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Afrique
Les chèvres sénégalaises comme levier de développement

Depuis dix ans, la région Poitou-Charentes aide les éleveurs sénégalais à mieux élever leurs chèvres et à transformer le lait. Un succès qui place la chèvre comme un bon outil de développement.

Au Sénégal, le cheptel caprin est estimé à plus de cinq millions de têtes, soit environ une chèvre pour trois habitants. C’est donc un élevage commun en milieu rural comme en milieu urbain. 80 % des éleveurs de chèvres sont des femmes et des jeunes. L’élevage caprin touche ainsi la couche la plus vulnérable de la population sénégalaise pour laquelle il constitue une ressource potentielle de revenus.

La chèvre sénégalaise traîne une mauvaise réputation

Malheureusement, la chèvre a longtemps véhiculé une mauvaise image au Sénégal ce qui explique le peu d’intérêt dont elle a fait preuve jusqu’ici. D’abord au niveau des pouvoirs publics, elle a été décriée en raison de son éventuel impact sur la progression du désert. Son comportement alimentaire qui l’amène à brouter de préférence les arbustes, est à l’origine de cette mauvaise interprétation.

La chèvre est également traitée comme la « vache du pauvre » car elle constitue le « porte-monnaie » des familles les plus pauvres. La vente d’une chèvre permet de régler les problèmes familiaux. Elle n’a pas de vocation productive. Plusieurs croyances voulaient même que la viande et le lait de chèvre réveillent des maladies comme la lèpre. Cette rumeur avait toutefois un objectif clair : protéger les chèvres afin que la famille puisse accéder, via la vente de plusieurs chèvres, à l’achat de vaches, symbole de richesse et de réussite économique et sociale.

Un programme pour aider les éleveurs et créer une filière

Ces réalités culturelles, très ancrées dans la population sénégalaise, ont nécessité un travail important de communication afin de faire évoluer l’image de la chèvre vers un moyen possible de développement socio-économique. Ce travail a été entamé à partir de 2006 par le programme d’amélioration de la filière caprine (PAFC) dans la région de Fatick.

Ce programme a été mis en place dans le cadre de la coopération décentralisée entre la région Poitou-Charentes puis Nouvelle Aquitaine et les conseils départementaux des régions de Fatick et Diourbel. Il est mis en œuvre en France par les Chevriers de Nouvelle Aquitaine & Vendée et au Sénégal par l’Association régionale des éleveurs caprins de Fatick, l’Arecaf.

Le programme cherche à améliorer les conduites d’élevage à travers l’alimentation, la santé, le logement, la reproduction, etc. Il vise aussi à mieux valoriser les produits caprins, en particulier par la transformation du lait de chèvre en yaourt et fromage. Enfin, le dernier axe du programme vise à mieux structurer la filière caprine locale.

Un centre national caprin dans la région de Fatick

En dix ans d’actions dans la région, le programme a permis d’accompagner près de 1 500 éleveurs à faire évoluer leurs pratiques. Plus de 400 éleveurs ont été formés aux techniques d’élevage et à la transformation du lait. Des stocks de fourrages sont constitués pour les chèvres et des bâtiments modernes sont mis en place. Des essais d’identification des chèvres ainsi que le contrôle de performance des chevreaux donnent des résultats exploitables. Trois fromageries ont été créées afin de valoriser le lait de chèvres et la consommation de lait de chèvre se généralise.

L’association des éleveurs caprins de Fatick est aussi de mieux en mieux reconnue au niveau local et national. Ainsi, la promotion de la filière caprine, et notamment la première foire caprine de Fatick, a incité le ministère de l’élevage et des productions animales à mettre en place un centre d’impulsion et de modernisation des élevages spécialement pour les chèvres. Ce centre basé à Niakhar a pour but de développer au niveau national l’élevage caprin, former les éleveurs et techniciens et mettre en place un schéma d’amélioration génétique de la race locale.

Des chèvres confiées qui font des petits

Le PAFC, composé d’une équipe de sept personnes et bientôt 13, poursuivra encore en 2017 son travail d’accompagnement des éleveurs caprins. L’identification par bouclage, la vaccination et le déparasitage de 15 000 chèvres sont programmés. Les formations techniques vont se poursuivre de même que le système de confiage qui a déjà porté ses fruits.

Le confiage consiste à confier des chèvres reproductrices par tirage au sort à des éleveurs. Chaque bénéficiaire est chargé d’élever la chèvre et de remettre les petits issus des deux premières mises bas à d’autres bénéficiaires. Une fois sa dette acquittée le bénéficiaire devient propriétaire de la chèvre confiée et de tous les petits suivants. Ainsi, des femmes ont pu constituer un petit troupeau d’une dizaine de chèvres à partir d’une chèvre confiée.

Des systèmes caprins encore très traditionnels

L’élevage de la chèvre au Sénégal reste encore traditionnel. En effet, la chèvre ayant la réputation d’un animal relativement autonome, débrouillard et résistant, le mode d’élevage le plus répandu au Sénégal est l’élevage en divagation. C’est-à-dire que les chèvres sont attachées dans les cours des maisons la nuit et partent seules la journée pour subvenir à leurs besoins. Cette divagation est pratiquée toute l’année, exceptée pendant la saison des pluies où les animaux sont attachés à un piquet pour éviter d’aller détruire les cultures.

D’autres pratiques, moins répandues, consistent à conduire les chèvres au pâturage avec un berger. Certains éleveurs pratiquent également la transhumance et les chèvres sont associées au troupeau d’autres ruminants. Timidement les pratiques commencent à évoluer vers des élevages de chèvre semi-intensif voir intensif.

Une économie caprine de moins en moins anecdotique

Dans la région de Fatick, nombre d’éleveurs considèrent maintenant l’élevage de chèvre comme un moyen de développer ses revenus. C’est le cas d’Ali Diallo qui possède avec sa femme Diarry, un troupeau d’une cinquantaine de chèvres. En 2016, ils ont vendu 20 jeunes boucs au prix moyen unitaire de 35 € ce qui représente un revenu mensuel de 70 €, quasiment un revenu minimum sénégalais mensuel.

Fatou Diouf, quant à elle, élève une vingtaine de chèvres qu’elle trait depuis 4-5 ans. Elle transforme le lait en yaourt et crème glacée qu’elle commercialise dans son village ou à la sortie des écoles de la ville voisine. Elle fait également ponctuellement du fromage frais de chèvre. La vente de petits boucs et cette valorisation du lait lui permettent de tirer un complément de revenus intéressants. Il couvre les besoins familiaux et lui permet de développer d’autres activités génératrices de revenus comme le commerce de produits cosmétiques.

L’élevage de chèvre au Sénégal est enfin reconnu tant par les populations que le gouvernement comme un levier de développement socio-économique qu’il est important de préserver, d’accompagner et de développer !

Les ambitions du Sénégal agricole

Le Sénégal veut construire une agriculture diversifiée, compétitive et durable. Avec son Programme d’accélération de la cadence agriculture sénégalaise (Pracas), le ministère de l’agriculture souhaite renforcer à la fois l’autosuffisance alimentaire des Sénégalais et l’exportation. Outre les programmes pour encourager les jeunes sénégalais à retourner à la terre, le Sénégal a ouvert le secteur aux investisseurs étrangers et l’on voit se créer des domaines agricoles de 100 à 3 000 hectares destinés à l’agrobusiness.

Le riz et l’oignon pour le local, les arachides et les fruits pour l’export

Le Sénégal veut notamment développer quatre filières : le riz et l’oignon pour le marché domestique et l’arachide et les fruits et légumes de contre saison pour l’export. Le pays a aussi créé un label Origine Sénégal, notamment pour valoriser sa filière horticole à l’export. Situé à six jours de mer de l’Europe et à sept jours de l’Amérique, le Sénégal dispose aussi d’un marché intérieur de 14 millions d’habitants étendu à 169 millions de personnes en comptant les 15 états membres de la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

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