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Produits alimentaires
Réalités et avenir des produits fermiers

Qu´est-ce qu´un produit alimentaire fermier ? Cette question récurrente a plané tout au long du colloque organisé les 6 et 7 octobre dernier par l´Enita(1) de Clermont-Ferrand dans le cadre du Sommet de l´élevage.


Longtemps considérée comme marginale et archaïque, car en contradiction avec le modèle économique dominant en agriculture, la production fermière connaît un renouveau incontestable depuis les années 1980. Réalité économique désormais reconnue, opportunité de diversification et de plus-value pour certaines exploitations, la production fermière tarde cependant à être définie sur le plan institutionnel. Son image porteuse et vendeuse suscite en effet des intérêts qui ne sont pas toujours compatibles avec la tradition fermière et son image auprès des consommateurs. « Dans le droit français et communautaire, il n´existe pas de définition de la production fermière réelle. La loi d´orientation agricole du 9 juillet 1999 stipule que le terme fermier devrait être réglementé par un décret, mais celui-ci n´est toujours pas publié » a constaté Léon Lagrange en retraçant l´historique de la production fermière française depuis la période des années 1970 où elle était considérée de façon souvent négative.
Mention valorisante pour les consommateurs car liée à un mode de production spécifique, le qualificatif fermier des produits demande à être précisé afin d´éviter des dérives dont certaines se font déjà jour.
Aujourd´hui le qualificatif fermier n´est pas un signe officiel de qualité ou d´origine comme les appellations d´origine contrôlées ou l´agriculture biologique. Son emploi n´est donc pas réglementé à l´exception notable des fromages (depuis le décret du 30 décembre 1988) et des volailles pour lesquelles les règlements communautaires stipulent que les expressions « fermier - élevé en plein air » et « fermier - élevé en liberté » ne peuvent être utilisées que par les productions bénéficiant d´un Label Rouge ou d´une Certification de Conformité.
Cet écart entre le droit et la réalité du marché constitue un paradoxe, vivement contesté par les professionnels qui ne comprennent pas le retard apporté à la publication du décret pourtant prévu dans la loi d´orientation agricole de 1999.
Pour ce qui concerne les fromages, les fédérations professionnelles directement concernées ont pris position pour le maintien de la définition figurant dans le décret de 1988. L´idée d´un label fermier européen a également été évoquée, même si la notion de produit fermier n´a pas toujours de signification positive dans des pays comme l´Italie, l´Espagne et le Portugal où l´on préfère le terme artisanal généralement plus porteur.
Salon fermier à Paris. Le qualificatif fermier n´est pas un signe officiel de qualité ou d´origine, il demande à être mieux défini.©D. R.

Marchés et enjeux actuels
Si historiquement, la production fermière était liée à une économie agricole autarcique, les réalités d´aujourd´hui montrent une activité liée à l´existence d´un marché, parfois dénommé « agroalimentaire paysan » qui bénéficie d´une demande réelle de la part des consommateurs. De plus, des études conduites en France et à l´étranger montrent que les produits fermiers jouissent d´un contenu émotionnel positif renforcé par la vente directe.
Homme filière assurant les fonctions de producteur, transformateur et vendeur, le profil du producteur fermier s´est diversifié. « Dans un contexte agricole qui a institutionnalisé la spécialisation productiviste comme modèle dominant, la transformation et la vente directe constituent des changements de métiers techniques et culturels, au regard du métier classique d´agriculteur », a noté Vincent Lagarde de l´Université de Limoges.
C´est ainsi qu´à côté des fermiers traditionnels, reproduisant des pratiques et des savoirs anciens, est apparu un deuxième type de producteur entrepreneur, qui raisonne la valorisation de ses produits transformés en fonction d´un marché identifié, tout en s´inscrivant en marge des filières organisées. Producteur de dimension artisanale, l´agriculteur fermier doit gérer un marché qui n´est pas garanti, il se trouve donc directement confronté aux lois de l´offre et de la demande sur le segment qu´il a choisi.
Bien que la démarche fermière soit essentiellement individuelle, des actions collectives se sont développées afin d´accompagner la promotion et la commercialisation des produits fermiers. C´est notamment le cas des Civam qui, depuis près de vingt ans, sont impliqués dans des actions nationales, avec des opérations comme « la France de ferme en ferme ». Sur la base des engagements figurant dans une charte nationale, les producteurs fermiers adhérents accueillent le public à la ferme le temps d´un week-end, chaque année à la fin d´avril. Dans le même ordre d´idée s´inscrivent les salons fermiers qui rencontrent un succès croissant, ainsi que les activités d´accueil à la ferme (fermes-auberges, fermes pédagogiques, etc.)
Moulage du Chevrotin AOC. Aujourd´hui, les produits fermiers bénéficient d´une demande réelle de la part des consommateurs. ©D. R.

Préserver la typicité des produits fermiers
Si la transformation à la ferme de ses produits par un agriculteur désigne un mode de production qualifié de fermier, cela ne caractérise pas pour autant les qualités spécifiques des produits. On considère généralement que les produits fermiers, de par l´origine de leurs matières premières et des conditions artisanales de transformation, présentent également une typicité et des caractéristiques organoleptiques proches de la tradition.
Pour autant ces qualités spécifiques demandent à être préservées. Les résultats des études visant à identifier les qualités spécifiques des fromages, saucissons, jambons, montrent la nécessité se mettre ces qualités en évidence de façon objective, tout en soulignant l´importance des matières premières avec leurs modes de production : lait d´herbe, races de porcs, contaminations naturelles et utiles, écosystèmes microbiens, etc.
De même, les méthodes de transformation doivent rester originales et liées à la tradition de chaque produit, c´est-à-dire sans avoir recours aux méthodes et équipements industriels.
Ces différences étant identifiées, la question se pose alors de savoir comment communiquer sur ces différences auprès du consommateur de façon à mieux les valoriser. On rejoint là les notions de typicité, d´authenticité liées à la tradition sur lesquelles s´appuie la démarche fermière, mais avec la nécessité d´une parfaite transparence sur les pratiques et les savoir-faire.
L´attirance du consommateur vis-à-vis de produits ayant du goût et véhiculant une image d´authenticité est un des atouts majeurs des produits fermiers, encore faut-il que les pratiques réelles soient bien conformes à leur image.
(1) Ecole Nationale d´Ingénieurs des Travaux Agricoles, établissement d´enseignement supérieur agronomique et de recherche. Adresse : Site de Marmilhat, BP 35, 63 370 Lempdes.

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