Un mot d’ordre pour le tarissement des chèvres : anticiper
Période source de stress pour les éleveurs comme pour les chèvres, le tarissement se prépare plusieurs semaines à l’avance et doit durer 60 jours minimum. Conseils pour tarir sereinement.
Période source de stress pour les éleveurs comme pour les chèvres, le tarissement se prépare plusieurs semaines à l’avance et doit durer 60 jours minimum. Conseils pour tarir sereinement.
La cinquantaine d’éleveurs réunis pour le colloque caprin organisé par la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres et le Saperfel ont longuement échangé sur le thème du tarissement. Et tous ont les mêmes inquiétudes autour de cette période stressante : est-ce que mes chèvres vont bien se tarir ? Comment réduire la ration ? Va-t-il y avoir des avortements ? Quand reprendre la distribution de concentré et quelle quantité ? Autant de questions auxquelles Angélique Roue, conseillère en production caprine à la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres, Pauline Trillat, vétérinaire, du GTV79, et Laurène Robin, conseillère au Saperfel ont répondu en commençant par rappeler que : « l’arrêt de la stimulation de la mamelle contribue à l’arrêt de la sécrétion du lait. Tarir, c’est d’abord arrêter de traire ».
La lactation future est directement conditionnée par le bon déroulement de la période sèche et de la mise bas. Il convient d’être particulièrement vigilant et rigoureux durant ces phases. « Lors du tarissement, l’involution de la mamelle dure environ 25 jours, et la régénérescence trois semaines. Ainsi, la phase intermédiaire de repos n’est véritablement présente que si la période sèche dure plus de six semaines, ont-elles exposé. Sur la base du schéma classique, avec un tarissement de huit semaines, ce repos dure deux semaines. Il est donc indispensable de respecter un tarissement de 60 jours minimum. Un tarissement plus court expose inéluctablement à des problèmes futurs : mauvaise qualité de colostrum, poids de chevreaux insuffisant, amaigrissement, affaiblissement, production en baisse, etc. » Deux mois c’est donc le délai nécessaire à l’assainissement de la mamelle et à la régénération de ses tissus.
Préparer la future lactation
Ainsi, retarder le moment du tarissement, c’est se mettre dans une situation où production et gestation sont en compétition avec une possibilité d’involution et de régénération du tissu mammaire plus délicate.
Plusieurs facteurs interviennent dans le processus de tarissement. « La gestation entraîne la sécrétion de progestérone qui inhibe la synthèse des caséines et autres constituants du lait, et la sécrétion de prolactine, précise Pauline Trillat. L’absence de traite et la stase du lait dans la lumière des alvéoles inhibent, elle, la sécrétion de lait par les lactocytes et entraînent la régression des tissus mammaires. Enfin bien sûr, un changement alimentaire adapté. »
C’est physiologique : l’augmentation de la pression intramammaire fait diminuer la production. Il est donc normal que la mamelle gonfle, raisonnablement bien sûr. Aux questions de la salle sur les crèmes décongestionnantes, les deux conseillères répondent qu’il faut les utiliser avec précaution parce que dès que la mamelle est massée, cela fait repartir la lactation.
Le tarissement permet l’assainissement naturel de la mamelle. « Attention, prévient Pauline Trillat, il ne faut pas tarir une chèvre avec une mammite clinique ni lui appliquer de traitement au tarissement. L’infection doit être soignée avant le tarissement et la chèvre traite jusqu’à la guérison. Pour cela, le mieux est de déterminer l’origine de la mammite. » En élevage caprin, 75 à 80 % des infections subcliniques des chèvres sont liées à des germes à réservoir mammaire, des staphylocoques, avec une contamination pendant la traite. Les autres causes sont des germes à réservoir mixtes, mamelle et environnement, tels que les streptocoques et colibacilles. Enfin, troisième cause, les mycoplasmes, des bactéries sans paroi. L’identification du germe principal responsable de l’infection est primordiale.
Assainir la mamelle
De même, il ne faut pas traiter une chèvre qui s’est tarie précocement, sinon on rouvre le sphincter qui s’était fermé. « Si un traitement au tarissement est effectué, il faut réfléchir aux chèvres à traiter et celles qui les sont ne doivent pas remonter en salle de traite. »
Côté alimentation, première règle, ne pas arrêter l’eau. L’objectif est de maintenir l’ingestion pendant le tarissement pour éviter une trop forte perte d’état à la mise bas. Pour couvrir les besoins alimentaires, le foin seul ne suffit pas. La chèvre a besoin d’énergie pour assurer la croissance du ou des chevreaux et préparer la future lactation (voit tableau ci-contre).
Anticiper la diminution des besoins alimentaires en élaborant un planning alimentaire permet de bien anticiper et de faire une transition, importante pour le rumen. Les tarissements pour les chèvres désaisonnées doivent s’anticiper encore plus.
Le saviez-vous ?
Deux effets combinés provoquent l’éjection du lait : l’effet mécanique de la vidange de la citerne, et l’effet hormonal. Ainsi, l’ocytocine est sécrétée lors de la manipulation de la mamelle et ambiance de traite : elle favorise l’éjection du lait alvéolaire. La prolactine est une hormone synthétisée par l’hypophyse, qui est sous la dépendance du niveau d’œstrogène, lequel s’élève de manière notable à l’approche de la mise bas. On considère ainsi que la prolactine est la principale hormone lactogénique.
La monotraite en transition
Pratiquer une monotraite avant de tarir permet de limiter la surtraite de chèvres peu productives en fin de lactation, de diminuer le temps de travail et d’accompagner la diminution de la production laitière (réflexe lié aux bruits de la salle de traite). Attention à ne pas dépasser 24 heures d’intervalle entre deux traites pour éviter la formation anticipée d’un bouchon de kératine.
Profiter du tarissement pour s’organiser… et se reposer
Période réputée plus calme dans l’année, le tarissement est l’occasion de préparer les mises bas sereinement, de réviser tout le matériel qui sera nécessaire pour les premiers jours des chevrettes et chevreaux (louve, lampes, écornage…). En cas d’arrêt de la salle de traite, la mettre en marche toutes les semaines ou 15 jours pendant 10 minutes pour faire tourner la pompe. Attention à ne pas laisser les manchons sur leur support (humidité).