collectif, appuie Dominique Berry. Il peut désigner aussi la dynamique collective au sein d’un territoire et donc l’accompagnement collectif de microfermes, même individuelles. Il faut arriver à générer cette dynamique collective autour des microfermes pour mieux les accompagner, à la fois dans la phase de préparation de l’installation, de l’installation en elle-même et de la post installation, afin de favoriser leur viabilité. »
Il n’y a ainsi pas un seul modèle de microferme mais une grande diversité d’approches
D’autres projets sur les microfermes
Auvergne-Rhône-Alpes : MIPS Aura
Le projet MIPS Aura, mené à la Serail dans le Rhône, a comparé pendant trois ans deux systèmes de production, « petite surface » et « surface classique ». Le système « petite surface » a mis en place plusieurs leviers d’action : réduction de la mécanisation, densification des cultures, limitation du temps de travail de l’exploitant à 40 heures par semaine, augmentation de la surface de culture sous abris et ajout d’un tunnel mobile, adaptation de la gamme de légumes. Le projet va se poursuivre en approfondissant l’analyse des techniques pour l’optimisation du maraîchage sur petite surface.
Paca : Mimabio
Bretagne : vivabilité des microfermes maraîchères
Le rôle des collectivités locales
« Les collectivités locales qui s’intéressent aux démarches de transition agroécologique et alimentaire dans les territoires ont un rôle à jouer dans le soutien des projets de maraîchage bio, dont les microfermes », expose Delphine Ducœurjoly, AgroParisTech, coordinatrice du programme Territoires en transition agroécologique et alimentaire. Selon elle, le rôle des collectivités est beaucoup plus important qu’il ne l’était il y a encore dix ans, en lien avec la prise de conscience que l’agriculture n’a plus seulement vocation à produire des biens alimentaires, mais aussi à préserver les biens communs : qualité de l’eau, de l’air, du sol… « C’est donc bien une légitimité des collectivités locales de s’intéresser à ces questions-là. » Les collectivités engagées pilotent, cofinancent et facilitent un grand nombre d’actions qui touchent directement le maraîchage bio. « Il y a notamment énormément d’actions sur le foncier : préservation du foncier agricole, acquisition de foncier et mise à disposition auprès des agriculteurs. »
Souvent, les produits agricoles sont achetés pour être distribués aux cantines. Le rôle des collectivités peut aussi s’étendre au cofinancement d’équipements de travaux pour viabiliser des parcelles, d’espaces tests agricoles, d’ateliers de transformation et de conditionnement, de conserveries, de plateformes logistiques de distribution… Elles peuvent aussi réaliser des études de marché. « La question du portage politique est essentielle, pointe Delphine Ducœurjoly. S’il n’y a pas de portage par les élus locaux au sein de la collectivité, ça ne marchera pas. Il faut sensibiliser les élus pour qu’ils prennent conscience qu’ils ont entre les mains de nombreux outils et leviers pour accompagner des projets agricoles comme les microfermes. »