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Cinq choses que vous devez savoir pour lutter contre « Cryptoblabes gnidiella » en viticulture

Bien installé sur le pourtour méditerranéen, « Cryptoblabes » progresse vers les terres. Le repérage de cette pyrale doit s’améliorer, pour une lutte plus efficace.

Les larves de « Cryptoblabes » sont poilues et un peu plus grandes que celle d'Eudémis.
© C. Cassarini/Chambre d'agriculture du Gard

1 Être vigilant dans le Sud-Ouest

Détecté pour la première fois il y a un peu plus de vingt ans dans les Costières de Nîmes, Cryptoblabes gnidiella est un ravageur désormais bien installé dans les vignobles méditerranéens.*

Dans un suivi par piégeage réalisé sur 102 parcelles en 2023 par l’Inrae en collaboration avec 45 partenaires, Cryptoblabes a été détecté dans l’Aude, la Corse, la Drôme, le Gard, les Pyrénées-Orientales, le Var et le Vaucluse. « La majorité des détections a été effective au cours de l’été, en particulier au moment de la maturité du raisin », observe Lionel Delbac, ingénieur à l’Inrae Bordeaux. La progression de cette espèce invasive semble inéluctable à la faveur de conditions climatiques qui lui sont favorables.

Pour le moment, les vignobles du Sud-Ouest semblent épargnés, même si Audrey Petit, de l’IFV, rapporte qu’une capture y avait été réalisée il y a deux ans. Depuis, cette pyrale n’a pas été signalée dans cette zone, mais il y a très peu de pièges. Cryptoblabes gnidiella pourrait-il atteindre un jour le vignoble bordelais ? Cyril Cassarini, technicien viticole à la chambre d’agriculture du Gard, estime qu’il « coche toutes les cases pour son développement, avec des étés chauds et secs, la proximité d’un fleuve et de l’océan, avec une hygrométrie suffisante ».

2 Se former pour bien identifier le ravageur

 

 
On distingue un petit appendice sur le 3ème élement de l'antenne pour les mâles Cryptoblabes
On distingue un petit appendice sur le troisième élément de l'antenne pour les mâles « Cryptoblabes ». © L. Delbac, Inrae Bordeaux

Si Cryptoblabes est bien implanté dans les vignobles du sud de la France, en revanche son identification est parfois délicate. Une enquête réalisée par l’IFV en 2023 (1) révèle en effet que 44 % des viticulteurs qui déclarent des dégâts de Cryptoblabes expliquent ne pas savoir identifier le papillon et deux tiers de ceux qui n’ont jamais vu le ravageur pensent ne pas pouvoir identifier les larves ou les adultes. « L’identification des mâles permet de faire la différence avec Eudémis par la présence d’un petit appendice en forme de corne sur le troisième élément de l’antenne, mais cela ne peut pas se faire à l’œil nu », remarque Lionel Delbac. Concernant les larves, les premières sont visibles début juillet ; elles sont beaucoup plus foncées que celles d’Eudémis avec deux bandes noires de chaque côté du thorax et les chenilles sont un peu plus grandes que celles d’Eudémis. « De leur côté, les œufs ne sont pas facilement observables, précise Lionel Delbac, car la femelle pond sur la rafle. »

3 Étudier son cycle notamment en phase printanière

Cryptoblabes est un ravageur qui peut faire quatre voire cinq générations dans le Sud, mais son comportement diffère des autres insectes. On observe souvent quelques papillons à partir du mois de mai, puis plus rien. Il y a ensuite une phase exponentielle en fin d’été. « Il semblerait que Cryptoblabes s’installe dans les zones environnantes sur d’autres plantes hôtes (plus de 80 répertoriées) pendant cette période avant de revenir dans les parcelles de vigne à partir de mi-juillet, avec un pic à l’approche des vendanges », précise Cyril Cassarini. Une meilleure connaissance de la biologie de Cryptoblabes, en particulier sur sa phase printanière, permettrait de mieux prendre en compte la dynamique des vols pour adapter la lutte.

4 En conventionnel : coupler la protection avec la G2 Eudémis

La stratégie de lutte à mettre en œuvre dépend des cépages et de l’historique de la parcelle. « Cela varie aussi selon le niveau des captures de papillons, souligne Cyril Cassarini. Il ne faut pas trop attendre au risque de voir Cryptoblabes s’installer. »

Pour les cépages précoces, de type chardonnay, une première application insecticide peut être envisagée en même temps que la G2 visant Eudémis, suivie d’une application spécifique fin juillet-début août. Pour les cépages tardifs (carignan, mourvèdre…) et les cépages noirs (grenache, syrah) qui sont les plus sensibles, une protection est à prévoir au moment de la véraison.

En conventionnel, la solution insecticide à base d’émamectine, Affirm/Proclaim, est largement utilisée (89 % des utilisations selon l’enquête IFV (1)). Cette solution, qui offre une persistance d’action de 21 jours, agit sur les œufs et les larves et le traitement doit bien cibler les grappes. À noter que plusieurs pyréthrinoïdes sont autorisés, ce qui peut permettre de gérer la cicadelle de la flavescence dorée en même temps.

5 Lutte en bio : miser sur le spinosad et le Bt

En bio, selon cette même enquête IFV (1), 63 % des viticulteurs traitent avec du spinosad et 28 % le combinent avec du Bacillus thuriengiensis alors que 6 % utilisent du Bacillus thuriengiensis seul. « L’efficacité des Bt est de l’ordre de 50 % et il faut renouveler tous les huit jours », observe Cyril Cassarini. À noter que 5 % des viticulteurs déclarent poser des trichogrammes en complément d’autres traitements insecticides. Une solution de confusion sexuelle a été développée par la société espagnole SEDQ, mais selon Cyril Cassarini son efficacité est très variable.

 

 
A un stade avancé, les grappes se vident de leur jus.
À un stade avancé, les grappes se vident de leur jus. © C. Cassarini, chambre d'agriculture du Gard
(1) Enquête IFV réalisée auprès de l’ensemble des viticulteurs du pourtour méditerranéen en 2023 (208 réponses exploitables couvrant une surface de 13 510 hectares).

Cela a un coût !

Qu’elle soit conventionnelle ou bio, la protection contre Cryptoblabes a un coût non négligeable. Selon l’enquête IFV, elle se monte à 110 euros par hectare en moyenne en conventionnel, et à 149 euros par hectare en moyenne en bio. Une dépense à mettre en relation avec des pertes de récolte estimées à environ 5 %, mais qui peuvent atteindre 20 % dans les parcelles les plus attaquées.

Deux questions à

Nicolas Constant, référent viticulture biologique IFV et porteur du projet Cryptoblabes-Casdar

Quel est l’objet du nouveau projet de recherche sur « Cryptoblabes » déposé auprès du Casdar en février 2024 ?

 

 
Nicolas Constant, référent viticulture biologique
Nicolas Constant, référent viticulture biologique à l'IFV © IFV

Nicolas Constant : Nous avons encore beaucoup à apprendre sur la biologie de ce ravageur qui progresse et qui occasionne des dégâts très significatifs sur la récolte. Une meilleure connaissance est indispensable pour adapter la lutte et notamment mieux positionner les traitements. Un premier projet avait été déposé en février 2023. Il n’a pas été retenu mais les questions techniques abordées ont été jugées pertinentes, c’est pourquoi nous avons à nouveau déposé en février dernier ce projet pour une mise en action à partir d’octobre 2024 jusqu’en mars 2028. Nous saurons cet été si le financement est accordé.

Quels sont les axes de recherche attendus de ce projet ?

N. C. : Notre premier objectif est l’amélioration des connaissances sur la biologie et le cycle de développement de Cryptoblabes sur le territoire français. Le deuxième axe de travail est la définition de la zone de présence actuelle du ravageur et la modélisation à moyen terme dans les autres vignobles français. La troisième piste de travail est de proposer des stratégies de lutte intégrée qui prennent en compte les facteurs favorables mais aussi l’évaluation de l’impact de la faune auxiliaire. Nous avons également l’ambition d’accompagner les viticulteurs et techniciens dans la reconnaissance de ce ravageur, en particulier dans les zones où il n’est pas encore présent.

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