Économie d’énergie
Réduire la charge électrique de la fromagerie
Le marché de l’électricité s’ouvre à la concurrence. Une journée technique a montré des pistes pour limiter sa consommation et verdir son électricité.








Ça peut valoir le coup de se mettre au courant des prix électriques. Début 2016, les tarifs réglementés de vente de l’électricité ont disparu pour les consommateurs professionnels ayant un contrat dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVa. Pour les fromagers fermiers dont la facture électrique moyenne annuelle voisine les 3 000 euros selon les chiffres d’Inosys – réseau d’élevage, il peut y avoir un intérêt à regarder sa facture de plus près.
Le marché de l’électricité évolue et la concurrence est désormais ouverte pour le choix du fournisseur. « Les tarifs réglementés de l’électricité sont globalement bas en France mais ils devraient augmenter pour financer le vieillissement des centrales nucléaires et le développement des énergies renouvelables » commentait Jérôme Tardivat de l’Espace info énergie de Saône-et-Loire le 9 juin dernier lors de la journée technique « Maîtrise des consommations d’eau et d’électricité : états des lieux et solutions en production laitière fermière » organisée par la Fnec et l’Institut de l’Élevage au lycée agricole de Macon-Davayé en Saône-et-Loire.
Verdir ses fromages de chèvres avec de l’électricité non-nucléaire et non carbonée
Il est ainsi possible de quitter à tout moment son contrat au tarif réglementé, sans préavis et sans frais de résiliation. Selon le lieu d’implantation, les offres et les opérateurs diffèrent. Pour choisir un nouveau fournisseur, une seule adresse, celle du médiateur de l’énergie qui a mis sur son site www.energie-info.fr un comparateur des offres de gaz et d’électricité. Le numéro vert 0 800 112 212 permet aussi de poser des questions en direct.
« On peut aussi choisir un fournisseur qui favorise d’autres sources de production que le nucléaire ou les énergies fossiles » explique Jérôme Tardivat. Ainsi, Alterna, Direct Énergie, EDF, Enercoop, Enegem, Engie, Lampiris, Planète Oui, Proxélia ou Sélia proposent des offres « vertes ». « Il y a un surcoût mais cela permet de contribuer au développement de la production de l’électricité d’origine renouvelable ».
Garder l’offre de base avec du courant au même prix toute l’année
Pour les fermiers, l’offre de base semble convenir le mieux. En effet, l’option heures pleines/heures creuses avec des tarifs moins élevés pendant 8 heures par jour ne semble pas adaptée aux fromagers fermiers qui ont des besoins en climatisation (chambre froide, séchoir, hâloir) toute la journée. Surtout que la différence de tarification entre heures pleines et heures creuses tend à se réduire au fil des ans. Autre possibilité, l’option tempo permet de bénéficier de tarifs différents selon les jours : 22 jours rouges entre novembre et mars où l’électricité et la plus chère, 43 jours blancs où l’électricité est beaucoup moins chère et des jours bleus le reste de l’année. Cette tarification s’avère risquée pour un producteur fermier avec la consommation régulière des chambres froides, sauf s’il commence sa fabrication après la fin mars, ce qui arrive rarement…
Le séchoir qui chauffe et refroidit est le plus gourmand
Pour faire la lumière sur les consommations d’électricité des fromageries fermières, la ferme du Pradel en Ardèche a installé en 2013 dix compteurs électriques qui totalisent automatiquement la consommation électrique de chaque appareil. La ferme de Davayé en Saône-et-Loire a suivi cette démarche en 2014 avec 13 capteurs, démarche imitée plus récemment par la ferme du Blanc dans l’Indre avec huit capteurs.
Le détail des consommations (voir schémas) est riche d’informations. Ainsi, le séchoir qui chauffe et refroidit en même temps reste le premier poste de consommation électrique. Au Pradel, le lave-batterie est aussi un gros consommateur d’énergie. « Cette machine professionnelle d’un prix de 15 000 euros assure un lavage vraiment efficace et rapide, apprécie Yves Lefrileux, ingénieur de l’Institut de l’Élevage au Pradel. Mais, en maintenant un bain d’eau chaude à 80-85 °C, elle consomme beaucoup d’électricité… » A Davayé, la chambre froide consomme trois fois plus qu’au Pradel. Trois ventilateurs y tournent en permanence et l’isolation y est moins efficace. Les tanks à lait consomment relativement peu car, au Pradel comme à Davayé, le lait est mis en prématuration et la température des tanks ne descend jamais en dessous de 12 °C.
Les mesures à Davayé montrent que la consommation électrique du séchoir est liée au nombre de fromages. Par contre, la consommation du hâloir est davantage liée à la température extérieure. « Le sol du hâloir n’est pas isolé, les parois ont moins de 60 mm d’isolant et le groupe froid était mal positionné, dans un endroit mal ventilé » explique Guillemette Allut du Centre fromager de Bourgogne. Depuis, le groupe a été déplacé.
Récupérer la chaleur de la chambre froide
Une fois ces constats de consommations établis, il reste à voir les pistes pour les améliorer. « C’est dur d’imaginer ce qu’on pourrait changer car il y a beaucoup de choses qu’on ne peut pas modifier, l’isolation du sol par exemple » remarque Yves Lefrileux. En fait, c’est l’accumulation de petites choses qui peut contribuer à consommer moins. Cela va de la fermeture systématique des portes à l’installation d’un pré-refroidisseur à lait ou à l’isolation des canalisations. À Davayé, la fromagerie a été équipée début 2016 d’un récupérateur de chaleur sur le compresseur de la chambre froide. Cet équipement de 6 000 euros (hors adoucisseur) préchauffe à 40-45 °C l’eau du chauffe-eau. Sur les cinq premiers mois d’équipement, la consommation électrique du chauffe-eau a été divisée par deux. « Il y a des économies d’énergie possibles en fromagerie, confirme Jean-Luc Hervé-Brecheux, climaticien à Safriclim qui a installé le dispositif, notamment sur le poste séchage et affinage où l’on a besoin à la fois de faire du chaud et du froid ».
Le plus difficile pour les fromagers fermiers reste qu’il faut s’adapter aux petits volumes et aux petits budgets. Pour Sébastien Lagneux, frigoriste chez Clanger, « il ne faut pas hésiter à mettre des matériels de variations car la production fermière est très variable au cours de l’année ». « La fromagerie tourne les deux tiers de l’année avec des niveaux de chargement faible » confirme Yves Lefrileux. L’isolation de la fromagerie est aussi capitale pour limiter les pertes énergétiques. Quelques millimètres d’isolant économisés au départ se paieront beaucoup plus sur la vie de la fromagerie. « La meilleure cave d’affinage, c’est celle où le groupe froid fonctionne le moins souvent, assure Sébastien Lagneaux, il faut donc qu’elle soit le mieux isolée possible ».
Autre piste pour réduire la facture électrique, le renouvellement d’air. « Quand on extrait de l’air, on fait rentrer de l’air neuf qu’il faut réchauffer ou refroidir pour mettre à température » explique Jean-Luc Hervé-Brecheux. Des échangeurs d’air double flux avec ventilateur permettent de climatiser l’air entrant. Il faut cependant veiller à avoir un matériel résistant et facilement nettoyable car l’air des fromageries peut être très corrosif. « Au-delà de l’aspect économique, il y a un intérêt commercial à montrer une production économe en énergie qui colle bien avec l’image des fermiers » conclut Jean-Philippe Bonnefoy, producteur fermier en Saône-et-Loire et vice-président fermier de la Fnec.
20 euros d’électricité aux mille litres en laitier, 74 pour les fromagers
Les éleveurs fromagers fermiers consomment plus d’électricité que les éleveurs laitiers. Ainsi, en compilant les données des 54 exploitations caprines laitières des réseaux d’élevage (Inosys), on obtient une consommation 123 kWh par chèvre et par an, soit 15 euros par chèvre pour 309 chèvres en moyenne ou un peu moins de 20 euros aux mille litres par an. La facture globale s’élevait à 4 440 euros en 2015.
Chez les fromagers fermiers, la consommation électrique par chèvre est 2,7 fois plus importante avec 332 kWh par chèvre et par an, soit 39 euros par chèvre pour 82 chèvres en moyenne ou 74 euros pour mille litres, soit une facture de 3 000 euros en moyenne. La consommation électrique dans les exploitations fromagères est très variable, de 25 à 950 kWh par chèvre. « Cela dépend notamment si le fromager sèche ou refroidit ces fromages » explique Yves Lefrileux.
La démarche Négawatt
Le scénario Négawatt allie la sobriété (consommer moins), l’efficacité (consommer mieux) et le renouvelable (consommer autrement). Ainsi, avant de passer à l’énergie renouvelable, je dois d’abord veiller à limiter mes consommations. Et que mes consommations soit les plus efficaces grâce à des technologies qui donnent un meilleur rendement. Par exemple, pour l’éclairage d’une pièce, il faut d’abord éteindre l’ampoule en sortant (consommer moins), remplacer les ampoules incandescentes par des LED (consommer mieux) alimentés par l’électricité hydraulique, solaire ou éolienne (consommer autrement).
Autour de six litres d’eau pour transformer un litre de lait
Les fermes du Pradel et de Davayé ont aussi mesuré leur consommation d’eau. Le Pradel consomme 1,86 m3 par jour, soit environ 5,3 litres par litre de lait transformé. À Macon-Davayé, 2,21 m3 sont consommés chaque jour en moyenne, soit 7,4 litres d’eau par litre de lait transformé. À Davayé, les 180 chèvres boivent près d’un mètre cube d’eau par jour. La fromagerie est le deuxième poste de consommation d’eau (0,68 m3/jour) suivi du nettoyage de la machine à traire (0,57 m3/jour). « En passant du jet d’eau au karcher pour le nettoyage de la fosse, la ferme de Davayé a pu économiser 25 litres par jour » calcule Guillemette Allut, technicienne au Centre fromager de Bourgogne.
La consommation d’eau des chèvres est très variable d’un mois à l’autre. Par exemple, en mai où la température était en moyenne de 13 °C, chaque chèvre buvait en moyenne 4,5 litres d’eau. Par contre, en juillet où la température moyenne grimpe à 23 °C, chacune avalait quotidiennement 6,3 litres.
EN SAVOIR PLUS
Un guide pour économiser
Le Guide du bâtiment d’élevage à énergie positive liste une série d’économies d’énergie possible parmi lesquels le pré-refroidisseur de lait, le récupérateur de chaleur sur tank à lait, le chauffe-eau solaire, la ventilation économe, le récupérateur de chaleur sous l’aire paillée…