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Asie
Un projet de ferme de 500 000 chèvres en Chine

Depuis le scandale du lait de vache à la mélamine de 2008, le secteur laitier chinois est en crise. Pour tenter de tirer leur épingle du jeu, plusieurs laiteries misent sur le lait de chèvre. Avec des projets à l’échelle chinoise.

Loin de l’élevage traditionnel chinois, le projet de la laiterie Feihe prévoit la construction d’un élevage de 500 000 chèvres.  © D. Hardy
Loin de l’élevage traditionnel chinois, le projet de la laiterie Feihe prévoit la construction d’un élevage de 500 000 chèvres.
© D. Hardy

Le secteur laitier chinois a pris son envol au début des années 2000, à travers des initiatives comme l’offre de lait à prix coûtant dans les écoles ou la vente de vaches laitières auprès des agriculteurs. Ces politiques ont porté leurs fruits, la production de lait de vache est passée de 8 millions de tonnes en 2000 à 35 millions de tonnes en 2008.

Si les résultats quantitatifs ont été au rendez-vous, le développement de la filière de lait de vache s’est révélé déséquilibré et a mené au scandale de la mélamine. Il aurait officiellement causé la mort de six nourrissons et touché au total 300 000 bébés. Il a entraîné la défiance des consommateurs chinois envers les produits nationaux, notamment les poudres de lait, provoquant une quasi-stagnation de la production depuis 2008. Considérés comme plus sûrs que les produits nationaux, les achats de produits importés ont explosé et la production locale a quasiment stagné, ne progressant que de 6 % entre 2008 et 2015, contre 500 % entre 2000 et 2008.

Une niche pour se démarquer du lait standard

En 2014, une nouvelle crise a affecté le secteur chinois mais également le marché mondial. Suite à des importations chinoises massives en 2013-début 2014, la consommation chinoise a reculé, entraînant une chute du prix du lait, un gonflement des stocks, une baisse drastique des achats chinois sur le marché international et une généralisation des promotions par les transformateurs.

Alors que cette nouvelle crise a entraîné le recul du chiffre d’affaires et des profits de la majorité des entreprises laitières chinoises, certaines choisissent des stratégies pour tenter de préserver les marges comme la croissance des produits haut de gamme ou l’investissement dans des niches comme le lait biologique ou le lait de chèvre.

Des statistiques partielles et contradictoires

Si la production laitière chinoise est aujourd’hui constituée à 97 % de lait de vache (voir graphique), cela n’a pas toujours été le cas. Dans les années quatre-vingt, selon les statistiques officielles, la production de laits d’autres espèces (chèvre, brebis, jument…) a représenté jusqu’à 20 % de la production nationale de lait. Le développement du secteur laitier a ensuite largement porté sur le lait de vache, dont la production a été multipliée par 33 entre 1980 et 2015, contre une multiplication par cinq pour les autres laits.

Les statistiques sur le lait de chèvre sont partielles et parfois contradictoires. Il semblerait que celui-ci représente en 2015 plus de la moitié de la production du lait autre que le lait de vache. Si le cheptel caprin chinois totalise près de 140 millions de têtes, seules six millions de chèvres seraient spécialisées en production laitière. La province du Shaanxi, au centre-nord de la Chine, se classerait leader en termes de cheptel comme de production, devant le Shandong, le Henan… Les produits traditionnellement issus du lait de chèvre demeurent le lait en poudre et le lait liquide, les fromages étant peu présents. Sur le marché, le prix du lait de chèvre se retrouve deux fois plus élevé que celui du lait de vache, notamment en raison du mode d’élevage reposant sur des petites exploitations.

Le lait de chèvre en poudre autorisé depuis 2013

Outre la défiance dans le lait de vache produit localement, deux autres facteurs soutiennent le développement de cette production ces dernières années : l’adoption de techniques permettant de réduire le problème olfactif qui lui est lié et la décision des autorités en juin 2013 d’autoriser la production et la commercialisation de poudre de lait infantile à base de lait chèvre.

En 2015, plus de 200 marques de poudres de lait de chèvre seraient présentes en Chine, pour une production d’environ 70 00 tonnes selon les experts, une multiplication par 10 en six ans, provenant à 90 % de la province du Shaanxi. Ainsi, si la production de lait de chèvre ne représente que moins de 2 % de la production totale de lait en Chine, la part des poudres de lait de chèvre serait de près de 7 % sur le marché local.

Une ferme géante pour produire deux cents millions de litres

De nombreuses entreprises ont donc lancé des investissements dans ce secteur, comme Wandashan ou Sanyuan. Mais celle qui semble le plus miser sur le lait chèvre est la société Feihe. Après avoir racheté Shaanxi Guanshan Dairy, spécialisée dans le lait de chèvre, Feihe a décidé la construction, dans la province du Jilin, d’une ferme de 500 000 chèvres, soit plus de la moitié du cheptel français. D’ici 2022, des investissements estimés à 3,5 milliards de yuans (500 millions d’euros), soit la moitié du chiffre d’affaires annuel de la société, devraient permettre à cette exploitation caprine, qui emploiera mille personnes et sera la plus grande au monde, de produire annuellement 200 00 tonnes de lait servant à la fabrication de 30 000 tonnes de produits laitiers (laits infantiles, yaourts, lait liquide, fromages…).

La communication des entreprises de production de lait de chèvre repose notamment sur la sécurité sanitaire du lait, y compris le moindre risque allergique mais également sur ses bénéfices nutritionnels, pas toujours confirmés par les experts scientifiques. Mais le débat a récemment porté sur la place du lactosérum issu du lait de vache dans les poudres étiquetées comme « de lait de chèvre ». Selon certains experts, jusqu’à 30 % des ingrédients de ces produits proviendraient de lait de vache, sans que l’étiquetage en fasse mention, portant un coup à la crédibilité de ce produit. Pour tenter de régler le problème, une nouvelle réglementation a vu le jour fin 2015, obligeant l’affichage de la liste des ingrédients et leur proportion.

Malgré ces accros, la consommation et la production de lait de chèvre devraient progresser dans les années à venir, sous le double effet d’une communication agressive et d’une concurrence entre les entreprises laitières qui voudront ne pas laisser passer une telle opportunité. Certains de leurs dirigeants effectuent déjà des voyages aux Pays-Bas et en France pour enrichir leurs connaissances sur cette production.

La consommation en lait de chèvre des Chinois devrait progresser

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